Monsieur le président, merci de m'avoir invitée à venir traiter ici de l'écotaxe, qui constitue en effet une mission importante pour la DGDDI. La participation aux travaux de préparation, puis de mise en oeuvre de cette taxe, dont la collecte a vocation à revenir à la douane, fait partie, depuis trois ou quatre ans, des objectifs clairement assignés par les différents ministres qui se sont succédé.
Ayant pris mes fonctions il y a un an, je n'ai pas connu le dossier de l'écotaxe au moment où il a été pris en mains par la douane. Je précise toutefois que j'ai travaillé à la 4ème sous-direction de la direction du budget, qui est chargée, entre autres, du secteur des transports et de l'équipement. En 2006-2007, j'ai donc pu assister aux prémices de l'écotaxe : mise en place de manière « impromptue » en Alsace et aux premières consultations, notamment auprès de la direction des affaires juridiques, sur les possibilités d'externalisation de telle ou telle catégorie d'acte. J'ai ensuite retrouvé ce dossier en prenant mes fonctions actuelles.
Je parlerai d'abord du rôle de la douane dans la mise en oeuvre de la taxe et, en particulier, de sa position quant à l'externalisation de certaines missions de collecte et de contrôle. J'apporterai ensuite des précisions sur quelques chantiers qui suscitent des interrogations – dont l'enregistrement et les évolutions éventuelles du guide des procédures. Je terminerai par la situation actuelle et les perspectives d'évolution du point de vue de la douane.
Je commencerai donc par la place de la DGDDI dans la mise en oeuvre de l'écotaxe. Précisons que la douane n'a pas participé à l'instauration de la taxe expérimentale en Alsace. En effet, la taxe a été créée dans le code des douanes par la loi du 5 janvier 2006 par le biais d'un amendement parlementaire voté en séance contre l'avis du Gouvernement. Depuis, en revanche, elle a été associée à l'ensemble des travaux qui ont été menés sur le sujet.
La douane a été associée pour la première fois aux travaux relatifs à la mise en oeuvre de la taxe alsacienne à partir de mai 2006. Puis des discussions ont eu lieu en vue d'étendre l'expérimentation alsacienne à l'ensemble du territoire.
On s'est interrogé d'abord sur la nature de la perception. Était-ce une taxe ou une redevance au sens du droit français, sachant qu'au sens du droit communautaire et de la directive Eurovignette il s'agit d'un péage ? La direction de la législation fiscale (DLF) et la direction des affaires juridiques (DAJ) ont rapidement conclu qu'il ne pouvait s'agir que d'une taxe. En effet, seuls les véhicules de transport de marchandises sont assujettis, et le produit de la perception n'est pas affecté exclusivement à l'entretien des routes. Il convenait donc d'appliquer, pour la perception de ce péage, les règles fiscales. Le terme de « taxe » a été retenu dans l'article 153 de la loi de finances initiale pour 2009.
La DGDDI est une administration fiscale chargée de la perception des droits indirects, et en particulier de la taxe à l'essieu et de l'essentiel de la fiscalité environnementale et écologique comme la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). C'est aussi une administration de contrôle, et la perception de la taxe poids lourds en Alsace (TPLA) lui avait été naturellement attribuée par la loi. Elle était aussi logiquement l'administration compétente pour une taxe élargie.
Mais les services de l'État, et en particulier la douane, étaient-ils capables d'élaborer et de gérer eux-mêmes le dispositif technique de calcul et de collecte de l'écotaxe ?
Pour répondre aux contraintes communautaires, il était clair que la mise en oeuvre de cette nouvelle taxe nécessitait le développement d'un système technologique et informatique extrêmement complexe : mise en place de systèmes de détection des véhicules, fourniture de badges, construction d'outils de contrôle, etc. Tous les pays qui ont déjà instauré ce type de taxe – l'Autriche, la Suisse, la République tchèque, l'Allemagne – se sont appuyés sur les compétences de prestataires privés. La complexité étant aggravée en France par la nature du réseau concerné – ouvert, composé de tronçons discontinus – et l'obligation d'appliquer la directive « interopérabilité », qui suppose des équipements utilisables sur tous les réseaux à péage, l'élaboration technique ne pouvait être confiée qu'à un prestataire privé.
Ensuite, on pouvait s'interroger sur la capacité de l'État à exploiter le dispositif, une fois celui-ci élaboré. Or, à la complexité technique s'ajoutait la complexité juridique liée au déploiement de l'interopérabilité, obligatoire pour tout nouveau dispositif de péage institué après le 1er janvier 2007 – l'Allemagne, qui avait déployé son système antérieurement, avait pu y échapper. De ce fait, un contrat doit être signé entre le percepteur de péage – la douane, pour la TPL – et le prestataire de service européen de télépéage (SET) ou la société habilitée fournissant un service de télépéage (SHT).
La nature du contrat qu'il aurait fallu mettre en place entre la douane et des sociétés privées installées en France et à l'étranger – interopérabilité oblige – suscitait de grandes interrogations et difficultés. Quel droit et quelle juridiction devaient être retenus ? Comment contrôler la bonne exécution des contrats dans un autre État membre ?
Pour la douane, il paraissait indispensable de désigner un interlocuteur unique faisant l'interface avec tous les sous-traitants, afin d'éviter des dissolutions et des reports de responsabilité entre les prestataires. Nous y avons été particulièrement attentifs lors des discussions préalables.
Enfin, et c'est certainement un point que l'on ne doit pas éluder, la douane ne disposait pas des moyens et effectifs nécessaires pour collecter et contrôler la taxe – et augmenter ses moyens ne serait pas allé dans le sens de la révision générale des politiques publiques (RGPP) qui prévoyait la diminution des effectifs et encourageait le transfert de missions de l'État vers le privé.
Pendant la procédure de sélection du prestataire, la douane a pris toute sa part aux discussions et aux travaux, mais elle l'a fait dans ses domaines d'expertise, en tant qu'administration fiscale et de contrôle.
Elle s'est impliquée d'abord au stade de la rédaction de l'avis d'appel public à la concurrence (AAPC) lancé en mai 2009 ; elle a fait prévaloir son avis sur la modulation des critères et, en particulier, sur une pondération un peu plus importante du coût global de l'offre.
Puis au moment de la rédaction des spécifications de l'État – élaboration du programme fonctionnel et d'une partie du contrat de partenariat, notamment les aspects relatifs à la collecte de la taxe.
La douane a ensuite participé aux différentes étapes du dialogue compétitif : réponses aux questions des candidats relatives à la collecte et au contrôle ; participation à toutes les auditions ; évaluation des offres des candidats sur tous les éléments impactant directement la collecte et le contrôle de la taxe – essentiellement le critère relatif à la qualité technique du projet et la garantie fiscale du critère de la solidité financière.
Ensuite, et assez rapidement au cours du dialogue, la douane a précisé ses exigences liées aux contraintes fiscales et comptables. La confrontation a fait apparaître que celles-ci pouvaient être un peu modulées ou assouplies, compte tenu de l'impact qu'elles auraient pu avoir sur les éventuels prestataires. En effet, le contrat de partenariat publicprivé (CPPP), dans sa forme habituelle, ne répondait pas à la particularité d'une taxe fiscale, et les propositions initiales des candidats n'intégraient pas suffisamment cette donnée.
J'en arrive donc au guide des procédures, qui est le recueil des spécifications de l'État et des précisions nécessaires pour le traitement des opérations de collecte et de contrôle, selon les règles fiscales et douanières. Il se présente sous forme de fiches d'instructions de la douane à destination du prestataire commissionné, et a été annexé au contrat signé le 20 octobre 2011. Il précise les règles et modalités d'enregistrement, de liquidation, de communication, de contrôle, d'archivage.
Comme vous l'avez fait remarquer, monsieur le président, Ecomouv' a fait état de difficultés suscitées par une nouvelle version du guide, onze mois après la signature du contrat.
S'agissant d'un contrat de partenariat publicprivé (CPPP), et en sa qualité de maître d'ouvrage et de maître d'oeuvre, Ecomouv' a développé les spécifications générales et détaillées qu'il a jugées nécessaires à la réalisation du projet. Lors de leur analyse, l'État s'est rendu compte de certaines non-conformités aux dispositions fiscales et comptables, qui ont été signalées au prestataire privé. Un certain nombre d'échanges ont eu lieu à cette occasion. Par ailleurs, pendant la construction du dispositif, et en particulier pendant les développements informatiques, Ecomouv' a posé à l'État de nombreuses questions d'ordre technique pour l'application de ces instructions.
Ces questions, ainsi que les observations faites sur les spécifications générales et détaillées, ont appelé des précisions de la part de l'État, lesquelles ont été reprises ensuite dans le guide des procédures.
Ces précisions sont apparues au fur et à mesure des constatations de l'État, au cours des nombreux ateliers techniques et à l'occasion des questions posées par le prestataire privé, voire des réponses que lui-même apportait à l'État sur la manière dont il avait pris en compte certaines dispositions. Lorsque la MTPL se rendait compte que le prestataire privé n'avait pas forcément bien compris les spécificités demandées, nous apportions un certain nombre de précisions sur ce guide des procédures. Tout cela s'est fait de façon pragmatique, en concertation avec Ecomouv', tout au long de la phase de développement, et à chaque fois que cela nous a paru nécessaire.
À un moment donné, il a fallu synthétiser l'ensemble des précisions apportées. Le guide de procédures a effectivement été revu, dans le cadre d'une procédure d'échanges avec Ecomouv' qui a duré de février à août 2012. Il a été livré dans une version consolidée en septembre 2012.
Pour l'État – mais je sais qu'Ecomouv' a une appréciation légèrement différente – il ne s'agit donc pas de modifications par rapport à la version originale, mais bien de précisions qu'il est apparu nécessaire de fournir au prestataire privé pour que le développement du dispositif soit conforme aux règles générales régissant une taxe fiscale.
Après avoir traité de la place de la douane dans la mise en oeuvre de l'écotaxe, j'aborderai maintenant quelques chantiers pouvant susciter des interrogations.
D'abord, quelques précisions, monsieur le président, sur le rôle et les missions des différents acteurs, s'agissant notamment de l'enregistrement et de la phase expérimentale ou « marche à blanc ».
L'intervention de différents acteurs résulte de la nature de ce péage. Le fait que ce soit une taxe implique que l'État est compétent pour sa perception, son versement aux différents attributaires, son contrôle et la mise en oeuvre des éventuelles sanctions et recouvrements forcés.
Elle résulte aussi des directives européennes, et en particulier de la directive « interopérabilité » qui permet à un redevable de n'utiliser qu'un seul équipement et de n'avoir qu'un seul interlocuteur pour toutes les routes à péage utilisées, à savoir la société de télépéage et non les percepteurs de chaque péage. Mais cette directive implique également que la société de télépéage soit l'interlocuteur des différents percepteurs de péage.
Au préalable, il convient de rappeler la distinction entre « redevables abonnés » et « redevables non abonnés », créée pour l'application des directives européennes.
Pour le redevable abonné, c'est dans le cadre d'un contrat commercial de droit privé que la SHT lui fournit la totalité des services liés à la taxe poids lourds (TPL) : l'enregistrement du véhicule, la livraison de l'équipement électronique embarqué, la refacturation de la taxe, l'envoi des détails de liquidation, l'acquittement de la taxe auprès du prestataire commissionné. Le redevable abonné est client de la SHT.
La SHT peut également – mais ce n'est pas une obligation – fournir d'autres prestations, liées ou non à la TPL, auxquelles le client souhaite souscrire : d'autres péages comme le TIS PL, ou des prestations annexes, géolocalisation, cartes carburants, etc.
Toutes ces opérations sont réalisées dans le cadre d'un contrat commercial de droit privé. Les coûts relatifs à ces prestations relèvent de la seule compétence de la SHT et sont librement consentis par le client.
Il y a également des redevables non abonnés. L'abonnement auprès d'une SHT ne pouvant être obligatoire, il a fallu prévoir un dispositif permettant au redevable qui ne souhaitait pas contracter auprès d'une SHT de s'acquitter de la taxe : d'où la notion de redevable non abonné.
Les redevables non abonnés s'enregistrent directement auprès du prestataire commissionné, Ecomouv', qui met gratuitement à leur disposition un équipement embarqué, contre le dépôt d'une garantie. Celle-ci a pour but d'encourager le redevable à prendre soin de cet équipement et à le rendre, notamment quand il quitte le territoire national. Ces équipements représentent du reste un coût supérieur à la garantie et sont à la charge de l'État. Le redevable doit ensuite fournir une avance, imputée au fur et à mesure de ses déplacements sur le réseau taxé.
Ce dispositif justifie et nécessite la mise en place d'un réseau de distribution suffisamment dense, comptant 420 points de distribution (bornes automatiques, points avec personnel dans les stations services). Il est possible de s'inscrire par internet, par téléphone ou par courrier. En effet, pour ne pas gêner exagérément la circulation des marchandises, le redevable doit être à même de se procurer un équipement au plus vite avant son entrée sur le réseau taxable.
Quelles sont les missions respectives des différents acteurs ?
Les SHT agissent pour le compte du redevable, sur la base du mandat de celui-ci. Elles enregistrent le véhicule auprès de l'État représenté par le prestataire commissionné ; elles paient au prestataire commissionné la taxe due par le client. Ce sont elles qui garantissent le paiement de la taxe, à charge pour elles de la refacturer à leur client et d'entamer, si elles le souhaitent, des procédures de recouvrement forcé.
Ensuite, le prestataire Ecomouv' est commissionné par le ministre chargé des douanes pour effectuer, à la place de la DGGDI, mais sous son contrôle strict, certaines missions. C'est à cette condition que le Conseil d'État a validé l'externalisation de certaines missions. Ecomouv' effectue ainsi diverses tâches, non pas en tant que prestataire privé, mais pour le compte de la douane et sous sa responsabilité.
Il procède à l'enregistrement des véhicules et il est seul responsable – et non pas la douane – de la validation de l'enregistrement.
Il collecte les données nécessaires à l'établissement de l'assiette de la taxe et détermine, à partir des données enregistrées par les équipements embarqués, les siens et ceux des SHT, le point de tarification franchi. Ce point constitue le fait générateur de la taxe.
Il assure la liquidation et la communication de la taxe directement aux redevables non abonnés, et à la SHT pour les redevables abonnés, ses clients.
Il effectue le recouvrement de la taxe et la reverse à la douane. Le prestataire commissionné doit verser à l'État la taxe qu'il a facturée, qu'il l'ait recouvrée lui-même ou non ; c'est là qu'entre en jeu sa garantie et son obligation vis-à-vis de l'État.
Il procède au prétraitement des demandes en restitution. Il procède également au remboursement lorsque la douane l'a accordé, et que l'argent correspondant lui a été versé par l'État.
Il constate les manquements par le dispositif automatique et les notifie aux redevables. Il traite des contestations de ces manquements.
Il procède enfin à l'information des redevables.
La douane réalise quant à elle toutes les opérations relevant du droit régalien, conformément aux conditions posées par le Conseil d'État : la perception définitive de la taxe et son reversement aux différents attributaires ; l'acceptation ou le refus des demandes en restitution ; la notification des infractions et de l'amende ; les poursuites judiciaires et le recouvrement forcé ; enfin, le contrôle et l'audit du prestataire commissionné. C'est à ce titre qu'a été créé un service centralisé à Metz, le service taxe poids lourds (STPL), doté d'un effectif de 130 agents.
Il est également nécessaire d'effectuer des contrôles manuels sur le linéaire : ces derniers seront principalement réalisés par la douane qui s'est vu attribuer à ce titre un effectif de 170 agents. Ils seront complétés par des contrôles réalisés par la police, la gendarmerie et les contrôleurs des transports terrestres du ministère des transports – qui effectueront des vérifications dans le cadre de leurs missions habituelles de contrôle des transports routiers, contrairement à la douane qui devra engager des contrôles dédiés au titre de la mission TPL.
L'ensemble de ces forces – police, gendarmerie, contrôleurs des transports terrestres, douane – pourra constater des infractions, les notifier et appliquer des amendes. Dans tous les cas, la taxe sera perçue par la douane qui assurera également, le cas échéant, les poursuites judiciaires – quelle que soit l'autorité ayant effectué le contrôle. Il sera par ailleurs possible d'effectuer des contrôles en entreprise : ils seront réalisés a posteriori sur l'ensemble du territoire métropolitain par les agents des douanes et les contrôleurs des transports terrestres du ministère des transports.
J'espère avoir exposé ainsi clairement le rôle des différents intervenants.
Vous avez évoqué, monsieur le président, la difficulté que pouvait susciter l'enregistrement. Son objectif consiste à identifier le véhicule assujetti – c'est-à-dire à vérifier son immatriculation et les données fixes ayant un impact sur le taux applicable, notamment la classe Euro dont il relève – mais aussi le redevable à qui sera adressé l'avis de paiement. Il est important de disposer de données exactes : la classe Euro du véhicule peut faire varier de manière significative le taux applicable ; il faut également garantir que le numéro déclaré ou les coordonnées du redevable ne sont pas usurpées. Les justificatifs demandés ont pour objet de permettre au prestataire commissionné de vérifier la cohérence des données.
La personne qui déclare le véhicule doit fournir les documents permettant de justifier de son identité, de la qualité du redevable destinataire des avis de paiement – selon qu'il est propriétaire, locataire ou utilisateur – et de ses coordonnées, ainsi que des caractéristiques du véhicule – immatriculation, poids à vide, classe Euro. Lorsqu'elle représente le redevable, cette personne doit produire un mandat, à moins qu'il ne s'agisse du représentant local d'une société, auquel cas elle devra fournir une attestation sur l'honneur de sa fonction. Un même document peut évidemment servir à justifier plusieurs données nécessaires à l'enregistrement.
Les informations et pièces justificatives à fournir sont listées dans un arrêté afin de faciliter l'enregistrement des véhicules. Cet arrêté énumère les types de documents pouvant être utilisés pour justifier une donnée. Ainsi, pour justifier de la classe Euro d'un véhicule, le redevable peut présenter un certificat d'immatriculation. Mais si cette information ne figure pas sur ce document, il pourra présenter un certificat de conformité, un certificat « CEMT » ou encore une attestation de constructeur. S'il est impératif que toutes les informations nécessaires à l'enregistrement d'un véhicule soient bien fournies et contrôlables, en revanche, tous les documents énumérés dans l'arrêté ne sont pas nécessaires à l'enregistrement. En moyenne, le nombre de justificatifs varie de deux à six selon la situation du redevable et l'ancienneté du véhicule.
Je rappelle une fois encore que l'enregistrement relève de la seule responsabilité du prestataire commissionné et non de l'administration. La douane vérifie uniquement a posteriori que les données correspondent à celles dont elle dispose déjà dans ses référentiels, notamment, que le redevable est connu dans un autre domaine. La douane collecte en effet les recettes issues de taxes environnementales, de taxes sur les carburants, ou encore de la taxe spéciale sur certains véhicules routiers (TSVR) dite taxe à l'essieu.
L'enregistrement des redevables abonnés a commencé le 19 juillet, et le 15 octobre pour les redevables non abonnés. Selon les données transmises par Ecomouv' à la fin de janvier, un peu plus de 194 000 enregistrements ont été réalisés et validés, dont 193 500 redevables abonnés – parmi lesquels 54 % sont français et 46 % d'une autre nationalité – et 574 redevables non abonnés – à 82 % français. Depuis quelques semaines, le processus d'enregistrement s'est évidemment ralenti.
Dans les premiers temps, nombre de dossiers ont été rejetés par Ecomouv' du fait notamment de problèmes de format d'échanges de données entre Ecomouv' et les SHT. La résolution de ce défaut a permis de réduire le nombre de rejets. En outre, les SHT ont eu besoin d'un temps d'adaptation : au départ, beaucoup de données ont été mal saisies. Le fait que certaines données, principalement la classe Euro, n'aient pas été justifiées a entraîné 20 % des rejets.
Aujourd'hui, l'apprentissage accompli par les SHT et l'effort réalisé par Ecomouv et la DGDDI pour trouver des solutions aux différentes questions restantes ont permis de régler la quasi-totalité des dossiers. Il ne doit plus guère rester, à ce jour, de dossiers en instance de traitement.
En cas de relance de l'application de la taxe, soit telle que nous la connaissons soit sous une forme modifiée, qu'adviendra-t-il des redevables déjà enregistrés, qu'ils soient abonnés ou pas ? Leur enregistrement demeurera valable tant que l'ensemble du système ne sera pas bouleversé – à ceci près, qu'en cas de renouvellement de la flotte, un nouvel équipement embarqué sera attribué au véhicule, qui devra donc faire l'objet d'un nouvel enregistrement. Dans ce cas, afin de simplifier et de limiter les démarches du redevable, la douane donnera pour instruction à Ecomouv' de ne pas demander à nouveau les pièces fournies initialement si la situation du redevable n'a pas changé. Plus la durée de la suspension de la taxe sera longue, plus le nombre de camions renouvelés sera important.
J'en viens à la question de la phase expérimentale dite « marche à blanc », qui a remplacé l'expérimentation initialement prévue en Alsace. Cette marche à blanc a été demandée par les transporteurs, il ne s'agissait pas d'un exercice nécessaire pour valider le dispositif. Elle avait pour objet de permettre aux redevables d'appréhender le cycle de la collecte à l'échelle nationale ainsi que le fonctionnement du dispositif. La marche à blanc s'est limitée à la collecte, pour un mois donné, des informations nécessaires à l'établissement des faits générateurs, à la liquidation de la taxe pour ce mois et à la communication à la SHT de la liquidation – à charge pour celle-ci de la transmettre aux redevables abonnés. Toutes les SHT ont accepté de participer à la marche à blanc. Cette expérimentation n'ayant pas été rendue obligatoire, les redevables enregistrés ont dû préciser s'ils souhaitaient y participer.
À la fin de novembre 2013, 9 708 véhicules avaient participé à cette phase expérimentale, produisant sur le mois de novembre 2013 un peu plus de six millions d'événements de tarification – autrement dit, de points de tarification franchis par ces véhicules. Quatre liquidations, une par mois, ont pu être opérées d'août à novembre. L'expérimentation s'est achevée à la fin de novembre, les SHT ayant refusé de la poursuivre, compte tenu des annonces du Premier ministre. Ayant procédé à la vérification d'un échantillon de liquidations, l'État n'a relevé aucune anomalie.
Lors de l'audition de l'Organisation des Transporteurs routiers européens (OTRE), la société Guisnel a fait état d'erreurs qui seraient apparues au cours de l'expérimentation de novembre. J'ai donc fait procéder à un contrôle. Le système de l'écotaxe n'est pas un système de géolocalisation, de sorte que seuls les points de tarification franchis, qui sont nécessaires à la détermination du fait générateur et de l'assiette de la taxe, sont mémorisés et transmis au système central d'Ecomouv' pour liquidation de la taxe. Or, l'examen réalisé par les services de la douane me permet d'infirmer les dires de la société Guisnel : aucune erreur ne s'est produite en novembre. Ayant effectué son enregistrement les 10 et 18 octobre 2013, la société Guisnel n'a donné son consentement à la marche à blanc que le 23 octobre et les équipements électroniques embarqués n'ont été activés par sa SHT pour la taxe poids lourds que le 7 novembre. C'est donc uniquement à partir de cette date que les points de tarification franchis par les camions de la société Guisnel ont pu être enregistrés. Et ils ont bien été remontés par les équipements embarqués. La vérification de la liquidation démontre que tous les points remontés ont été liquidés et que le calcul de la taxe est correct. Nous pourrons vous remettre, si vous le souhaitez, le rapport établi par mes services à la suite de ce contrôle.
Globalement, et bien que ce ne soit pas là l'objectif poursuivi, cette phase expérimentale a permis de montrer que le coeur du dispositif – la collecte des données et la liquidation de la taxe pour les redevables abonnés – fonctionnait correctement. Les vérifications effectuées au cours des quatre mois de la marche à blanc entre points de tarification et liquidations de la taxe n'ont pas révélé d'erreurs.
Où en sommes-nous aujourd'hui, compte tenu de la suspension de la taxe ? Quelles difficultés les pistes d'évolution envisagées soulèvent-elles ?
L'annonce formulée par le Premier ministre le 29 octobre a eu des incidences sur les travaux menés par la douane, et notamment sur l'activité de son service taxe poids lourds (STPL) ainsi que sur ses travaux d'ordre réglementaire. La finalisation de deux décrets et de huit arrêtés a été suspendue, notamment pour des raisons d'affichage en fin d'année. Certains de ces textes devront d'ailleurs être repris en fonction des ajustements susceptibles d'être apportés au dispositif. De même certains travaux législatifs ont été suspendus, notamment ceux visant à l'introduction, dans le code des douanes, de la procédure d'ordonnance pénale en vue de faciliter le traitement des contentieux relatifs à la taxe poids lourds. Un texte devait être présenté en loi de finances rectificative pour 2013 mais son dépôt a été reporté. Autre élément suspendu, l'examen du système d'information de la douane par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). En effet, si le système d'information d'Ecomouv avait déjà été validé, celui de la douane était censé l'être à la fin de 2013 : on a reporté de quelques mois. Ce système devra lui aussi tenir compte des éventuelles évolutions du dispositif. Des travaux étaient également en cours avec la Chancellerie, notamment en vue de la transmission informatisée de données relatives à l'ordonnance pénale. Je citerai encore les travaux menés avec la police et la gendarmerie pour le développement informatique des procès-verbaux valant proposition transactionnelle, la finalisation de la formation des agents chargés des contrôles – agents émanant essentiellement des autres autorités de contrôle – et enfin, les actions de communication menées auprès des redevables. Autant de travaux qui ont été suspendus et qui devront être repris si le signal de la reprise nous est donné.
Le service de la taxe poids lourds à Metz est sensiblement affecté par cette suspension, dans la mesure où il est spécialisé dans la gestion de l'écotaxe. Les agents de ce service se retrouvent sans mission pendant la suspension. Comme il était hors de question de laisser ces agents sans occupation pendant toute cette période, d'autres missions leur ont été temporairement attribuées – sachant que la priorité demeure à la reprise des travaux sur la taxe poids lourds lorsque cela sera nécessaire.
Dans un premier temps, leur ont été confiées des activités liées à la taxe poids lourds et limitées dans le temps, telles que la finalisation de différents travaux, et la participation aux travaux de vérification des documents du prestataire commissionné et aux kits de formation non achevés. Nous leur avons ensuite confié des activités non liées à la taxe poids lourds mais vouées à demeurer temporaires : sur la base du volontariat, certains agents ont été détachés auprès d'autres bureaux de la douane ; d'autres, restés à Metz, participent à d'autres missions douanières. De toute façon, ces agents restent mobilisables dès que nécessaire pour la reprise des opérations relatives à la taxe poids lourds. La situation sociale des agents présents sur place constituant un point sensible, elle fait l'objet d'un suivi très précis de ma part et de l'ensemble des directeurs et chefs de services sur place. Les agents, qui ont bien compris la situation, sont satisfaits de s'être vu confier de réelles missions. Il deviendra cependant primordial à un moment donné de disposer d'une visibilité quant au calendrier de reprise des opérations.
M. Daniel Bursaux a dû vous faire ce matin un point précis de la situation d'Ecomouv'. Si la suspension de la taxe a eu des conséquences assez directes sur le STPL, il n'en va pas de même de nos relations avec Ecomouv'. Dans la mesure où la suspension concerne la taxe et non le contrat, les obligations du prestataire demeurent, et les travaux qui devaient être finalisés l'ont été ou sont en train de l'être. La vérification d'aptitude au bon fonctionnement (VABF) a été effectuée dans un délai raisonnable, compte tenu de la complexité du dispositif (environ 1 300 tests ont été réalisés pour chaque VABF). Elle a été prononcée le 16 janvier dernier, après la levée du dernier défaut considéré comme majeur par l'État, visant à l'obtention de l'homologation des premières chaînes de collecte et de contrôle. L'État examine actuellement le rapport de vérification de service régulier (VSR) reçu le 20 janvier pour s'assurer de l'absence de défaut majeur. Des discussions sont en cours pour déterminer les modalités pratiques régissant la période de suspension de la taxe.