Intervention de Yves-Marie Laurent

Réunion du 10 avril 2014 à 9h30
Mission d'information sur l'écotaxe poids lourds

Yves-Marie Laurent, directeur général de Vivescia TransportAgriliance :

Le document intitulé « L'impact de l'écotaxe à l'échelle des coopératives agricoles et agroalimentaires » présente dans un premier temps la complexité des flux dans nos différentes filières. Que ce soit dans la filière végétale, la filière laitière, la filière bétail et viande ou la filière animale, nos schémas logistiques nécessitent, de l'exploitation agricole – champ ou élevage – jusqu'à l'usine de transformation, de nombreuses ruptures de charge et beaucoup de transports intermédiaires réalisés sur de très courtes distances – inférieures à 150 kilomètres –, ce qui interdit le report modal, d'une part parce que les infrastructures sont inexistantes, d'autre part parce que le report modal n'est pas rentable sur de très courtes distances.

Le schéma consacré à la filière animale montre ainsi la multiplicité des transports intermédiaires qui s'effectuent depuis le reproducteur et l'élevage jusqu'aux clients, en passant par les étapes de transformation successives – abattage, découpe, viande fraîche et produits élaborés. En amont et en aval, s'ajoutent tous les transports complémentaires liés à l'approvisionnement en produits d'élevage – amendements, engrais, produits phytosanitaires – et de conditionnement. Sur l'ensemble de ces flux, trois seulement peuvent faire l'objet d'un report modal.

L'étude nous a également permis de mettre en lumière six cas concrets qui illustrent les effets pervers de l'écotaxe.

Le cas n° 1 illustre la distorsion entre le coût réel de l'écotaxe supportée par le transporteur et la majoration forfaitaire : une coopérative du sud de la France livrant ses fruits et légumes à Paris acquittera une majoration forfaitaire d'environ 50 euros pour un montant réel d'écotaxe acquitté par le transporteur de 28 euros. Ce surcoût est naturellement préjudiciable à la compétitivité de la filière.

Le cas n° 2 illustre les effets contreproductifs de l'écotaxe sur un schéma de transport vertueux : il s'agit d'une coopérative de Montluçon s'approvisionnant depuis Fos-sur-Mer par barges, via la Saône, jusqu'à Mâcon, puis par camion via Moulins. Ce dernier axe étant désormais écotaxé, la coopérative va opter pour un transport intégral par route, de Sète à Montluçon.

Le cas n° 3 montre l'impact négatif de l'écotaxe sur la compétitivité et l'emploi : pour une coopérative bretonne qui s'approvisionne dans la France entière et livre ses produits finis sur l'ensemble du territoire, le surcoût induit par l'écotaxe détériore son résultat opérationnel et grève ses capacités d'investissement.

Le cas n° 4 illustre comment l'écotaxe peut être défavorable aux produits nationaux : tandis qu'un produit importé par cargo ne sera taxé que de 2,5 euros entre Le Havre et Rouen, un producteur basé à Orléans acquittera, lui, une écotaxe de 30 euros pour transporter sa marchandise jusqu'à Rouen, somme à laquelle il faut également ajouter le montant des taxes qui pèsent sur l'ensemble des flux logistiques en amont de la livraison.

Le cas n° 5 concerne l'Eure-et-Loir mais vaut pour d'autres départements où ont été édictées des restrictions de circulation visant à éviter les reports de circulation sur des routes non taxées. C'est une double punition pour les transporteurs, qui doivent non seulement s'acquitter de l'écotaxe mais aussi emprunter des itinéraires beaucoup plus longs que les itinéraires originaux.

Le cas n° 6 enfin illustre l'impact négatif de l'écotaxe sur la filière « bio », qui dispose d'un maillage territorial beaucoup plus distendu que celui des cultures conventionnelles. Les points de stockage étant ainsi plus éloignés des zones de production, cela augmente le rayon moyen de collecte et donc le poids de l'écotaxe sur une filière que chacun pourtant souhaite voir se développer.

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