Intervention de Frédéric Cuvillier

Réunion du 11 décembre 2013 à 11h00
Mission d'information sur l'écotaxe poids lourds

Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche :

Monsieur le président, l'objectif que vous avez énoncé est ambitieux dans un contexte de contraintes juridiques et contractuelles. Voté à plusieurs reprises par le Parlement, notamment en 2009 dans le cadre de la loi Grenelle 1, le dispositif de l'écotaxe fait l'objet d'un décret publié le 6 mai 2012 qui définit les modalités de sa répercussion. Dans le cadre de la directive « Eurovignette », plusieurs étapes ont été franchies entre 2009 et 2012, basées sur le principe de l'utilisateur-payeur. À cet égard, l'article 11 de la loi de 2009 précise le double enjeu du report modal et de la modernisation des infrastructures de transport grâce à de nouvelles ressources.

Dès 2009, les contours du réseau taxable sont précisés : les routes nationales sont soumises au dispositif. Par décret de 2011, une partie des réseaux départementaux est incluse, après consultation de tous conseils généraux. Le réseau taxable représente 15 000 kilomètres de routes : 10 000 km de routes nationales et 5 000 km de routes départementales dans 65 départements, soit 1,5 % du réseau routier.

Depuis le décret du 6 mai 2012, il est apparu nécessaire de simplifier le dispositif de répercussion. Le Parlement lui-même s'est longuement attardé sur la mise en place de l'écotaxe, puisque les dispositions finales relatives à celle-ci sont issues de la loi du 28 mai 2013. Afin de solidifier un dispositif qui était juridiquement fragile, nous avons choisi un mécanisme de répercussion forfaitaire. La répercussion réelle prévue dans le dispositif initial – par client, par commande, par kilomètre parcouru – était en effet difficilement applicable dans la mesure où le transport de marchandises fait le plus souvent l'objet de groupements de commandes.

Dans le cadre nécessairement contraint par la directive européenne, les travaux parlementaires ont apporté un certain nombre d'aménagements, je pense aux véhicules de collecte du lait, aux camions d'entretien des réseaux des collectivités et de l'État, mais aussi à la reconnaissance de la « périphéricité » de certaines régions, notamment avec des abattements. Je rappelle que les véhicules agricoles ne seront pas concernés par l'écotaxe poids lourds.

Nous avons également souhaité mettre en place un dispositif évolutif. À la demande des parlementaires, le Gouvernement a accepté la mise en place d'observatoires régionaux, mais aussi la remise d'un rapport au Parlement. Le dispositif est en effet appelé à évoluer, y compris à la demande des collectivités locales qui souhaiteraient le rendre plus opérant.

Je rappelle que l'écotaxe représentera une augmentation du prix du transport de l'ordre de 4 %. Mais comme la part moyenne du transport dans les prix aux consommateurs des marchandises est d'environ 10 %, une majoration moyenne de 4 % sur 10 % sera peu perceptible – de l'ordre de 4 centimes pour 10 euros. Il est donc faux de dire que ce dispositif entraînera une hausse sensible des coûts : une somme globale pèsera sur l'ensemble du transport et sera répercutée sur les donneurs d'ordre. Au final Au bout du compte, c'est le consommateur qui intégrera cette charge supplémentaire de quelques centimes par produit.

En annonçant sa suspension, le Premier ministre a réaffirmé la nécessité absolue de l'écotaxe qui contribuera à la modernisation des infrastructures, tout en permettant une diminution des moyens budgétaires – c'est-à-dire de l'impôt – affectés à leur financement. Au demeurant, je note un certain nombre de prises de position favorables à cette taxe.

Au cours des dernières semaines, nous avons mis à profit ce répit supplémentaire pour réfléchir aux pistes qui pourront vous être soumises. Je pense en particulier à la sécurisation des modalités de la répercussion – laquelle est différente selon qu'il s'agit d'un transport en compte propre ou d'un transport pour compte d'autrui. À cet égard, des dispositifs existent, comme une répercussion en pied de facture. Par ailleurs, dans le cadre de la directive, des exonérations sont possibles, notamment pour le transport d'animaux vivants et les véhicules agricoles dans un certain rayon kilométrique. Une autre piste possible serait d'intéresser les collectivités, je pense aux régions, par des centimes additionnels générés par la taxe.

J'attire votre attention sur les difficultés qui seront les vôtres au regard d'un sujet complexe où les intérêts sont divergents. Je songe aux relations entre le monde du transport et le monde agricole, mais aussi aux conditions de concurrence entre les différentes professions. Ce qui est aménagé pour les uns peut en effet se révéler un véritable drame économique pour les autres. Notre pays compte 40 000 entreprises de transport, essentiellement des PME, qu'il faut sécuriser, sachant que 400 000 emplois sont concernés. C'est précisément le contexte de dumping et de concurrence déloyale dans le monde du transport qui a amené la France à être à l'initiative d'un appel à la Commission européenne visant à demander la mise à plat des conditions de concurrence et de traitement dans ce secteur. Six pays nous ont rejoints dans cette démarche, d'autres ont manifesté leur intérêt pour une clarification des règles.

En outre, les difficultés sont d'ordre juridique et budgétaire. Pour l'État, la recette envisagée de l'écotaxe poids lourds était de 802 millions d'euros pour 2014 – et de 160 millions pour les départements. C'est dire l'importance de l'enjeu pour le financement et la modernisation des infrastructures. Mon collègue Bernard Cazeneuve ne manquera pas de vous apporter des précisions en la matière.

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