Intervention de Philippe Duron

Réunion du 19 février 2014 à 11h00
Mission d'information sur l'écotaxe poids lourds

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Duron, président de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, AFITF :

L'écotaxe est un dossier complexe, qui présente à la fois une dimension financière – l'État rémunère Ecomouv' et devrait lui verser, en sus, une indemnité, si l'écotaxe n'était pas mis en place – et fiscale – nous avons besoin de recettes pour financer les infrastructures de transport en France. L'écotaxe doit en outre permettre de répondre à des problèmes de mobilité – nous avons encore des progrès à faire en matière de lutte contre la congestion ou pour améliorer les performances de certains modes de transport – et à des problèmes environnementaux – il convient de réduire les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d'énergies fossiles.

Quant aux études qui pourraient être utiles à votre Mission, l'AFITF ne dispose malheureusement d'aucune capacité d'expertise. Le législateur n'a pas souhaité lui en donner une, alors que cela lui a été demandé, notamment dans le rapport de M. Claude Gressier en 2009. Le rôle de l'AFITF est de protéger les ressources, de les affecter de manière transparente, de donner des garanties juridiques aux conventions que l'État passe avec ses partenaires et d'assurer le suivi de ces conventions et des financements qu'elle accorde. Aujourd'hui, notamment en cas de partenariat public-privé, l'État s'engage sur des durées parfois très longues : vingt-cinq ou trente ans, voir davantage dans le domaine ferroviaire.

L'AFITF a reçu pour la première fois une subvention d'équilibre de l'État en 2009, après avoir consommé la soulte de 4 milliards d'euros provenant de la privatisation des SEMCA. Elle s'est élevée cette année-là à 1 228 539 000 euros, auxquels se sont ajoutés 374 millions issus du plan de relance. Les années suivantes, la subvention a été d'environ 900 millions d'euros : 914 millions en 2010 ; 974 en 2011 ; 900 en 2012. Puis, le budget triennal a prévu son extinction « en sifflet ». En 2013, elle s'est établie à 559 809 447 euros. Cette année, elle aurait dû être plus modeste encore : 400 millions d'euros sur le papier, réduits à 334 millions après application des mesures d'économies – gel et réserve de précaution. Finalement, elle s'élèvera à 656 millions d'euros, grâce au repositionnement de certains crédits et au dégel de 100 millions d'euros gelés en 2013.

Le Premier ministre a lancé la procédure d'élaboration de la nouvelle génération de CPER à la fin de l'été 2013. Il a décidé que les CPER comporteraient un volet « mobilité », conformément aux recommandations de la commission « Mobilité 21 ». Ainsi, la contractualisation entre l'État et les régions concernera désormais non plus seulement un mode de transport particulier – routier, ferroviaire ou fluviomaritime – mais la mobilité au sens large. Il appartient aux partenaires sur le terrain – préfet de région, président de conseil régional – de déterminer quelles sont les priorités de leur territoire : elles ne sont par exemple par les mêmes pour une région maritime ou une zone de montagne. Le Premier ministre avait donné mission aux préfets, par trois circulaires, de mener ce travail à bien avant la fin de l'année 2013.

Dans son discours sur les grands investissements de l'État prononcé le 9 juillet 2013 à l'université Pierre-et-Marie-Curie, le Premier ministre a souhaité que le budget de l'AFITF atteigne 2,5 milliards d'euros par an. Si tel était le cas, l'agence pourrait financer le volet « mobilité » des CPER. Mais, dans le cadre du budget voté pour 2014, elle n'est pas en mesure de mettre en place les premiers crédits de paiement pour la nouvelle génération de CPER. Le Gouvernement trouvera peut-être des solutions pour la deuxième partie de l'année.

Monsieur Gorges, vous avez estimé qu'une partie des réseaux routier, ferroviaire, voire fluviomaritime, devait conserver un caractère national. On imagine mal, en effet, que la cohérence des itinéraires ne soit pas garantie, surtout dans un pays tel que le nôtre. La réorganisation de l'État en matière de routes a privilégié cette notion d'itinéraire. Le premier problème aujourd'hui est celui du financement : d'une part, la ressource publique diminue et, d'autre part, les instances européennes nous incitent à mobiliser l'épargne privée pour financer certaines infrastructures – tel est notamment le rôle des project bonds dans l'esprit de la Banque centrale européenne. Dans la configuration actuelle, les partenariats public-privé sont beaucoup plus coûteux que les financements publics, ce qui rend certains arbitrages politiques difficiles à rendre. Mais il est des cas où ils présentent un réel intérêt, notamment lorsque les projets sont très complexes : le Gouvernement a ainsi décidé d'avoir recours à un financement public-privé pour achever la rocade L2 à Marseille.

D'autre part, il convient de déterminer qui doit supporter le coût des infrastructures : le contribuable, l'usager ou les deux selon un équilibre à définir. C'est un débat de nature politique, qu'il n'appartient pas au président de l'AFITF de trancher. Lorsque la France s'est fixé l'objectif, il y a près de quarante ans, de rattraper son retard en matière de construction d'autoroutes, elle a créé des sociétés publiques – les SEMCA –, mais elle a décidé que les nouvelles infrastructures seraient financées par l'usager.

Enfin, deux usages de la route ou des voies ferrées peuvent être distingués : en tant que service public ou à des fins économiques. Même si cela fait débat en Bretagne, il n'est pas illégitime d'intégrer dans le coût du transport des marchandises – et donc dans leur prix final – celui de l'infrastructure et de son usage.

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