Intervention de Frédérique Massat

Réunion du 15 avril 2014 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Massat, rapporteure :

En descente, le véhicule peut se recharger. Il est donc très adapté à nos montagnes, monsieur le président. C'est dire combien le maillage sera déterminant dans les zones rurales et de montagne. Pour de multiples raisons, les opérateurs publics ne se sont pas toujours saisis de la possibilité d'être eux-mêmes maîtres d'ouvrage pour l'implantation de bornes. L'intervention de l'État prend ici tout son sens. Pour être le plus complet possible, le maillage doit prendre en compte ces territoires, ainsi que les villes de 50 000 habitants ou moins, dépourvues de transports publics. Il s'agit ici de combler une fracture en matière d'aménagement du territoire.

Le texte répond donc à un réel besoin : celui d'accélérer le déploiement des infrastructures de recharge et de combler les « trous » laissés par les initiatives déjà prises par les collectivités territoriales et les acteurs privés.

Permettez-moi d'abord de lever une ambiguïté. Il va de soi que les initiatives des collectivités territoriales seront toujours les bienvenues, et continueront à être secondées par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). Selon ERDF, le nombre de bornes installées par les collectivités devrait atteindre 14 000 en 2015 ; des territoires qui n'étaient pas du tout couverts jusqu'à présent le seront demain. Néanmoins, il subsiste d'énormes « trous » sur la carte de France, et la possibilité de se déplacer partout sur le territoire avec un véhicule électrique n'est pas garantie. C'est pourquoi un opérateur national est nécessaire.

Dans le cadre des Investissements d'avenir, l'État a confié à l'ADEME le rôle d'opérateur du programme « véhicule du futur ». Un budget de 50 millions d'euros est alloué aux infrastructures de recharge de véhicules électriques ; la subvention couvre le coût d'investissement, à hauteur de 50 % pour l'implantation de bornes de recharge normale ou accélérée et de 30 % pour les bornes de recharge rapide. Les chiffres communiqués par ERDF font état de nombreux projets de déploiement de bornes de recharge par les collectivités territoriales, ce dont nous nous félicitons.

Ces initiatives sont complétées par les projets des acteurs privés. L'article L. 111-5-2 du code de l'environnement, introduit par la loi Grenelle 2, prévoit l'obligation d'intégrer des prises de recharge dans les parkings des nouveaux immeubles de bureaux et d'habitation. À compter de 2015, la création de prises sera également rendue obligatoire dans les parkings des immeubles de bureaux déjà existants et les copropriétés.

On compte au total 25 000 bornes de recharge installées par des acteurs privés : 8 000 par des particuliers, 12 000 destinées aux flottes d'entreprise, 1 000 dans les centres commerciaux et 4 000 dans les parkings. À ce jour, c'est l'Île-de-France qui compte le plus grand nombre de bornes, notamment à Paris. Parmi les projets importants, on citera les partenariats entre Renault et Leclerc, Nissan, Auchan et DBT ou encore Ikea, Cora et Nissan.

Certains territoires restent néanmoins très peu couverts. Il est primordial de combler ces « trous » et de lutter contre la fracture entre zones urbaines et zones rurales ou de montagne. Certains réseaux locaux ne comptent pas assez de bornes de recharge accélérée ou rapide ; il convient d'y remédier. Enfin, seul un acteur de taille nationale peut mettre sur pied les infrastructures qui relient les réseaux locaux entre eux. Ce texte permettra notamment d'équiper certaines autoroutes ou routes nationales en infrastructures de recharge, ce qui est difficile dans le cadre des appels à manifestation d'intérêt de l'ADEME.

Au total, un réseau « essentiel » couvrant l'ensemble du territoire, destiné à compléter les initiatives des collectivités et des acteurs privés, pourrait représenter environ 4 500 bornes rapides ou accélérées, pour un coût de 200 millions d'euros selon les premières estimations d'ERDF.

Avant de vous présenter en détail les dispositions de la proposition de loi, je souhaiterais expliquer pourquoi nous n'avons pas souhaité l'intégrer au futur projet de loi sur la transition énergétique. Celui-ci ne devrait certes plus tarder à être déposé devant le Parlement, mais il donnera lieu à de longs débats et à plusieurs navettes. Or, il y a urgence à favoriser le déploiement d'infrastructures de recharge sur notre territoire.

Le texte octroie à l'État une compétence pour déployer des bornes de recharge dans le cadre d'un projet de dimension nationale. Cela ne signifie pas que les collectivités territoriales, jusqu'à présent seules à détenir cette compétence, en seront désormais dépourvues : elles continueront à l'exercer dans le même cadre qu'aujourd'hui. L'État pourra implanter des bornes de recharge sur le domaine public « lorsque cette implantation s'inscrit dans un projet de dimension nationale ». Il ne s'agit donc pas de concurrencer les initiatives locales, mais de les compléter, la dimension nationale s'appréciant au regard du nombre de bornes et de la répartition des bornes à implanter sur le territoire.

L'État peut déployer les infrastructures de recharge pour son propre compte ou par l'intermédiaire d'un opérateur national dans lequel il détient une participation. Le texte ne prévoit pas d'appel d'offres : il ne s'agit pas de déterminer le titulaire d'un marché public, mais d'autoriser le lancement d'initiatives privées sur le domaine public.

Afin de garder le contrôle sur l'opérateur national chargé de déployer ce réseau, le texte exige que l'État conserve une participation dans cet opérateur national. Toutefois, la rédaction actuelle est trop restrictive. Je vous proposerai donc un amendement qui inclut dans le champ du texte les montages suivants : la détention d'une participation dans l'opérateur national par un établissement public, par exemple l'ADEME, et la détention indirecte de participation, par exemple via la Caisse des dépôts.

Dans ce cadre, et uniquement dans ce cadre, le texte exonère l'État ou l'opérateur national de toute redevance. L'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques dispose que « toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique (...) donne lieu au paiement d'une redevance ». Toutefois, le législateur peut prévoir des dérogations à cette règle.

Cette exonération est proportionnée à l'objectif visé. Afin d'accélérer le déploiement des bornes de recharge, il convient d'offrir de la visibilité aux opérateurs intéressés. Sans exonération, ils devraient connaître le montant de la redevance demandée par chaque collectivité concernée avant de pouvoir finaliser le montage financier de leur projet, ce qui serait source de complexité. Par ailleurs, et contrairement au déploiement des réseaux locaux, aucune subvention n'est prévue.

La proposition de loi associe très étroitement les collectivités territoriales à l'élaboration des projets, notamment à l'implantation des bornes.

D'une part, les projets de dimension nationale ont vocation à compléter le réseau des collectivités territoriales et non à s'y substituer. D'autre part, les dispositions proposées garantissent une forte implication des collectivités territoriales : en amont, leurs organes délibérants seront compétents pour se prononcer sur la délivrance des titres d'occupation du domaine public ; en aval, l'alinéa 3 de l'article 1er prévoit qu'elles seront associées à la définition des modalités d'implantation des infrastructures.

Afin de garantir que les implantations soient compatibles avec les caractéristiques techniques du réseau de distribution d'électricité, je vous proposerai un amendement associant à cette concertation les gestionnaires de réseau de distribution d'électricité, c'est-à-dire ERDF et les entreprises locales de distribution. Cette mesure de précaution a pour objectif d'éviter que l'implantation de bornes ne mette en péril la sécurité du réseau et que le renforcement de lignes n'entraîne des surcoûts inutiles. Cette concertation permettra donc de déterminer, localement, les meilleures solutions de déploiement.

Je précise enfin que des projets nous ont été présentés lors des auditions. Bolloré, opérateur du réseau Autolib, propose ainsi le déploiement de 16 000 bornes de recharge rapide sur la période 2015-2018. Renault a imaginé le projet « Corridor », en partenariat avec Nissan, BMW et EDF, tandis que Colas, qui a assuré les travaux du réseau Autolib en collaboration avec Bolloré, propose un réseau de 600 à 1 000 implantations à l'échelle nationale. Il reste à orchestrer tous ces projets.

Cela appelle quelques précisions complémentaires. Ce texte n'est pas la validation d'un choix déjà effectué par le Gouvernement. Il s'agit de permettre à l'État de mettre en oeuvre une politique nationale initiée depuis plusieurs années. La rédaction du texte rend possible la coexistence de plusieurs opérateurs nationaux, mais il appartient bien à l'État d'orchestrer l'ensemble.

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