Intervention de Philippe Duron

Réunion du 19 février 2014 à 11h00
Mission d'information sur l'écotaxe poids lourds

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Duron, président de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, AFITF :

À ce stade, pour l'exercice 2014.

J'ai peut-être évoqué imprudemment une régionalisation plutôt qu'une départementalisation. Mais telle est bien l'idée qui revient dans le débat public. Il revient au pouvoir politique de décider à qui l'État doit transférer telle ou telle infrastructure. Il serait en effet plus logique d'affecter la totalité d'un mode de transport à un même niveau de collectivités. Dans le cadre du projet de loi de décentralisation, comme l'a indiqué M. Savary, il est envisagé de faire des régions des AOT et de leur confier un rôle de chef de file en matière de transports, afin qu'elles puissent avoir une vision cohérente des problématiques de mobilité sur leur territoire. Pour l'instant, aucun nouveau transfert de routes nationales n'est prévu. Au vu de mon expérience de président de conseil régional, il ne serait d'ailleurs pas facile aux régions de gérer les routes.

Il est en effet possible, monsieur Benoit, de traiter temporairement de manière séparée la question du financement de l'AFITF et celle de la mise en place de l'écotaxe. À cet égard, il ne m'appartient pas de me prononcer sur l'opportunité de réorienter au profit de l'AFITF une partie des financements consacrés au CICE. Quoi qu'il en soit, l'instauration d'une taxe sur l'usage des routes présente un intérêt propre : inciter à rationaliser le transport routier et à réaliser un transfert modal. La situation est complexe dans notre pays : le transfert modal vers le rail est le mot d'ordre de tous les gouvernements depuis une vingtaine d'années mais, à ce stade, pour reprendre le bon mot d'un ancien président de Geodis, nous le réalisons à rebours ! Il convient, d'une part, d'améliorer l'efficacité du système ferroviaire – tel est l'objectif du projet de loi qui sera examiné prochainement par le Parlement – et, d'autre part, de donner des signaux tarifaires : les chargeurs choisiront logiquement le mode de transport le plus efficace et le plus économique.

Il n'est pas exact que les transporteurs routiers supporteront le poids de l'écotaxe, comme on l'entend souvent. En tout cas, tel n'est pas le dispositif prévu : avec le mécanisme de répercussion, c'est le chargeur qui prendra en compte l'écotaxe dans son équation financière et l'intégrera au prix du produit final. Certes, la répartition de la charge que représente l'écotaxe pourra faire l'objet d'une négociation entre le chargeur et le transporteur, ce qui introduira le cas échéant un biais dans le dispositif.

Monsieur Le Fur, lorsque le CIADT de décembre 2003 a décidé de créer une agence de financement disposant de ressources affectées, il était en effet prévu que les crédits de l'AFITF contribuent exclusivement au développement de projets nouveaux. Cependant, l'État a ensuite confié à l'agence la mission de financer d'autres projets : la sécurisation des tunnels, le volet « transports » du plan Espoir Banlieues, les TCSP. Il existe néanmoins une justification pour les TCSP : il s'agit d'inciter les villes et les agglomérations à s'engager plus fortement dans le transfert modal en matière de transport de voyageurs. De plus, la part des financements de l'État dans les TCSP demeure modeste : 20 % des dépenses subventionnables, soit environ 10 % du coût total d'un projet.

Vous avez évoqué, madame Erhel, l'acceptabilité sociale de la réforme. Nous avons tous été surpris – je m'exprime cette fois en ma qualité de parlementaire – par la résistance suscitée par la mise en place de l'écotaxe. Nous ne nourrissions guère de doutes sur la pertinence du dispositif : nous l'avons approuvé à la quasi-unanimité et nous sommes donc tous collectivement responsables de cette décision.

Quant aux portiques, ce sont bien des supports de capteurs. Peut-être aurait-on pu les rendre plus acceptables en leur attribuant d'autres fonctions, par exemple celle de diffuser des informations sur les conditions météorologiques ou l'état du trafic, comme l'a suggéré le ministre délégué chargé des transports.

Les études que vous évoquez sont difficiles à réaliser, car l'impact économique de l'écotaxe varie non seulement en fonction de la nature des produits, comme l'a indiqué M. Le Fur, mais aussi d'autres facteurs, tels que la longueur des itinéraires.

Pour conclure, l'écotaxe sera aussi un moyen de rétablir une concurrence plus saine entre transporteurs français et étrangers. Pour la plupart, ces derniers ne paient rien actuellement pour l'usage du réseau routier français. En particulier, ils n'acquittent pas la TICPE, car les camions qu'ils affrètent font le plein au Luxembourg ou en Espagne, pour peu qu'ils soient équipés de réservoirs de 1 100 litres. La moitié des 200 000 agents économiques qui se sont enregistrés auprès d'Ecomouv' sont des transporteurs étrangers : ils sont déjà habitués à ce type de dispositif sur les autres réseaux routiers qu'ils empruntent.

Je le répète : l'AFITF a besoin de ressources pour financer les infrastructures de transport. L'écotaxe constitue une solution efficace pour ce faire. Sa non-mise en oeuvre compromet gravement la construction et la régénération des équipements dans les années à venir.

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