Intervention de Sandrine Doucet

Réunion du 16 avril 2014 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Doucet :

À écouter vos exposés divers et riches, madame, messieurs, je me disais qu'indépendamment du mouvement de protestation des professeurs des classes préparatoires, nous aurions eu, de toute façon, l'occasion de nous rencontrer autour de la question des classes préparatoires. Finalement, les événements que je viens d'évoquer ont été l'occasion de redécouvrir, ou de faire connaître au grand public le fonctionnement des CPGE, dans toute leur diversité.

Une observation plus fine montrerait que les classes prépas avaient déjà été placées sous les feux de l'actualité dans une atmosphère tendue au moment de la discussion du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et la recherche. En effet, si les CPGE ne se sont pas opposées au développement de conventions de partenariat, elles auraient souhaité être mieux associées aux assises préparatoires de ce texte et à leur comité de pilotage.

Au-delà de ces péripéties, les classes préparatoires et, avec elles, les grandes écoles sont couramment taxées de conservatisme, d'élitisme. Ce seraient les caractéristiques dominantes de ces créatures héritées du Directoire, dans lesquelles Boissy d'Anglas voyait un creuset de « la République des meilleurs », c'est-à-dire de la République bourgeoise.

Dernièrement, le Bureau national des élèves ingénieurs a souligné une disparité sociale importante du recrutement, à l'avantage des élèves issus de familles de cadres supérieurs ou d'enseignants qui représentent 56 % des élèves, contre 13 % seulement d'enfants d'ouvriers ou d'employés. Même si, en décembre dernier, les professeurs évoquaient leur mission républicaine en mettant en avant le nombre important de boursiers dans les CPGE – 27, 8 % en 2014 contre 19 % en 2007 –, on note en 2013 une stagnation de ce pourcentage aux concours des écoles de commerce ou de gestion regroupés dans la banque d'épreuves ECRICOME, et même une baisse à l'entrée des écoles vétérinaires, où les boursiers sont tout de même 60 %.

Les élèves ingénieurs déplorent également le manque de places d'internat, malgré l'effort des régions, – 13 000 places pour 40 000 étudiants – ce qui introduit un critère de sélection supplémentaire.

On dénonce aussi les vestiges du centralisme puisque, en 2012, 82 % des candidats reçus à HEC et 70 % à Polytechnique venaient de lycées franciliens.

On reproche encore aux classes préparatoires leur coût. Nous avons eu à débattre cet hiver du salaire supposé ou réel des 8 000 professeurs, du paiement des heures de « colle » : 23 000 euros pour 950 élèves dans un des plus grands lycées.

Mais il serait injuste d'évoquer les CPGE à la seule lumière de ces données, surtout à l'égard des élèves. Car ils aiment leurs classes prépas et pas seulement parce qu'ils sont promis à un bel avenir. Ils apprécient la qualité des enseignements, liés à la formation et au travail de leurs enseignants. Ils sont fiers du défi intellectuel qui leur est posé et ils sont favorables à l'évolution de l'enseignement : les conférences données, les colles collectives et les expérimentations menées dans un souci de démocratisation, telles les « cordées de la réussite », longuement évoquées dans le cadre du travail du Comité d'évaluation et de contrôle de notre assemblée sur les politiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes et qui concernent 2 000 établissements et 50 000 élèves. Des classes ont été ainsi ouvertes dans des banlieues défavorisées, montrant leur capacité à dénicher les talents et à faire fonctionner encore l'ascenseur social. On peut aussi parler de la concurrence des instituts universitaires de technologie dans le recrutement des meilleurs élèves. Ainsi les « prépas » évoluent dans un souci de réussite républicaine, pour contribuer à l'un des enjeux les plus difficiles à concevoir, la formation d'une élite, mais d'une élite républicaine.

L'évolution concerne aussi le statut des professeurs. Comment, ainsi que le souligne un syndicat d'enseignants, peut-on demander son rapprochement avec celui en vigueur à l'université dans le cadre de la loi « ESR », tout en calant la définition des services sur ceux du secondaire ?

À l'heure de l'amplification des mobilités étudiantes et de la mondialisation, notre modèle demande une adaptation sans qu'il faille y voir, une fois de plus, la volonté de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche de favoriser l'université. Le but est bien de gagner en visibilité à l'international, en lisibilité vis-à-vis des élèves et en démocratisation du recrutement, en conformité avec la stratégie européenne pour 2020.

Madame, messieurs, le groupe socialiste se demande comment s'écrira le XXIe siècle des CPGE dans un système de plus en plus européen et mondialisé ?

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