Intervention de Catherine Pons

Réunion du 29 janvier 2014 à 17h30
Mission d'information sur l'écotaxe poids lourds

Catherine Pons, déléguée générale et vice-présidente :

L'UNOSTRA, représentée par le président Roland Bacou, transporteur en Languedoc-Roussillon, et par moi-même, ancien transporteur en Franche-Comté pendant trente ans, vous remercie de la recevoir aujourd'hui.

Vous avez entendu beaucoup de responsables du transport routier de marchandises, et nous apprécions de pouvoir faire entendre la voix des TPE et PME que l'UNOSTRA représente. Si nous sommes ici pour vous parler de notre vision de l'écotaxe dans les TPE, il ne sera pas facile de la dissocier des doléances et des constats répétés à l'envi dans cette enceinte. Nous allons tenter de vous éclairer sur le véritable problème que cette taxe constitue pour les 28 000 petites entreprises du transport routier de marchandises.

Au préalable, permettez-moi de vous présenter la dynamique de l'UNOSTRA.

L'UNOSTRA est née le 25 octobre 1956, de l'union de dizaines de syndicats régionaux de chefs d'entreprises de transport de marchandises et de voyageurs, qui souhaitaient avoir leur propre représentation dans une fédération de transport. Elle compte des adhérents répartis sur l'ensemble du territoire ainsi qu'à La Réunion et en Martinique.

En 1998, sous la présidence de Jean-Louis Amato, l'UNOSTRA a été membre fondateur de l'UETR (l'Union Européenne des Transporteurs Routiers), dont le siège est à Bruxelles. Représentant aujourd'hui seize pays membres et forte de 200 000 entreprises faisant rouler 430 000 véhicules, elle constitue la deuxième fédération européenne du transport routier de marchandises.

Notre organisation professionnelle a pour principale vocation de défendre et d'accompagner les TPE. L'UNOSTRA est plutôt discrète mais elle agit sur le terrain. Outre le dossier de l'écotaxe qui nous réunit aujourd'hui, nous travaillons sur le plan de compétitivité du transport routier de marchandises avec trois autres fédérations – la FNTR, TLF et la Chambre syndicale du déménagement (CSD). Ce plan est soutenu par Frédéric Cuvillier.

Nous intervenons également, avec l'aide de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), dans le dossier d'expérimentation « Regroupement de TPE en régions », qui consiste à réunir des savoir-faire afin de les concentrer, et d'améliorer et développer la productivité d'une communauté professionnelle régionale – 80 % des membres du conseil d'administration de l'UNOSTRA faisant partie de groupements régionaux ou nationaux, voire de coopératives, leur légitimité à porter ce projet ne saurait être contestée. Le regroupement peut être une solution d'avenir pour les petits patrons qui, face aux contraintes du marché, sont voués à disparaître si rien n'est fait.

L'UNOSTRA participe à d'autres solutions novatrices, notamment dans le domaine du transport durable, avec le « rail-route » qui représente un vrai défi pour une PME française. L'entreprise du président Roland Bacou est membre d'un groupement dont l'un des associés est utilisateur de ce mode de transport. Il pourrait vous en parler, si vous le souhaitez.

Notre organisation suit depuis plusieurs années le feuilleton de l'écotaxe, plus communément appelée taxe poids lourds par les chefs d'entreprise du transport routier, aussi bien français qu'européens. À juste titre, puisque ce sont eux qui devront l'acquitter. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir proposé, à maintes reprises entre 2007 et 2009, des solutions alternatives plus simples. Hélas ! elles n'ont pas été retenues.

Depuis 2012, les transporteurs se sont préparés à l'arrivée de l'écotaxe, à reculons, il faut bien le dire, tant les incertitudes étaient grandes. Outre que les principaux textes réglementaires n'ont été publiés qu'avec retard, en septembre 2013, les SHT se sont montrées incapables de répondre aux demandes des transporteurs, que ce soit pour les commandes de boîtiers ou, plus grave, pour les adhésions à la marche à blanc que certaines d'entre elles ont tout simplement refusée. À cela s'ajoute le refus, annoncé dès le départ, des donneurs d'ordre de se soumettre au dispositif de la majoration forfaitaire pourtant inscrit dans la loi.

L'échec du lancement de l'écotaxe ne doit pas cacher le problème principal que nous avons toujours souligné et sur lequel nous souhaitons revenir aujourd'hui : le rôle de collecteur d'impôt assigné au transporteur, sur lequel repose le dispositif. Là est, depuis le départ, la cause principale du malaise des transporteurs, car le rapport de force avec les chargeurs est tel qu'il ne leur permet pas d'assumer ce rôle.

La réalité des pratiques du secteur est celle-ci que les prix sont imposés par les chargeurs ; même lorsqu'il n'y a pas d'appels d'offres, ils sont en position dominante. Trop souvent, les TPE n'ont d'autre issue que d'accepter d'intégrer l'écotaxe dans le prix du transport. Imaginez, dans ces conditions, quel choix ont les transporteurs qui recourent à la sous-traitance en cascade !

En outre, la mise en oeuvre de l'écotaxe constitue un véritable défi tant organisationnel et technique que commercial et financier pour de nombreuses entreprises gérant moins de dix véhicules. Vous n'êtes pas sans savoir qu'un transporteur subit, plus que n'importe quel autre chef d'entreprise, un mille-feuille de réglementations : le code de la route, le code du travail et la réglementation européenne. Par obligation professionnelle, il ne peut être que légaliste ; les différents contrôles dont il fait l'objet quasiment toutes les semaines ne peuvent que le lui rappeler.

Lorsque j'entends les chargeurs se plaindre que les transporteurs vont augmenter leurs marges avec la majoration de l'écotaxe, je dis « stop ! ». Ces propos sont insultants pour nos entreprises qui tirent des marges extrêmement faibles – moins de 1 %.

Dès septembre 2013, les négociations tarifaires avec les chargeurs ont été très houleuses et ont rapidement pris l'allure d'un chantage. Ceux-ci ont suggéré avec insistance une baisse des tarifs 2013 équivalente à la majoration de l'écotaxe 2014, soit une opération blanche pour eux ; la prise en compte de 50 % de la majoration par le transporteur lui-même ; une remise annuelle de l'écotaxe de type « marge arrière ». Est venu s'ajouter, en fin d'année, un calcul très personnel du chargeur du coût réel de la taxe intégrant la déduction de certains tronçons routiers. Comme si cela ne suffisait pas, ces exigences étaient assorties de la remise à plat, dans la plupart des cas, des contrats en cours, sous forme d'appels d'offres.

Depuis 1998, avec l'ouverture du cabotage européen, les prix de transport ont progressivement fait l'objet d'appels d'offres permanents, même pour les transports locaux. Les donneurs d'ordre et les affréteurs ont muté en de véritables traders du transport routier, alors même – ce qui rend cette évolution incompréhensible – que le transport ne représente en moyenne que 3 % du coût total d'une marchandise.

L'addition de tous ces éléments ne met pas, convenons-en, le transporteur en situation de collecter une taxe auprès de son chargeur ; il ne peut que la payer à sa place. Puisque c'est là le principal problème à résoudre pour les TPE, l'UNOSTRA pense que le centre de gravité de l'écotaxe doit être déplacé des transporteurs sur les chargeurs.

Devant le consensus au sein des élus en faveur de la mise en place du dispositif de l'écotaxe, l'UNOSTRA a fait preuve de réalisme et s'est battue pour obtenir une majoration obligatoire et forfaitaire. Le but était d'offrir aux TPE et PME un appui légal pour faire supporter l'écotaxe par les véritables décideurs du choix de mode de transport : les bénéficiaires du transport de la marchandise. À l'issue d'innombrables réunions techniques auxquelles l'UNOSTRA a participé, au cours desquelles ont été présentés maints scénarios, dignes pour certains de véritables usines à gaz, les professionnels ont obtenu un barème de tarification de l'écotaxe lisible et l'inscription dans la loi du principe de la majoration forfaitaire. Ce dispositif permet aux transporteurs de répercuter sur leur prix de vente l'écotaxe ainsi que tous les frais induits pour la mise en place et le suivi de ce dispositif dans leurs entreprises. Entrent, en particulier, dans ces frais induits les kilomètres à vide que personne ne veut jamais payer, ce qui n'est pas un détail.

Avec des marges dépassant rarement 1 % en 2013, sans la majoration aucune des 28 000 TPE et PME de transport ne pourrait absorber le surcoût engendré par l'augmentation prouvée – de l'ordre de 8 à 10 % – des coûts de revient. Cette majoration forfaitaire est un garde-fou indispensable. Qu'elle constitue une obligation légale permet d'imposer, autant que faire se peut, ce que la loi du marché et les acheteurs de transport considèreraient autrement comme un simple élément de négociation. Elle constitue un atout, précaire certes, mais qui a le mérite d'exister, pour des milliers de chefs d'entreprise qui n'ont pas dans leur équipe un commercial rompu aux négociations les plus ardues.

Selon nous, la solution est un système où le transporteur a un rôle déclaratif mais pas de collecteur. Dans l'absolu, cette obligation devrait incomber directement aux chargeurs pour rester dans l'esprit de la loi.

Tout en prenant acte du projet de modification de l'écotaxe, l'UNOSTRA tient à affirmer que certaines conditions ne seront pas négociables à ses yeux : pas de remise en cause de la majoration ; une communication régulière des contrôles effectués par la DGCCRF chez les chargeurs, avant, pendant et après ; la suppression des cautions liées au dispositif ; pas de régime particulier pour le transport pour compte propre en cas d'exonération de certains types de marchandises ; retour au périmètre initial de 10 000 kilomètres du réseau taxé ; révision à la baisse de l'ensemble des barèmes de l'écotaxe ; proposition aux transporteurs d'une période à blanc minimale de six mois. Bien que légaliste, l'UNOSTRA se réserve la possibilité de manifester en dernier recours si ses demandes devaient rester lettre morte.

Le rôle qui nous a été imposé dans le dispositif de l'écotaxe, nous ne l'acceptons pas. Puisqu'il vous appartient aujourd'hui de faire évoluer ce dispositif, nous vous demandons de prendre en compte l'impact qu'il aura sur les TPE du transport routier français. N'oubliez pas que 80 % des camions qui empruntent nos routes nationales et départementales sont français et qu'ils ont une activité régionale ou locale, et que 80 % des entreprises de transport françaises sont des TPE de moins de dix salariés. Ne tirez pas une balle dans les pneus du transport routier, premier vecteur de notre économie !

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