Intervention de Nathalie Pilhes

Réunion du 8 avril 2014 à 14h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Nathalie Pilhes, présidente de l'Assemblée des femmes de ParisÎle-de-France :

Le législateur pourra accompagner la réforme en question.

Le troisième argument est que l'individualisation remettrait en cause la reconnaissance des solidarités familiales. Mais il part de l'hypothèse que les couples mariés et pacsés mettent l'ensemble de leurs revenus en commun. Or moins des deux-tiers des couples déclarent mettre leurs revenus entièrement en commun.

Enfin, l'imposition individuelle priverait les femmes du libre choix d'avoir ou non un emploi. Pour nous, ce n'est pas du tout un argument. Il ne s'agit pas d'obliger les femmes au foyer à avoir une activité professionnelle, mais surtout de ne pas les en décourager. Cette idée qu'il faudrait défendre le « libre choix » de travailler ou non pour les femmes en couple relève d'une conception du couple qui a institutionnalisé la dépendance des femmes par rapport au conjoint. Cela pose des problèmes importants et a de graves conséquences en cas de séparation ou après la retraite. Le nombre de femmes seules avec enfants a plus que doublé en quarante ans et il continue à augmenter. Une femme sur trois vit au-dessous du seuil de pauvreté.

Par ailleurs, beaucoup de femmes ont renoncé à une activité professionnelle aussi par manque de modes de garde ou en raison de leur coût trop élevé. Il manquerait aujourd'hui 500 000 places d'accueil en France. Le Gouvernement a promis d'en créer 275 000. C'est absolument stratégique. En Allemagne, le taux d'emploi des femmes est à peu près le même qu'en France, mais les Allemandes arbitrent clairement entre l'emploi et la maternité. Dans certains pays, le manque de modes de garde aboutit à une exclusion des femmes du marché de l'emploi.

J'en viens à mon troisième point : nos recommandations.

Comme vous l'avez compris, notre recommandation principale est de refonder l'impôt sur le revenu autour de l'égalité hommes-femmes en individualisant l'impôt et en supprimant le quotient conjugal. Individualiser l'impôt permettra de réduire les taux marginaux imposés aux revenus des femmes. De notre point de vue, seule l'imposition individuelle permet d'assurer l'égalité de traitement devant l'impôt. Elle est en cohérence avec la généralisation des droits propres attachés aux personnes, en lieu et place des droits dérivés. Elle est en cohérence avec l'objectif d'égalité entre les femmes et les hommes, et elle permet de rééquilibrer les rapports de force en termes de négociation au sein du couple.

Je rappellerais ensuite que le quotient conjugal coûte entre 5,6 et 9,6 milliards d'euros, et le quotient familial environ 13,9 milliards d'euros. Certains chercheurs ont indiqué qu'ils étaient médusés de voir des sommes aussi importantes distribuées sur la base d'objectifs très approximatifs. Je dois dire que je partage cette stupéfaction. Mais nous suggérons d'accompagner la suppression du quotient conjugal. Comme vous le disiez très justement tout à l'heure, il y aurait des perdants, notamment parmi les familles modestes.

Dans un premier temps, nous proposons de distinguer clairement la politique familiale de la politique fiscale puisque la prise en compte des charges familiales dans l'impôt provoque des effets inégalitaires et des incohérences. Cela rendrait l'impôt plus visible, plus transparent, plus juste et donc plus acceptable.

Nous proposons ensuite d'utiliser le gain des rentrées fiscales liées à la suppression du quotient conjugal pour instaurer une meilleure redistribution, à la fois verticale et horizontale, de ces rentrées fiscales. Les foyers à plus hauts revenus y perdraient, puisque la perte moyenne augmente avec le niveau de vie. Mais la redistribution de ce supplément permettrait de neutraliser l'effet de cette suppression sur les contribuables les plus modestes. Le législateur pourrait définir un seuil en dessous duquel on refuserait que les couples y perdent.

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