Intervention de Michel Ray

Réunion du 16 avril 2014 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Michel Ray, vice-président délégué d'Advancity, pôle de compétitivité « Ville et Mobilités durables » :

Advancity est un pôle de compétitivité dédié à la ville et aux mobilités durables qui travaille depuis 2005 sur les innovations urbaines. C'est donc tout naturellement que nous avons soutenu des projets de recherche et d'innovation liés à l'adaptation au changement climatique.

Advancity regroupe aujourd'hui plus de 240 membres qui forment un véritable écosystème multi-acteurs. Ce sont 160 PME très innovantes, 18 grands groupes leaders mondiaux, plus de 30 établissements d'enseignement et de recherche, dont les grands organismes techniques du ministère de l'écologie, et plus de 30 collectivités territoriales de toutes tailles qui explorent ensemble les champs d'innovation urbaine au sein de quatre comités stratégiques, véritables ateliers d'émergence de projets innovants, de produits et de services dédiés à la ville de demain.

Selon le dernier rapport du GIEC, de nombreux risques liés au changement climatique se concentrent dans les villes.

Le premier de ces risques, ce sont les vagues de chaleur qui, nous en sommes quasiment certains, seront plus intenses, plus longues et environ cinq fois plus fréquentes en 2050. Cette situation est nettement aggravée dans les villes du fait de l'apparition d'îlots de chaleur qui ont des conséquences dramatiques sur les personnes vulnérables – n'oublions pas que la canicule de 2003 a entraîné environ 20 000 morts « supplémentaires ».

L'étude EPICEA – Étude pluridisciplinaire des impacts du changement climatique à l'échelle de l'agglomération parisienne – menée par la Ville de Paris, le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), Météo France et l'Atelier parisien d'urbanisme (APUR) sur les îlots de chaleur a montré que la différence maximale de température entre le coeur de la ville et la campagne en 2003 a atteint 8 ° Celsius.

L'étude a évalué les impacts de plusieurs actions préventives, en particulier l'évolution de l'albédo – nous savons que la couleur blanche réfléchit plus la lumière – la végétalisation des toits et des façades, l'évaporation produite par l'humidification des rues, mais leur combinaison réduirait les effets des îlots de chaleur de 2 ° Celsius, ce qui est très utile mais insuffisant face à l'ampleur de l'enjeu.

Le projet de recherche VegDUD « Rôle du végétal dans le développement urbain durable », en cours d'achèvement, confirme les bienfaits du végétal, reflète la grande complexité des phénomènes urbains, permet d'améliorer significativement la modélisation et facilite le choix des espèces végétales à utiliser en fonction du lieu et des contraintes hydriques.

Le projet de recherche MUSCADE – Modélisation urbaine et stratégie d'adaptation au changement climatique pour anticiper la demande et la production énergétique – qui s'est achevé fin 2013, modélise le climat du territoire de Paris via des scénarios intégrés et caractérise les vulnérabilités urbaines face au changement climatique. Le projet souligne le risque de généralisation de la climatisation électrique, avec ses conséquences sur les plans énergétique et esthétique, et met en avant le rôle clé du comportement des habitants, notamment pour le confort d'été.

Le deuxième risque majeur pour les villes est la survenue d'inondations exceptionnelles. Celles-ci appartiennent à trois catégories : les inondations à montée plus ou moins lente, qui ont de graves conséquences économiques – du type de la crue de 1910 à Paris ; les inondations subites, liées à des précipitations de plus en plus intenses, qui ont des conséquences humaines et économiques ; les inondations de zones urbanisées côtières liées à la combinaison de plusieurs facteurs – niveau de la mer, dépression, houle.

Afin de développer la résilience urbaine au changement climatique, Advancity a labellisé le projet Resilis, qui a abouti fin 2013. Ce projet vise à développer des solutions innovantes pour l'amélioration de la ville, notamment les villes moyennes, grâce à trois leviers : une amélioration de la gouvernance des systèmes urbains, une gestion optimisée des réseaux techniques structurants, une implication accrue de la population. Il a permis la formalisation d'une démarche intégrée pour les collectivités territoriales et la proposition d'indicateurs de vulnérabilité climatique et des remèdes associés, assorties d'un document de recommandations et d'une série d'outils concrets.

Le troisième risque, ce sont les vents extrêmes, dont la tempête de 1999 fut un exemple dramatique. Leur évolution liée au changement climatique fait l'objet de longues discussions scientifiques, mais c'est maintenant que les maîtres d'ouvrage, notamment dans le cas de construction ou de réhabilitation d'infrastructures, doivent prendre des décisions opérationnelles.

En conclusion, voici quatre réflexions, essentiellement inspirées par les constatations faites sur le terrain par notre écosystème, assorties de pistes d'action.

Si, pendant des millénaires, l'adaptation humaine au climat a été réactive, la vitesse à laquelle se produit le changement climatique actuel, comparée au temps nécessaire pour adapter les villes, exige une adaptation beaucoup plus anticipative. Or nos écosystèmes sont peu habitués à cela. Nous devons donc multiplier et intensifier de véritables incitations pour devenir plus proactifs et amener les acteurs à travailler de façon plus concertée sur un sujet éminemment transversal. Il faut donc accentuer la créativité des offres et pour cela faire en sorte que les cahiers des charges, en amont, fassent mention de l'adaptation au changement climatique. Il faut aussi généraliser, comme le demande le PNACC, l'utilisation des contrats de délégation de service public pour inciter tous les acteurs concernés à se mobiliser.

Par ailleurs, la notion juridique actuelle de « force majeure », associée par exemple à un événement climatique centennal, peut s'avérer inappropriée, d'une part parce que l'emploi du mot « imprévisible » est ambigu, compte tenu de l'état de nos connaissances actuelles, et d'autre part parce qu'elle comporte un risque de déresponsabilisation des acteurs, que le recours à cette notion pourrait dissuader d'entreprendre des démarches préventives.

Deuxième piste de réflexion : les incertitudes qui entourent les événements climatiques exceptionnels seront malheureusement fortes et durables. Or leur évolution est absolument déterminante pour déterminer le dimensionnement des infrastructures. Il faut aider les maîtres d'ouvrage, faute de quoi ils préféreront ne pas agir dès maintenant.

En matière d'adaptation au changement climatique, les approches trop normatives peuvent exiger des travaux de réalisation parfois inutiles et très coûteux. L'approche reposant sur une analyse pluridisciplinaire des risques est plus appropriée et nettement moins coûteuse en travaux. Nous avons fait des recommandations en ce sens aux Directions des routes de plusieurs pays européens et elles semblent avoir été appréciées (projet européen RIMAROCC).

Troisième réflexion : il est essentiel de disposer d'études de qualité sur ces sujets nouveaux et complexes que sont la vulnérabilité et la résilience : trois ans avant Katrina, une étude fédérale américaine avait identifié avec précision les cinq principaux facteurs de risque pour la Nouvelle-Orléans.

Je fais à cet égard trois propositions concrètes : investir dans l'expertise des personnes qui réaliseront les études sur le terrain, affecter des enveloppes suffisantes à la réalisation d'études d'adaptation et de résilience, et valoriser effectivement et rapidement les résultats les plus intéressants de la recherche et de l'innovation.

Ma dernière piste de réflexion est de professionnaliser les capitalisations d'expériences sur les diagnostics sectoriels, ce qui nécessite de créer des réseaux très réactifs et surtout multiacteurs.

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