Monsieur Emmanuelli, vous avez raison, l'opérateur SFR est d'importance vitale au sens de l'article L. 1332-1 du code de la défense, et peut faire l'objet d'une surveillance particulière en cas d'investissement direct étranger en vertu des articles R. 153-4 et R. 153-2-4° du code monétaire et financier, qui permettent de prendre des mesures de protection dès lors que des incompatibilités seraient détectées.
En ce qui concerne les investissements dans les zones non denses, la question de la mobilisation de l'argent public et privé reste pendante. Les restructurations en cours dans le secteur peuvent amener les pouvoirs publics à intervenir. C'est d'ailleurs le premier dossier dont j'ai parlé avec Mme Lemaire dès sa prise de fonction car c'est le principe d'égalité qui est en jeu puisque l'usage du numérique est devenu un service public et un facteur de développement économique. C'est pourquoi nous nous sommes inquiétés dès le début de la concurrence par les infrastructures. Est-il intelligent et rationnel que, dans les zones denses, les opérateurs financent chacun leurs propres équipements auxquels les autres n'ont pas accès tandis qu'ailleurs, personne n'investit et qu'il faut appeler le contribuable à la rescousse ? Il s'agit d'une conséquence absurde d'une idéologie qui voit dans la concurrence la garantie du plus bas prix au consommateur. Or, dans le numérique, c'est l'offre qui crée la demande. Sans investissement, la valeur ne se crée pas. Le plan Fibre est destiné à couvrir l'ensemble du territoire et, s'il y a redistribution des cartes, les pouvoirs publics devront l'adapter.
Pourquoi avoir choisi de soutenir Bouygues ? Parce que son offre était plus solide en termes d'emploi. Il s'était engagé à ne pas faire de plan social et les reconversions nécessaires devaient se faire à l'intérieur d'un grand groupe multi-métiers. C'était en tout cas plus sécurisant que les engagements d'une entreprise mono-métier dont les activités se situent pour l'essentiel à l'étranger et qui, par ailleurs, a commencé par dégraisser brutalement les effectifs des sociétés qu'elle avait acquises en France. Néanmoins, des engagements ont été pris et nous les ferons respecter.
Il va falloir que les autorités compétentes examinent l'asymétrie dans l'accès au marché entre le câble, dont le propriétaire a le monopole de la jouissance, et la fibre.
À ceux qui se sont émus de mon interventionnisme, convenez qu'il a produit chaque fois des évolutions positives en termes d'emploi, d'investissement et de patriotisme économique. Ainsi, M. Drahi a accepté de coter Altice à Paris ; il s'est engagé à ce qu'il n'y ait pas de migration de valeur par le biais des management fees. L'administration fiscale y veillera. Pour les investissements, nous ne sommes pas satisfaits et nous allons continuer à exercer une vigilance bienveillante.
Monsieur Tardy, je vous répondrai en vous citant M. Raffarin : « Un ministre doit dire aussi quel est l'intérêt de la France. Je pense qu'Arnaud Montebourg avait raison sur le dossier Bouygues et que c'est un combat qui avait une certaine légitimité. » La nécessité d'intervenir dans l'intérêt de tous faisait donc l'objet d'un consensus relatif.
Que le Gouvernement ait annoncé l'accord avec quelques heures d'avance ne vous paraît pas légitime, mais il n'est pas actionnaire et il peut dire ce qu'il veut dès lors qu'il ne franchit pas les interdictions posées par le code monétaire et financier. Il est libre et aucune autorité indépendante ne peut le rappeler à l'ordre. Seul le suffrage universel peut le faire.
La Caisse des dépôts était-elle dans son rôle ? Je vous rappelle, monsieur le député, qu'elle n'est pas placée sous l'autorité du Gouvernement, mais sous la surveillance du Parlement, qui est, depuis 1816, le garant de la préservation de l'intérêt des épargnants. Je ne peux donc pas répondre à cette question, mais je fais remarquer que la CDC possède 3 % du capital de près de la totalité du CAC 40. Et, si vous voulez qu'elle vous rende des comptes, adressez-vous à M. Emmanuelli qui préside le conseil de surveillance.
Mme Erhel s'inquiète à juste titre de la sous-traitance où règne le plus grand désordre. Depuis l'arrivée de Free, qui n'est pas responsable de la décision qui a été prise, le secteur est sérieusement déstabilisé. Les dégâts sont considérables dans le réseau de boutiques, chez les équipementiers – à Lannion, on en sait quelque chose –, dans les centres d'appel dont beaucoup ont été délocalisés. Nous avons été saisis par les organisations syndicales et nous avons mené le débat de façon transparente. Mais nous n'avons pas d'instruments de mesure sinon macroéconomiques. La fermeture d'une trentaine de boutiques dans une quinzaine de villes passe inaperçue même si l'emploi est touché. Et c'est aux parlementaires que vous êtes à vous préoccuper du sujet et à croiser les informations. Peut-être mettrons-nous sur pied un observatoire de la sous-traitance auquel nous vous associerons volontiers.
Les centres d'appel, eux, sont bien visibles. Bouygues avait pris l'engagement de rapatrier les siens. Nous allons en demander autant à SFR-Numericable ; nous veillerons à tout le moins au maintien de ceux qui existent et nous n'accepterons pas que les engagements pris aient pour conséquence des licenciements chez les sous-traitants, même si cela se voit moins. Le dossier reste à instruire pour relever le niveau d'exigence.
Madame Allain, il était normal que le Gouvernement prenne position en faveur de ce qu'il considérait être de l'intérêt public mais je n'ai pas d'actions chez Bouygues – cela se saurait puisque nos patrimoines sont transparents. Les protagonistes en ont décidé autrement, mais nous allons faire en sorte que l'offre de Numericable se rapproche de celle de Bouygues. Sans l'intervention du Gouvernement, on aurait parlé uniquement gros sous, sans évoquer les investissements, ni l'emploi qui reste souvent la variable d'ajustement. Le Gouvernement a donc créé une jurisprudence salutaire. Et il s'apprête à demander des comptes dans d'autres dossiers.
Les offres n'étaient pas publiques puisqu'il s'agissait d'une vente de gré à gré, et non d'une offre publique d'achat. Seules les autorités indépendantes en auront connaissance.
M. Blein a posé la question qui fâche. À quoi sert l'ARCEP ? Les autorités indépendantes doivent être puissantes pour tout ce qui concerne les libertés publiques, et elles n'ont pas à être sous la tutelle du politique. Dans le domaine économique, en revanche, la régulation doit favoriser tantôt le producteur, tantôt le consommateur, et il n'est pas judicieux de la confier à une autorité qui applique des règles sans faire de choix, ou qui, dans le pire des cas, en fait mais sans le dire, car elle n'aura jamais à en répondre. J'ai expliqué à l'occasion des voeux devant la Fédération française des télécommunications qu'il fallait revoir les pouvoirs de l'ARCEP et mieux les coordonner avec le pouvoir politique sans mettre en cause la directive européenne. On pourrait mieux définir ses missions : doit-elle défendre à tous crins l'idéologie de la concurrence ou arbitrer en fonction des intérêts du pays ? Nous en reparlerons lors de la discussion du projet de loi numérique que Mme Axelle Lemaire est chargée de préparer à mes côtés.
Oui, le mandat de l'ARCEP doit changer, madame Rabault. Au fond, délivrer une licence d'exploitation du domaine public hertzien ou de la voirie, c'est la même chose. Ne sommes-nous pas en droit d'obtenir des contreparties en termes d'emploi et d'investissement de la part des opérateurs, qui sont comme des cafetiers souhaitant installer leur terrasse sur les trottoirs ? Pourtant, il n'en a jamais été question et la loi doit y remédier pour mettre fin au train de décisions unilatérales prises par des comités Théodule. Il faut les confier au Gouvernement qui est légitime et souverain – sous le contrôle du Parlement.
Madame Bareigts, si j'ai bien compris, Numericable est désormais en position dominante à La Réunion. Il faut résoudre ce problème avant de lancer les appels à projet. Nous pourrions nous rencontrer la semaine prochaine pour que je puisse répondre précisément sur les sujets que vous souhaitez approfondir.