Quant aux pistes envisagées pour améliorer l'acceptabilité du dispositif, nous les suivons avec attention.
La première piste évoquée est celle d'une suppression de la TSVR, dite « taxe à l'essieu », ou de son extension aux étrangers : cela n'est pas possible, compte tenu de la directive Eurovignette. En effet, la taxation des véhicules immatriculés dans l'Union européenne est obligatoire pour les États membres, à qui la directive interdit formellement toute exonération. Il existe une taxe équivalente dans tous les États membres. En application des principes d'universalité et de reconnaissance réciproque dans l'Union européenne, les véhicules français n'acquittent pas de taxe sur les véhicules lorsqu'ils circulent dans les autres États membres. De même, les véhicules européens n'acquittent pas de TSVR lorsqu'ils circulent en France. On ne peut donc ni supprimer la TSVR ni l'étendre aux véhicules immatriculés dans l'Union européenne.
Deuxième piste évoquée, le relèvement du seuil de l'assujettissement à douze tonnes. Cela poserait aussi des difficultés au regard de la directive Eurovignette et nécessiterait des discussions avec la Commission européenne. Certes, la Commission a introduit un amendement à la directive, permettant une dérogation, mais à certaines conditions qui ne nous paraissent pas remplies aujourd'hui. Il faudrait pouvoir justifier que l'application du dispositif dès 3,5 tonnes entraînerait des coûts supplémentaires ou un report de trafic excessif. Or, nous comptions intégrer les 3,5 tonnes au dispositif. Et c'est au contraire si on les exonérait que l'on risquerait d'engendrer des coûts supplémentaires. La perte de recettes serait d'ailleurs de 200 millions d'euros.
La troisième piste évoquée consiste à majorer le critère de périphéricité de certaines régions. Il s'agit là d'une question d'appréciation, politiquement sensible. Je note que ce critère est déjà largement utilisé pour certaines régions françaises : le Midi-Pyrénées et l'Aquitaine bénéficient d'une minoration de 30 %, la Bretagne d'une minoration de 50 %. Ces taux paraissant déjà significatifs, il est probablement assez difficile de les augmenter – le risque étant, si l'on allait trop loin, d'entraîner une rupture d'égalité entre les différentes régions.
En quatrième lieu, on peut songer à une extension du champ des véhicules non assujettis. Les directives européennes permettent cette extension dans quelques cas : le transport d'animaux de la ferme au marché et inversement, dans la limite de cent kilomètres ; le transport des déchets et carcasses d'animaux ; les véhicules utilisés ou loués sans chauffeur pour le transport de biens des secteurs agricole, horticole et sylvicole, là encore dans un rayon de cent kilomètres.
Pour rendre cette extension possible, il faut, d'une part, que ces exonérations soient inscrites dans la loi et leurs modalités d'application précisées par des textes réglementaires et, d'autre part, que les véhicules demeurent contrôlables afin d'éviter toute distorsion entre les redevables – ce dernier point étant essentiel pour l'administration des douanes.
Dans tous les cas, pour permettre les contrôles, il faut définir de manière précise les véhicules concernés et les modalités de déclaration de ces véhicules : un véhicule est assujetti à la taxe poids lourds en fonction de son genre, de ses caractéristiques, et non pas en fonction de son contenu ou de son usage : la technologie utilisée, aussi pointue soit-elle, ne permet pas de vérifier le contenu d'un camion, pas plus qu'elle ne permet de vérifier le type de trajet effectué ou les kilomètres effectués sur un trajet donné. Enfin, seuls pourraient être exemptés les véhicules utilisés à titre exclusif pour un usage échappant à l'assujettissement. Un engagement du redevable sur ce point devra être fourni.
La solution à privilégier est donc la déclaration du véhicule non assujetti auprès d'une autorité compétente – DRAAF ou préfecture, par exemple –, puis son inscription, après validation, sur une liste lui permettant de passer la procédure de contrôle automatique. Cette solution ne règle pas néanmoins la question du contrôle des véhicules utilisés pour une activité mixte.
Lors de l'audition de M. Bernard Cazeneuve a été évoquée la question du maintien des portiques. Leur suppression aurait des conséquences assez lourdes : une diminution considérable du nombre des contrôles et, partant, une augmentation massive de la fraude, et la diminution des recettes ; mais aussi un coût important si le contrôle automatique devait être remplacé par un contrôle manuel, lequel n'atteindrait jamais, de surcroît, le degré de performance du contrôle automatique.
La douane s'est vue dotée d'un effectif supplémentaire de 170 agents pour lui permettre de contrôler manuellement environ 1 % du trafic. De leur côté, la police, la gendarmerie et les contrôleurs des transports terrestres n'agiront que dans le cadre de leurs contrôles habituels sur les véhicules de transport terrestre. Le nombre de contrôles manuels sera donc relativement faible par rapport à ceux que permettent les contrôles automatiques.
Pour compenser la suppression des contrôles automatiques, il faudrait augmenter considérablement le nombre de contrôles manuels. Cela entraînerait des difficultés budgétaires et techniques mais se révèlerait également problématique au regard du droit communautaire. Sur la base d'un contrôle tous les 500 kilomètres, base de calcul de la taxe forfaitaire, un peu plus de 5 000 agents supplémentaires seraient nécessaires pour approcher l'efficacité du contrôle automatique. Encore ne contrôlerait-on alors que 50 000 passages de véhicule par jour, alors que le dispositif de contrôle automatique en contrôle 230 000.