Intervention de Pouria Amirshahi

Réunion du 16 avril 2014 à 16h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPouria Amirshahi :

Tout d'abord, je remercie votre commission de m'accueillir aujourd'hui pour ce compte rendu de nos travaux. Notre mandat n'est pas facile au sein de l' AP-UpM. L'idée était de favoriser le « décollage » de la région après les « Printemps arabes » et, pour l'Union européenne, de trouver en son sud des possibilités de développement économique. La dernière réunion de la Commission des affaires économiques, dans laquelle je siège, était très axée sur les PME, avec pour principale préoccupation leur accès aux financements. Nous avons adopté une Résolution sur « le financement des PME et de la microfinance et son rôle en Méditerranée ». L'objectif est que les États facilitent l'accès au financement des PME et des micro-entreprises dans la région méditerranéenne. La Commission s'était également déjà concentrée sur cette question en 2013, lors de la réunion de Bruxelles en avril et lors d'une seconde réunion en novembre à Istanbul, où je m'étais également rendu ; précédemment j'avais également assisté à une réunion à Rome.

Nous voyons bien, en Algérie, par exemple, que le réseau des PME est très fragile ; au Maroc, également, il faut les accompagner : améliorer leur accès au crédit doit donc être un fil conducteur.

Lors de la discussion, je suis notamment intervenu, au nom de la France :

1 Pour défendre le principe de « taxes plus favorables » aux PME et non de «taux d'impôts» plus bas, comme le proposait initialement la Recommandation.

2 Pour souligner le danger de fragilisation des PME si on leur ouvrait l'accès au marché boursier. Il m'a semblé préférable de privilégier une rédaction prévoyant que ce sont les marchés boursiers qui doivent s'adapter aux PME - et non l'inverse- et accroître leur capacité à financer l'économie réelle.

3 Pour soutenir l'idée qu'il faudrait analyser les avantages et risques que pourrait entraîner, pour les PME et micro-entreprises, le projet de création d'une Banque de développement de la Méditerranée. Il existe déjà le BEI, la BERD etc. Je comprends le rajout d'un troisième outil mais ce n'est pas sans poser des difficultés. Nous avons quand même accepté le principe de sa mise à l'étude.

4Pour m'opposer à l'objectif de réalisation d'une « zone de libre-échange euro-méditerranéenne » , qui m'a semblé prématuré, au profit de l'objectif de mise en place d'une « zone de coopération et de croissance économique et sociale euro-méditerranéenne ». Il s'agit en effet d'être pragmatique : la rive sud a besoin de d'abord densifier elle-même sa capacité de production. Il faut plutôt aider au renforcement de la structure économique de la zone.

Ces différentes suggestions ont été également approuvées.

Il convient de préciser que les autres commissions ont adopté :

• Pour la Commission politique : une recommandation sur « le recouvrement des avoirs et sur la lutte contre la corruption en Europe et dans les pays situés sur la rive Sud de la Méditerranée ». Ce sujet n'est pas tabou : il est sur la table. Il implique aussi de traiter de l'aide que nous pouvons apporter en matière de lutte contre la corruption.

• Pour la Commission de l'Énergie : une recommandation sur « l'efficacité énergétique, les services d'énergie renouvelables et les initiatives concernant l'environnement et l'eau ».

• Pour la Commission des droits de la Femme : une recommandation abordant deux thèmes différents : « Femmes et création d'emplois dans la région euro-méditerranéenne » et « La situation des femmes syriennes dans les camps de réfugiés des pays voisins ».

Ces recommandations permettent à l' AP-UpM d'accompagner sur des idées concrètes la consolidation du partenariat euro-méditerranéen. Même si l' AP-UpM n' a finalement qu'un rôle consultatif, elle permet de faire le lien indispensable entre les Parlements nationaux et l' UpM. C'est une occasion d'échanges entre nos différents Parlements.

Cette année deux thèmes étaient inscrits à l'ordre du jour de la session plénière ( outre l'approbation des recommandations et du budget ) : le processus de paix au Proche-Orient et la question des réfugiés syriens. Deux intervenants ont présenté un exposé : le Dr Al-Mamoni, Ministre jordanien par intérim des Affaires étrangères, et M. Reybet-Degat, Directeur-adjoint du Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés (Bureau régional pour le Moyen-Orient et l'Afrique du nord ).

A l'occasion de ces deux interventions, c'est la question des réfugiés syriens qui a été prédominante, le ministre jordanien ayant souligné le risque qu'un conflit politique, le conflit syrien, se transforme en conflit menaçant la stabilité de la région tout entière. La Jordanie, pays de 6 millions d'habitants, accueille en effet déjà plus de 600 000 réfugiés syriens sur son sol (900 000 pour le Liban).

Un rapport du Bureau de l' AP-UpM sur des missions exploratoires effectuées dans des camps de réfugiés syriens en Jordanie, au Liban et en Turquie a également été présenté. Nous avons bien ressenti, au cours de ces différents exposés, la demande de plus de solidarité internationale. Il faut bien constater qu'il y a beaucoup de générosité, en matière d'accueil des réfugiés, de la part d'États de la région qui pourtant ont eux-mêmes bien peu... Le Bureau élargi de l' AP-UpM a pour sa part publié un appel, « l'Appel d'Amman sur la situation des réfugiés syriens » du 9 février 2014, dans lequel notamment il demande à l'Europe et à la communauté internationale de faire preuve de plus de solidarité pour un accueil de réfugiés qui garantisse leurs droits et leur dignité.

M. Martin Schulz, en sa qualité de Président du Parlement européen, a remercié la Jordanie d'accueillir un nombre de réfugiés syriens représentant plus de 10% de sa population. Il a souligné que si l'Allemagne faisait un effort comparable, ce sont plus de 8 millions de réfugiés qu'elle devrait accueillir...

Le frère du Roi Hussein de Jordanie, le Prince Al-Hassen Ben Talal, a tenu à s'exprimer également devant l' AP-UpM. Dans son discours, il a souligné qu'aujourd'hui il lui faut gérer les diverses répercussions des afflux de populations, en particulier pour l'approvisionnement en eau, denrée très rare dans la région.

Voilà, chers collègues, l'aperçu des travaux de l' AP-UpM que Bernard Deflesselles et moi-même souhaitions vous présenter. Je souhaiterais ajouter deux remarques finales. La première concerne la défense de la langue française. J'ai à un moment choisi de quitter la réunion, constatant qu'un intervenant de nationalité française nous faisait un exposé en anglais, alors qu'un système de traduction multilingue était assuré. Peut-être avez-vous l'occasion de constater des dysfonctionnements semblables dans les instances de l'Union européenne, alors même que la langue française y est officiellement langue de travail.

Je pense qu'il nous faut aujourd'hui rester particulièrement vigilants et réactifs, si l'on souhaite éviter que la langue française ne perde définitivement la place qui devrait théoriquement rester la sienne au sein des instances européennes et internationales.

Ma seconde remarque finale mériterait un colloque : l'Union pour la Méditerranée est une très bonne idée si elle est centrée sur la Méditerranée. Or elle est très ouverte à l'Union européenne, y compris à ses États du nord dans lesquels le prisme méditerranéen n'est pas très exacerbé. Il me semble qu'il faudrait plutôt un dialogue plus direct entre les pays latins et les pays méditerranéens même si cela n'exclut pas d'autres solidarités. Nous aurions intérêt à éclairer nos gouvernements sur l'intérêt d'une reformulation d'une ambition méditerranéenne resserrée sur des objectifs plus pragmatiques et plus efficaces.

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