Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de me donner l'occasion d'exposer mon travail de chercheure qui se veut une approche pragmatique d'un système de formation. Il ne constitue ni une défense ni un réquisitoire. Je me suis appuyée sur deux recherches universitaires menées notamment avec Yves Dutercq, qui ne sont pas focalisées sur les grands établissements auxquels on réduit souvent le monde des classes préparatoires. Nous avons travaillé auprès d'un ensemble varié de lycées à classes préparatoires, en province notamment.
Nous y avons rencontré une population spécifique de bons élèves, aux bonnes performances scolaires, exprimant des ambitions professionnelles, mais qui n'étaient pas pour autant des héritiers. Notre public était très hétérogène puisque les élèves appartenaient à la fois aux classes populaires, aux classes moyennes et aux classes supérieures. On a longtemps cru que le modèle des classes préparatoires était purement élitiste, conçu pour accompagner la réussite quasi programmée d'élèves bénéficiant de tous les avantages sociaux, familiaux et scolaires. Or les enquêtes montrent que les conditions d'études offertes dans ces filières sont tout aussi propices à la réussite d'élèves moins sélectionnés socialement et scolairement.
La finalité première des classes préparatoires est évidemment la préparation aux concours des grandes écoles, mais elles ont d'autres préoccupations. Elles privilégient l'acquisition d'une culture générale ; elles permettent aux jeunes de retarder le plus longtemps possible le moment de leur orientation, en leur offrant des perspectives professionnelles diverses et attrayantes. Les étudiants y trouvent un cadre de travail propice à la consolidation de leur formation au lycée et à la construction progressive d'un projet réaliste.
Le cadre est celui de l'enseignement secondaire, ce qui signifie un nombre élevé d'heures d'enseignement, des devoirs écrits et des interrogations orales réguliers, un encadrement rapproché par des professeurs impliqués et attentifs. Les classes préparatoires et, à travers elles, les enseignants, qui ont su adapter leurs méthodes pédagogiques, accueillent une population nouvelle de bons élèves, motivés, intéressés, mais fort éloignés du modèle d'excellence, et leur apprennent à travailler avec efficacité et méthode. Elles permettent aux préparationnaires d'acquérir des compétences déterminantes sur le marché du travail : avoir confiance en soi, connaître ses limites, savoir se mobiliser pour faire quelque chose de sa vie, être rigoureux et constant, s'exprimer avec aisance et assurance, se donner ses objectifs et, surtout, les définir en fonction du temps dont on dispose.
Il ressort de notre étude de terrain que le système marche, mais on peut regretter qu'il ne bénéficie pas plus aux enfants issus des milieux modestes et qu'il continue d'être réservé à une demi-élite sociale. Il faudrait savoir ce qui se cache derrière le chiffre de 30 % de boursiers. Il y a tout de même 55 % des élèves dont le père est cadre, chef d'entreprise, professeur ou membre d'une profession libérale, malgré les efforts d'ouverture sociale.
On peut aussi parler d'inégalités scolaires. Ainsi, on trouve en classe préparatoire 55 % d'élèves ayant obtenu une mention bien ou très bien au baccalauréat général, contre 9 % parmi les bacheliers scientifiques.
Par ailleurs, même si la part des filles progresse, elles ne sont encore que 42 %.
Il y a enfin les inégalités territoriales : près du quart des départements français reste dépourvu de classes préparatoires aux grandes écoles, tandis que Paris, Lille et Lyon accueillent à elles trois 45 % de ces élèves.
Les chiffres demeurent très globaux et recouvrent une grande diversité de situations, mais, globalement, même s'il s'est élargi, le vivier des classes préparatoires reste limité et correspond au public traditionnel de l'enseignement général, c'est-à-dire aux enfants des classes sociales supérieures et du segment supérieur des classes moyennes.
Il ne faut pas nier pour autant le fort accroissement des effectifs ces dernières années : + 11 % entre 2001 et 2007, mais ce pourcentage est aussi celui observé dans l'enseignement supérieur.
La diversification du public, qui est bien réelle, renvoie à la segmentation existant au sein des classes préparatoires aux grandes écoles. Les plus prestigieuses restent l'apanage des enfants des milieux les plus favorisés, comme l'atteste le recrutement dans les grands lycées parisiens, tandis que les autres classes préparatoires se présentent souvent comme une alternative à l'université, recherchée par tous ceux qui disposent d'un niveau scolaire convenable à la sortie du secondaire et d'un niveau suffisant d'information et de conseil.