Intervention de Frédéric Cuvillier

Réunion du 30 octobre 2012 à 18h30
Commission des affaires économiques

Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche :

Monsieur Fasquelle, le renouvellement de la flotte est un combat commun – je l'ai évoqué au cours du Conseil des ministres de la pêche. Il faut toutefois être lucide : le rapport de forces au sein du Conseil européen ne nous est pas favorable. Peu de pays soutiennent le renouvellement des flottes de pêche, si bien que nous ne réussissons pas à enclencher une politique en ce sens. Au cours de plusieurs conversations bilatérales, j'ai tenté de convaincre Mme Marina Damanaki que notre objectif n'était pas, avec le renouvellement des flottes, d'augmenter nos capacités de pêche, fixées par quotas, mais au contraire de diminuer l'impact écologique de la pêche, notamment en matière de consommation de carburants. C'est pourquoi la motorisation a été incluse dans les aides à la modernisation, mais le Conseil a refusé d'aller plus loin, notamment en acceptant des aides à la modernisation des coques. « Moins pêcher pour mieux pêcher », tel a été mon slogan tout au long des négociations. Je n'ai malheureusement pas été suivi. L'âge moyen des bateaux français, notamment bretons, est préoccupant, je vous l'accorde bien volontiers, monsieur Fasquelle, d'autant que la mobilisation bancaire en direction du secteur de la pêche se révèle toujours difficile.

Monsieur Roig, je vous remercie du soutien apporté par le groupe socialiste, républicain et citoyen au programme 205.

S'agissant du thon rouge, la redistribution des quotas a permis à la petite pêche de recouvrer des droits supplémentaires, grâce à une meilleure répartition des autorisations de pêche. Il faut cependant que les grandes flottes évitent tout contournement des quotas en pratiquant une pêche vertueuse, sans quoi nous nous retrouverions dans une position inconfortable vis-à-vis de la Commission européenne. Chacun doit mesurer ses responsabilités.

Madame Allain, seuls des éléments objectifs permettent de prouver la surpêche. Or les analyses scientifiques sont encore incomplètes du fait que nous ne connaissions encore qu'une partie des stocks. Elles révèlent toutefois une véritable amélioration de la situation : 52 % des stocks étaient pêchés durablement en 2012, contre seulement 27 % en 2010. Les stocks se reconstituent donc, grâce notamment à la démarche du rendement maximal durable. Les pêcheurs n'ont pas pour objectif de décimer les stocks, la surpêche d'aujourd'hui les privant de la pêche de demain. Chacun a pris conscience qu'il fallait mieux pêcher, protéger les espèces menacées et réguler le marché. Mieux coordonner les sorties de pêche à la demande est également nécessaire.

Le contrôle de la pêche est évidemment une priorité. J'ai répondu aux critiques, injustifiées à mes yeux, de la Cour des comptes sur le sujet, et Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, a tenu à cosigner la lettre. Le ministère de l'écologie et le ministère de la mer et de la pêche partagent donc le même diagnostic sur la qualité et l'intensité des contrôles exercés et la mobilisation des agents qui les effectuent – la Cour des comptes produit des chiffres erronés. Il convient de tenir compte des modes de pêche, de la structuration des façades littorales et de la réalité du patrimoine maritime. Les lieux de débarquement du poisson sont souvent de petits ports de pêche. L'administration doit-elle diligenter des contrôles dans chaque petit port, sous peine d'entrer dans une logique d'économie administrée ? J'aimerais aussi connaître les pratiques des autres pays européens : appliquent-ils les mêmes précautions au pied de la lettre ? Je le répète, le rapport de la Cour des comptes est injustement sévère à l'encontre de la Direction des affaires maritimes.

J'ajouterai qu'il n'existe pas de définition de la « petite pêche » : chaque pays la définit de manière différente. Pour la Commission européenne, la petite pêche s'achève aux bateaux de douze mètres, ce qui ne correspond pas à la définition de la pêche artisanale française, qui prend en compte le nombre de pêcheurs embarqués et l'embarquement du patron sur son propre navire. Cette terminologie est donc contraire aux intérêts de nos littoraux, de nos ports et de la réalité sociale et économique maritime française.

Les rejets sont assurément choquants. Toutefois, je n'ai pas obtenu de la Commission européenne la possibilité d'évaluer les rejets découlant d'une réglementation inadaptée. Lorsque les quotas sont atteints ou que les prises accessoires dépassent un certain pourcentage, le navire est dans l'obligation de rejeter. Il conviendrait d'ailleurs de connaître la réalité des rejets. De plus, les bateaux ne sont pas adaptés à l'interdiction de rejeter, laquelle poserait une question de sécurité. Enfin, pourquoi interdire les rejets s'il n'existe en aval aucune filière économique pour les absorber ? Or la Commission ne souhaite pas valoriser ces produits. Quelle serait dès lors la finalité de conserver les rejets ?

Les ostréiculteurs ont reçu en 2011 et en 2012 des aides et des indemnités. Toutefois, l'évolution du phénomène ne laisse d'inquiéter, en ce que la mortalité, comme vous l'avez rappelé, concerne désormais les huîtres adultes. IFREMER se penche sur la question, dont MM. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, et Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire, traitent les aspects sanitaires. L'aggravation de la situation ne sera pas sans poser des problèmes de pérennité des indemnisations.

Monsieur Pellois, le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins participe à France Filière Pêche. Il est assurément regrettable que la filière dépende désormais en partie de fonds privés, mais ceux-ci sont nécessaires à son développement du fait qu'ils se substituent à la taxe poisson. France Filière Pêche, qui doit demeurer en relation avec l'État, a l'obligation morale d'accompagner les dispositifs auxquels l'Europe interdit à l'État de participer.

Monsieur Lebreton, le Président de la République a, dès son arrivée, voulu que les outre-mer soient présents au sein de tous les ministères. Comment le ministère de la mer et de la pêche aurait-il pu ne pas répondre à la volonté du Président de la République et ignorer la spécificité des outre-mer ?

Mme Marcel, il est nécessaire de doter de moyens supplémentaires la recherche scientifique pour améliorer les connaissances en matière de stocks dégradés. Nous aurons évidemment besoin des études du Conseil international pour l'exploration de la mer – CIEM – sur la question de la pêche en eau profonde. Nous ne souhaitons pas toutefois utiliser le mot « surpêche », qui accrédite l'idée d'une atteinte volontaire aux stocks et d'une dégradation par l'activité de pêche, alors même que de nombreux stocks sont encore méconnus ou inconnus. Du reste, les quotas et le rendement maximal durable sont des instruments permettant d'éviter toute surpêche – il est inutile de vous rappeler le rendez-vous de 2020 en la matière.

Monsieur le président, j'ai rencontré M. Alain Coudray, président du comité local des pêches de Saint-Brieuc, lorsque je suis allé à Perros-Guirec. Les pêcheurs se sont convertis aux éoliennes en mer pour des raisons vertueuses, évidemment – relativiser les conflits d'usages –, mais aussi dans la perspective d'une démarche plus collective dans le traitement des retombées financières pouvant découler des énergies marines renouvelables. Il est indispensable d'aider les marins et de le faire sur des bases identiques pour chaque commune et chaque groupement.

De plus, l'impact des éoliennes sur la présence des poissons et la pratique de la pêche sera moins lourd demain. Il faut également se poser la question du respect des paysages ou celle de la sécurité maritime en évitant les a priori. Les mesures d'accompagnement doivent soutenir l'activité de pêche.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion