Intervention de Michel Bouchaud

Réunion du 16 avril 2014 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Michel Bouchaud, proviseur du lycée Louis le Grand, président de l'Association des proviseurs des lycées ayant des classes préparatoires aux grandes écoles :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je me réjouis profondément que la représentation nationale s'empare du sujet des CPGE, qui revient souvent sur le devant de la scène, pour en débattre dans un climat serein.

Spécificité de notre pays, les classes préparatoires ont vocation à assurer les deux premières années de l'enseignement supérieur et conduisent principalement aux grandes écoles, mais aussi à l'université. Historiquement, elles sont nées d'une nécessité, l'université s'étant révélée incapable de s'ouvrir aux disciplines modernes ou à la modernité dans la discipline. D'où la naissance du Collège de France à la Renaissance, puis l'apparition des grandes écoles scientifiques, destinées à assurer la formation des cadres dont le pays avait besoin.

Les classes préparatoires ont beaucoup changé ces dernières années. Il y a encore vingt ans, elles étaient assez peu ouvertes. Or leur nombre s'est multiplié ; elles ont été créées notamment dans les villes de province où l'université n'est pas présente. Elles accueillent aujourd'hui plus de 40 000 étudiants, pratiquement le double de l'effectif du début des années quatre-vingt.

Les classes préparatoires sont majoritairement dans les lycées, mais il en existe au sein des universités et il y en a aussi au sein des grandes écoles. Elles constituent une des filières sélectives d'entrée dans l'enseignement supérieur aux côtés des instituts universitaires de technologie (IUT), des sections de techniciens supérieurs (STS) et des grandes écoles en cinq ans. En deux ans, elles dispensent à leurs étudiants 1 800 heures d'enseignement, contre 1 500 heures pour une licence obtenue en trois ans. Il faut s'en souvenir quand on compare les coûts. Cet écart montre combien les étudiants des CPGE sont encadrés et le rythme d'enseignement soutenu.

Les classes préparatoires ont-elles pour vocation d'intégrer une élite dans l'enseignement supérieur ? Si les mots ont un sens, et sachant que les classes préparatoires ne recueillent pas à elles seules les meilleurs élèves des lycées – les secteurs de la santé et du droit les attirent aussi –, avec 40 000 élèves, on ne peut plus parler d'élite. Les classes préparatoires ont élargi leur recrutement même si elles propulsent encore certains étudiants vers les institutions les plus reconnues au plan international.

Elles ont une organisation spécifique, les enseignements sont donnés par blocs placés sous la responsabilité d'un professeur. De ce fait, l'enseignement n'y est pas partagé mais responsabilisé. En outre, les professeurs sont expressément habilités à enseigner en classe préparatoire et contrôlés par l'inspection générale de l'éducation nationale. Enfin, ces classes sont administrées principalement dans des lycées où elles trouvent un contexte favorable à la collégialité des échanges qui précèdent les décisions d'ordre stratégique pour gagner en efficacité.

Les étudiants sont fortement encadrés, ce qui ne signifie pas qu'ils ne goûtent pas à l'autonomie. Le « gavage d'oies », tant décrié par les journalistes, est un leurre. Un étudiant soumis à un simple « gavage » n'aurait aucune chance de réussir ni aux concours, ni à l'université.

Pour compléter ce qui vient d'être dit, il faut savoir que nos classes sont « graduées ». En effet, grâce notamment à la procédure d'admission post-bac, nous construisons, au plan national, différents profils de classes au niveau relativement homogène, en contrepoint de l'hétérogénéité, un autre leurre, que l'on s'évertue à prôner dans les collèges et les lycées. Dans une classe, un niveau trop hétérogène empêche de s'occuper correctement de ceux qui ont le plus de difficultés et de ceux qui ont le plus de facilité.

La méthode a quelque vertu pour détecter les talents, ce qui contribue à l'égalité des chances. Aujourd'hui, on trouve dans les classes préparatoires près de 30 % de boursiers, une proportion multipliée par deux en dix ans. Certes, cette évolution tient aussi à l'assouplissement des conditions d'accès aux bourses d'enseignement supérieur et à la sévérité de la crise économique, mais les classes préparatoires reflètent désormais une véritable diversité sociale. Dans le lycée que je dirige et qui est l'un des plus en vue, le taux de 30 % de boursiers en classe préparatoire est allègrement dépassé.

Les classes préparatoires offrent un modèle de réussite. Peut-être trouverez-vous cela normal dans la mesure où nous choisissons nos élèves. Mais n'oubliez pas que les classes préparatoires sont graduées. Chacune ne contient pas le même pourcentage de futurs Polytechniciens… Le fait de pouvoir choisir des étudiants en fonction des études auxquelles on souhaite préparer est un argument en faveur d'un modèle qui entraîne la réussite des étudiants. Mieux vaudrait-il sans doute le généraliser qu'aller à son encontre.

Les classes préparatoires constituent, de surcroît, un modèle que nous sommes prêts à faire encore évoluer. Ces vingt dernières années, la composition des classes a fortement changé, les objectifs aussi. Il faudra encore, avec l'aide des écoles elles-mêmes, accroître la fluidité des parcours des étudiants et jeter des ponts avec l'université par le biais des conventions. Ces dernières sont désormais prévues par la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche mais elles l'étaient déjà par un décret de mai 2007. Il est important qu'elles soient conclues entre égaux responsables de formations supérieures.

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