L'INSERM, dont nous fêtons cette année les cinquante ans, fait partie de ces instituts de recherche lourdement touchés par la précarité du monde de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les contractuels qui y sont employés sont particulièrement nombreux et quelques cas ont défrayé la chronique ces dernières années, tel celui de cette ingénieure qui, sur une période de onze années, a enchaîné pas moins de douze contrats à durée déterminée et six avenants prolongeant ces contrats, continuant pourtant de travailler dans la même équipe de recherche médicale avant de se faire tout bonnement congédier. La loi « Sauvadet » de 2012 n'a rien fait pour améliorer la situation – j'avais évoqué cette question ici même il y a un an lors du renouvellement de M. Syrota à la tête de l'Institut – puisque, si son objectif est de résorber au moins une partie de la précarité, l'État n'a pas accordé depuis les crédits nécessaires aux titularisations requises, ce qui pousse les différents organismes employeurs à licencier les précaires, faute de pouvoir les titulariser…
En 2013, la Cour des comptes avait estimé que le nombre de personnels de l'INSERM en contrats à durée déterminée avait été multiplié par quatre entre 2005 et 2010 et représentait alors 28 % des effectifs. La Cour explique que « l'examen des contrats de travail révèle, notamment pour les ingénieurs, techniciens et administratifs [ITA], des modalités de gestion « au fil de l'eau » critiquables : des recrutements sur des contrats très courts (quelques mois), prolongés plusieurs fois par avenant, et financés parfois au titre de différents contrats de recherche successifs, ce qui peut poser la question du caractère permanent ou non du besoin auquel répond le recrutement d'un contractuel ».
En réponse à la Cour, l'INSERM avait annoncé l'élaboration d'une « charte des bonnes pratiques » portant sur le recrutement et le suivi des personnels non titulaires et comportant un bilan d'activité, des actions de formation et un entretien annuel d'activités, à l'image de ce qui existe pour les agents titulaires. J'aimerais donc savoir si le futur président de l'INSERM compte faire de la résorption de la précarité un axe fort de son mandat.
Mais permettez-moi de vous dire que, au-delà de vos qualités personnelles évidentes, votre candidature pose question au groupe Écologiste de l'Assemblée nationale car, depuis 2012, vous êtes avant tout un membre du cabinet de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Certes, s'il est interdit aux membres des cabinets ministériels d'aller travailler pour les entreprises relevant du champ de compétence dudit ministère, une telle règle n'existe pas au sein de la fonction publique. Toutefois, votre éventuelle nomination interroge sur la procédure de sélection et ce, alors même que la ministre Geneviève Fioraso avait annoncé que les procédures de nominations directes seraient remplacées par un recrutement ouvert et transparent. Derrière ces annonces, quelle est la réalité ? N'y a-t-il pas eu conflit d'intérêts entre le poste que vous occupez dans son cabinet et votre candidature à la direction de l'INSERM ?
À toutes fins utiles, je rappelle qu'un conflit d'intérêts apparaît dès lors qu'un individu ou une organisation est impliqué(e) dans de multiples intérêts dont l'un peut – je dis bien « peut » – corrompre la motivation à agir sur les autres : il n'y a pas besoin d'établir la preuve de l'existence réelle d'une influence d'un intérêt sur un autre, la suspicion suffit à miner la confiance qu'on aurait pu accorder.
C'est la raison pour laquelle, tout comme nous l'avions fait lors de la nomination de M. Olivier Schrameck à la tête du Conseil supérieur de l'audiovisuel il y a quinze mois, le groupe Écologiste, par ma voix, s'abstiendra sur le vote qui va intervenir sur votre nomination.