Intervention de Arnaud Montebourg

Réunion du 15 avril 2014 à 16h15
Commission des affaires économiques

Arnaud Montebourg, ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique :

Dès le premier plan automobile du mois de juillet 2012, nous avons imaginé la mutation de l'offre industrielle de nos constructeurs, en rapport avec l'évolution de la société, la précaution écologique et sa montée, et le désir de changement de comportement dans la relation du citoyen avec l'automobile. L'outil de liberté qu'était l'automobile a disparu : elle est devenue une charge, un problème et un coût. La réhabilitation de l'automobile est à la charge de l'offre industrielle, qui doit réinventer cette relation. La chute du marché européen de l'automobile, considéré comme un marché mûr, a bien à voir avec une mutation des comportements, et notamment la préoccupation environnementale.

Ce diagnostic posé, nous avons fait le choix d'amener les constructeurs à bouger, d'où la politique des bonus écologiques ou de la voiture écologique populaire, qui permettait – avec un premier bonus à 7 000 euros, aujourd'hui 6 500 euros – de rendre compétitif, pour un ménage moyen ou modeste, le véhicule électrique par rapport à un véhicule thermique à faible émission de CO2. La « Zoé » est fabriquée sur les chaînes de Flins avec des moteurs électriques réinventés par Renault, qui ne connaissait jusqu'alors que les moteurs à piston et à explosion. J'ai visité l'usine de Cléon, en Seine Maritime, où les ingénieurs de Renault ont inventé ce nouveau métier.

Pour le Gouvernement, les bonus pour l'acquisition d'un véhicule électrique étaient le moyen de créer une taille critique et de doper les ventes. Cela a plutôt bien fonctionné : entre 2010 et 2013, nous sommes passés de 184 à 13 954 véhicules immatriculés. La progression est exponentielle, à l'instar de ce que l'on constate dans tous les pays qui ont adopté le véhicule électrique et commencé à installer des bornes de recharge. Certains États américains sont en avance sur la France. Mais partout dans le monde, la progression de la vente de véhicules électriques est deux fois plus importante que celle des véhicules hybrides il y a dix ans. Lorsque les véhicules hybrides sont arrivés massivement sur le marché, il ne s'agissait plus d'un véhicule de luxe mais d'un véhicule accessible aux bourses moyennes ou modestes ; néanmoins, ils ont été beaucoup plus lents à s'installer dans les esprits.

À nos yeux, les bonus ne suffisent pas cependant. Sur le plan budgétaire, les malus financent en effet les bonus. Or, compte tenu de la progression des véhicules hybrides et électriques, les premiers ne suffisent pas à compenser les seconds. Les malus sur les véhicules dont nous décourageons la vente fonctionnent, et on observe un transfert progressif des comportements d'achat. En très peu de temps s'est manifesté un mouvement d'adhésion à l'écologie dans la mobilité individuelle.

Nous avons examiné avec Renault – dont l'État est actionnaire – la carte de vente sur les neuf premiers mois du véhicule « Zoé ». Bien qu'il soit accessible, puisqu'il est au prix de 11 000 euros, soit l'équivalent d'une Clio ou d'une Peugeot 208, ce n'est pas dans les métropoles que ce véhicule se vend le mieux, mais dans les villes de moins de 50 000 habitants, c'est-à-dire là où les transports en commun des collectivités locales sont les plus défaillants et où les trajets entre le domicile et le travail ne sont pas desservis. D'autres pratiques, telles que l'autopartage, avec la transposition d'Autolib à Lyon et à Bordeaux, apparaissent dans les métropoles. Bref, la société change plus vite que nos décisions politiques : nous sommes en retard.

C'est pourquoi figure, parmi les 34 plans industriels que j'ai présentés avec le Président de la République au mois de septembre, un plan dédié au développement des bornes de recharge, qui permettra à l'État de servir la cause de cette mutation et de rattraper ce retard. Son chef de projet est le préfet Francis Vuibert ici présent, qui se tient à votre disposition pour répondre à vos questions. Ce texte est le fruit de ce travail ; porté par les parlementaires qui s'intéressent à ces questions, il est né de la coopération de tout un secteur industriel et du secteur public.

Des initiatives privées et publiques existent déjà. La loi Borloo avait conféré la compétence de l'implantation des bornes aux collectivités locales ; mais convaincre 36 000 décideurs est plus long que de faire appel à un ensemblier – l'État. Nous risquons de perdre du temps, alors même qu'avec Renault et Nissan, notre pays est leader mondial – en nombre de voitures vendues comme sur le plan de la technologie ou du confort et de l'habitabilité – sur le marché du véhicule électrique. Les véhicules présents sur le marché changent la relation presque charnelle que le conducteur entretient avec son véhicule. « Les Français aiment la bagnole », disait Georges Pompidou. Cela n'a pas changé !

Il peut être utile de rappeler les initiatives des collectivités locales qui existent déjà. Ainsi, 45 communes de la région parisienne sont couvertes par Autolib. Il n'y a pas besoin de couverture supplémentaire en bornes de recharge pour les propriétaires de véhicules électriques, car Autolib a des emplacements de recharge ouverts aux usagers tiers non abonnés au dispositif. La mise en oeuvre par les collectivités locales n'est donc pas exclusive de la construction de ce réseau national.

Il existe aussi des initiatives privées. Je pense à Auchan et à un certain nombre d'autres chaînes de la grande distribution, mais aussi à la Poste et à la SNCF, qui ont décidé d'implanter des bornes de recharge sur leurs parkings. Toutes ces initiatives sont complémentaires.

L'objectif de cette proposition de loi, que nous approuvons, est de permettre à l'État de fédérer et de coordonner les initiatives, comme celle d'EDF, par exemple, qui, en liaison avec Renault, BMW, Volkswagen et Nissan, propose l'installation de bornes de recharge rapide – une charge complète en trente minutes – dans deux cents points en France, ou celle de Bolloré, qui propose, de son côté, d'installer huit mille bornes, soit seize mille points de recharge, une moyenne de cent quatre-vingt par département, hors région parisienne.

Nous sommes en train d'évaluer avec le préfet Vuibert la distance raisonnable qui doit séparer deux bornes afin d'obtenir un maillage cohérent du territoire : cela doit non seulement simplifier la vie des conducteurs mais également doper la vente de véhicules électriques. Nous sommes leaders mondiaux dans le domaine et entendons faire de la France une puissante base d'exportation.

PSA n'est d'ailleurs pas en reste et a décidé de se lancer dans l'hybride rechargeable, technologie qui offre d'autres possibilités mais qui nécessitera aussi l'usage de bornes.

Il ne s'agit donc pas de déposséder les communes mais d'organiser les investissements des collectivités locales et des organismes privés pour parvenir à mettre en place, en vingt-quatre mois, un réseau national. Avant d'en arriver à cette idée, nous avons laissé du temps aux collectivités locales, mais celles-ci ont évidemment d'autres préoccupations que de construire un réseau national. Cette proposition de loi est donc la bienvenue, et le Gouvernement la soutient avec enthousiasme.

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