Intervention de Gérard Allard

Réunion du 22 janvier 2014 à 18h00
Mission d'information sur l'écotaxe poids lourds

Gérard Allard, coordonnateur du réseau « Transports et mobilité durables » de France Nature Environnement :

L'écart entre la redevance acquittée par les camions à la norme Euro 6 et celle acquittée par les plus polluants est actuellement de 35%. La directive Eurovignette permet de le porter à 100%. Lors de la transposition de la directive Eurovignette 3, nous avions suggéré des amendements, tendant notamment à différencier le prix des péages autoroutiers selon les mêmes critères, le tout à recettes constantes – si on augmentait les péages pour les camions à la norme Euro 3 et en-dessous, les péages pour les camions à la norme Euro 5 ou Euro 6 devaient corollairement diminuer d'autant. Cela aurait incité les transporteurs à s'équiper de véhicules les moins polluants. Ce serait selon nous une meilleure solution que d'accorder une aide directe à l'investissement, et ce serait sans doute moins coûteux pour le budget de l'État.

Certains pensent qu'il faudrait appliquer l'écotaxe sur le réseau autoroutier également. Or, lorsque les transporteurs s'acquittent d'un péage sur autoroute, ils paient déjà pour l'utilisation de l'infrastructure. On ne peut pas leur faire payer une taxe supplémentaire. En revanche, si on veut faire contribuer davantage le transport routier parce que les camions usent beaucoup plus les chaussées, on peut porter de 3 à 3,5 le coefficient multiplicateur entre le péage acquitté par les véhicules légers et celui acquitté par les poids lourds.

Pour nous, le taux de la taxe doit être uniforme sur l'ensemble du territoire. Sinon cela suscite des incompréhensions. Les régions Pays de Loire ou Basse-Normandie se sont d'ailleurs interrogées sur le traitement privilégié réservé à la Bretagne. Les péages de RFF pour les trains de marchandises ne sont pas inférieurs en Bretagne à ce qu'ils sont ailleurs !

Répercuter le prix de la taxe sur les marchandises paraît une bonne idée, mais outre qu'elle serait difficilement applicable, elle serait tout aussi difficile à faire accepter, car cela serait perçu comme une augmentation de la TVA sur le transport. Nous sommes attachés, nous, à la redevance d'usage, sur le modèle de ce qui s'est fait dans les autres pays européens.

L'idée a aussi été formulée de faire reposer la taxe sur les émissions de CO2. Pour nous, les externalités devraient être prises en compte au travers de la contribution climat-énergie, qui sera applicable en 2015. Il ne faudra pas en exonérer les transporteurs routiers, car la mesure perdrait sinon tout son sens. Nous avons, hélas, des craintes à ce sujet. Pour l'instant, nous défendons la redevance d'usage kilométrique. La directive Eurovignette 3 exige que soient prises en compte les externalités comme la pollution atmosphérique ou les nuisances sonores, et il le faudra. La France avait d'ailleurs défendu avec force cette position – on se souvient du combat de Dominique Bussereau lors de la présidence française de l'Union. Mais commençons par faire entrer en vigueur la redevance d'usage kilométrique.

Quelle doit être l'assiette de taxation ? Des exonérations de certaines parties du réseau national, dites à faible fréquentation, ont été accordées. Des parties de ce réseau se situent dans des régions sensibles sur le plan environnemental : ainsi beaucoup de routes nationales ont-elles été exonérées en montagne, mais la RN 164 en Bretagne l'a été également, alors même que le trafic y est élevé et qu'elle doit bientôt être modernisée. Qui financera cette modernisation ? En partie l'AFITF, qui escomptait retirer des recettes de l'écotaxe. C'est ici que les contradictions apparaissent au grand jour.

L'idée a également été formulée d'exonérer certains véhicules ou certaines marchandises. Le Parlement a ainsi décidé d'exempter les véhicules des collectivités ou encore les camions transportant du lait. Il paraît difficile de prévoir de telles exonérations par filières car avec le dispositif actuel, comment distinguer un camion transportant une denrée alimentaire ou du matériel électroménager ? C'est donc là une autre fausse bonne idée.

Certains pensent qu'il faudrait réduire le montant de la taxe, aujourd'hui estimé à 12-13 centimes par véhiculekilomètre. Pour un camion chargé à 20 tonnes, cela fait 0,7 centime par tonnekilomètre. Le péage moyen qu'appliquera RFF en 2015 est d'un centime par tonnekilomètre. La redevance poids lourds n'est donc pas si élevée qu'il pourrait y paraître. Il faudrait toutefois adresser un signal aux transporteurs locaux, en revoyant la fourchette pour les camions de 3,5 à 12 tonnes.

Il faut être attentif aux effets de seuil, les transporteurs ont alerté sur ce point. Cet effet de seuil a été constaté en Allemagne au moment de l'entrée en vigueur de la taxe. Le seuil avait été fixé à 12 tonnes, comme le permettait la directive Eurovignette : les immatriculations de camions de 10 tonnes ont augmenté de 50% ! Un excellent rapport européen détaille les avantages et les inconvénients respectifs d'une tarification kilométrique par rapport à une vignette annuelle ou journalière. Le dispositif en vigueur en Belgique s'apparente à notre taxe à l'essieu, mais à un niveau de trois à quatre fois supérieur à la taxe applicable en France, où elle est au niveau minimal imposé par la réglementation européenne. Pour notre part, nous donnons la préférence à une taxe kilométrique plutôt qu'à une taxe à l'essieu ou à une taxe annuelle.

Nous proposons d'exonérer les 50 premiers kilomètres, qu'il s'agisse du début d'un parcours plus long ou d'un court trajet journalier. La directive Eurovignette prévoit la possibilité d'exonérer certains petits parcours, mais il faut démontrer que les coûts de perception seraient supérieurs à la recette.

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