Intervention de Frédéric Cuvillier

Réunion du 30 octobre 2012 à 18h30
Commission des affaires économiques

Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche :

Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie d'être venus si nombreux, témoignant ainsi de votre intérêt pour la pêche française, même si vous n'êtes pas tous des élus littoraux. Votre présence est un message de soutien adressé au Président de la République dans sa volonté d'engager la France sur la voie d'une politique maritime intégrée. La mer, ce n'est pas, pris isolément, la pêche ou la biodiversité ou le transport maritime ou les énergies marines renouvelables : la mer, c'est un tout. Une vision maritime intégrée nous permettra de définir des orientations, de donner un cap et de prévenir les conflits d'usages tout en nous intéressant aux modes de gouvernances, notamment à la structuration des services de l'État pour les rendre plus efficaces et plus lisibles. Un tel ministère de la mer et de la pêche est également précurseur au plan européen : la réunion informelle des ministres européens chargés des questions maritimes, au début du mois d'octobre à Limassol, a permis d'amplifier la démarche lancée par le président Barroso en 2007 autour de la logique de politique maritime intégrée – PMI –, dans laquelle est entrée au plan européen la Direction générale des affaires maritimes et de la pêche. Il est donc important pour la France d'être pionnière en la matière. La constitution d'un ministère des transports, de la mer et de la pêche au sein du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie donne toute sa dimension à la vision maritime intégrée. Je suis heureux que la Direction des pêches maritimes et de l'aquaculture – DPMA – ait rejoint le ministère de la mer et de la pêche : l'enjeu de l'économie maritime s'en trouve conforté.

La pêche a généré en 2010 plus d'1 milliard d'euros de chiffre d'affaires et plus de 90 000 emplois directs et induits. L'aquaculture, qui regroupe la conchyliculture, la pisciculture et l'algoculture, ne doit pas être laissée de côté : son chiffre d'affaire de 680 millions d'euros parle de lui-même. Ce secteur est à valoriser et la France doit en devenir un acteur majeur, alors même que 80 % des produits de la mer que nous consommons sont importés, ce qui est un paradoxe pour un pays, le nôtre, qui possède le deuxième domaine maritime mondial.

Le contexte actuel du secteur de la pêche est difficile, car il est marqué notamment par la variation continue et structurelle des prix du carburant. Cela n'en rend que plus important les crédits alloués à la question énergétique et à l'aide à la motorisation, en vue de diminuer la consommation de carburant. Sur ce point, nous devons éviter les erreurs du passé, notamment la mise en place d'aides pour le gazole qui se sont révélées illégales, que nos pêcheurs sont aujourd'hui dans l'obligation de rembourser.

Le contexte actuel est celui de la négociation sur la réforme de la politique commune de la pêche, dans toutes ses composantes. Les propositions de la Commission européenne étaient, à mon entrée en fonction, très en retrait par rapport à nos objectifs. J'ai dû mener, notamment le 12 juin dernier, un vrai combat pour éviter des décisions préjudiciables à la pêche française, dont les caractéristiques ne sont pas les mêmes que celles de ses partenaires. Elle repose en effet sur différentes catégories de navires et de pratiques, ce qui n'est pas le cas d'autres pays européens, qui pratiquent une pêche artisanale plus homogène ou, au contraire, se livrent à une pêche industrielle, voire minotière, dont les captures massives sont transformées en farine : cette pêche n'est respectueuse ni de l'environnement ni de la biodiversité. J'aurai l'occasion d'y revenir lors des prochaines négociations sur les totaux acceptables de captures – TAC – et les quotas.

La semaine dernière, j'ai participé aux négociations relatives au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche – FEAMP –, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2014. Ces négociations sont très importantes car elles conditionneront l'ensemble des dispositifs d'aides jusqu'en 2020. Je me suis également rapproché, dans une démarche assez nouvelle, des parlementaires européens. Il s'agit en effet d'un cas de codécision du Parlement européen et du Conseil de l'Union et nous devons les sensibiliser à la démarche de la France. J'espère que le Parlement européen, dont je suivrai de près les travaux, améliorera encore le texte.

Le résultat de la dernière négociation est positif et équilibré. Nous sommes parvenus à un bon compromis qui maintient, contrairement à la proposition initiale de la Commission, les aides à la flotte et à la pêche, notamment à la motorisation des navires. En revanche, les aides au renouvellement de la flotte ont été refusées par la Commission et le Conseil des ministres. Ces aides à la modernisation sont capitales pour, à capacité de pêche constante, garantir une meilleure hygiène, assurer la sécurité et adapter les moteurs.

La commissaire européenne chargée de la pêche, Mme Maria Damanaki, a par ailleurs repris la demande française de mise en place d'aides à l'installation des jeunes pêcheurs. C'est un dispositif innovant. De plus, nous avons obtenu le maintien des aides aux arrêts temporaires qui permettent aux pêcheurs de passer des périodes difficiles d'interdictions de pêche pour urgence sanitaire ou reconstitution des stocks – je pense notamment au cabillaud, à l'anchois ou au requin taupe. Ces aides étaient limitées à la Méditerranée. J'ai obtenu, au terme d'un combat difficile, leur généralisation à toutes les façades maritimes.

Le soutien à l'aquaculture durable est une autre avancée significative. J'ai relancé l'ensemble des préfets littoraux pour que soient élaborés avant la fin de l'année les schémas régionaux de développement de l'aquaculture marine. Il s'agit de promouvoir une aquaculture non pas intensive mais durable pour laquelle nous devons développer des capacités nouvelles et qui entre dans une logique de complémentarité avec les autres activités. Le dossier, pour lequel les services de l'État n'avaient pas, jusque-là, fait preuve d'un grand enthousiasme, accusait un retard certain lorsque je l'ai repris.

La reconnaissance des outre-mer est également très importante. Le 12 juin dernier nous étions parvenus à arracher la création d'un conseil consultatif des régions ultrapériphériques – RUP –, qui sera subdivisé en trois sous-conseils, pour tenir compte des différences entre les bassins maritimes ultrapériphériques, ce qui nous a permis d'obtenir l'extension du régime de compensation des surcoûts – POSEI ou Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité Pêche – à toutes les RUP françaises. Les Espagnols et les Portugais en bénéficiaient contrairement aux Français. Cette extension est importante, notamment pour Mayotte. M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer, est très heureux de cette avancée, qui permet d'obtenir un traitement particulier des capacités de pêche des outre-mer, qui représentent quelque 35 % des navires français, ce qui nous fait échapper à une accusation de surcapacité.

Nous espérons que la France sera mieux servie par le FEAMP que par le FEP, dans le cadre duquel elle ne recevait, comme la Roumanie, que 216 millions d'euros, soit 4 % de l'enveloppe. Nous demandons un rééquilibrage afin d'accompagner de futurs cofinancements publics.

La flotte doit s'adapter à l'évolution de la ressource et à la hausse du coût du carburant afin de maintenir sa compétitivité. Cela passe par la mobilisation des crédits du FEP, puis du FEAMP, les aides à l'investissement et le soutien de projets innovants. Dans une démarche plus prospective et de long terme, un projet de « navire de pêche du futur », intégré dans le cadre des Investissements d'avenir, devrait favoriser la diffusion de concepts innovants en matière d'économies d'énergie, de sécurité des hommes, ainsi que de sélectivité et de qualité des produits. Parfois, la sortie de flotte est malheureusement nécessaire sur certains segments en surcapacité. Les façades maritimes ne sont pas toutes concernées de manière identique. La Bretagne a déjà connu beaucoup de sorties de flotte. Il faut également poursuivre l'amélioration de la structuration de la filière.

Nous devons maintenir les actions collectives, comme les contrats bleus, qui encouragent les pratiques de pêche respectueuses de la ressource et qui permettent de compenser les manques à gagner. Les contrats bleus seront maintenus à la hauteur de 2012, soit 12,5 millions d'euros – 10 millions d'euros de crédits complétés par 2,5 millions en provenance du FEP. Le FEAMP prévoit des dispositifs équivalents à partir de 2014.

Vous avez eu raison, madame la rapporteure pour avis, de souligner l'intérêt de France Filière Pêche : 30 millions par an pendant cinq ans ne représentent assurément qu'une partie de la taxe poisson, mais comme celle-ci était illégale, il est nécessaire d'adopter une stratégie de complémentarité des aides publiques et privées. France Filière Pêche, de par sa structuration même, ne pourra pas tomber sous le coup de la réglementation européenne : elle ne saurait, en effet, être accusée de dissimuler des aides d'État illégales.

Le budget de la pêche est également mobilisé pour le financement des actions de collectes de données et de contrôle des pêches, dans un contexte d'accroissement de la charge des obligations communautaires dans ces domaines. J'ai demandé au Président-directeur général de l'IFREMER, M. Jean-Yves Perrot, de mobiliser les moyens nécessaires au secteur de la pêche, y compris en termes de matière grise. Si nous ne pouvons pas présenter des analyses scientifiques satisfaisantes, notamment de l'état des stocks, nous permettant d'engager les négociations dans des conditions favorables, la Commission européenne ou le Conseil des ministres adopteront une démarche prudentielle. C'est un enjeu d'économie maritime auquel d'autres pays sont mieux préparés que nous.

Comme vous l'avez rappelé, le budget est mécaniquement diminué des moyens exceptionnels déployés dans le cadre du plan pour une pêche durable et responsable, ainsi que des crédits nécessaires à l'équipement des navires en journaux de bord électroniques, compte tenu des réalisations de 2011 et de 2012. Ces journaux permettent de relever l'activité des marins.

Comme vous l'avez également rappelé, 6 millions vont au suivi statistique et scientifique, 6,1 millions au contrôle des pêches, 7 millions à l'adaptation de la flotte de pêche, en complément des aides européennes, sans oublier 21,5 millions d'actions économiques cofinancées par le FEP et 6,8 millions au titre des caisses de chômage intempéries et avaries.

Nous venons de recevoir le rapport sur les quotas de pêche, un document de quelque 500 pages en cours d'analyse par les différentes directions du ministère, qui ne manqueront pas de vous en faire parvenir une synthèse. Vous devez d'ores et déjà savoir que les négociations, à la fin de l'année, sur les quotas seront très dures, compte tenu des propositions de la Commission concernant notamment le golfe de Gascogne. Nous bataillerons.

S'agissant du F2DP, je tiens à vous rappeler que j'ai trouvé une situation déplorable. Les négociations ont été très dures pour obtenir le déblocage des contrats bleus postérieurs à 2009. Cet après-midi des rencontres étaient encore prévues à ce sujet.

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