Madame, messieurs, nous nous réjouissons d'évoquer avec vous les missions et les spécificités des classes préparatoires et vous nous apportez un éclairage qui a sans doute manqué à la fin de l'année 2013, lorsque, assez imprudemment, le précédent ministre de l'éducation nationale avait eu le projet de réformer les conditions de travail et de rémunération des enseignants des classes préparatoires.
Il a suscité deux types de réaction. Tout d'abord, nous avons entendu s'exprimer, parfois de façon hargneuse, certaines idées reçues, voire des stéréotypes, relayés au plus haut niveau de l'État, mettant l'accent sur l'élitisme, la sous-représentation des classes populaires, le coût de la scolarité, la rémunération des enseignants que viennent bonifier des heures supplémentaires. D'un autre côté, les quelque 8 000 enseignants ont, dans une grande majorité, réagi avec une rare fermeté à la réforme du gouvernement, avec le soutien de leurs élèves, et pas seulement pour protéger des avantages acquis, encore que d'être privé de 15 à 20 % de sa rémunération puisse légitimement choquer les intéressés. Surtout, ils ont été blessés d'être traités de privilégiés. C'était bien ce que sous-tendait l'idée de flécher les économies réalisées vers les zones défavorisées, comme si les moyens publics consacrés à la formation d'une élite intellectuelle, dont aucun pays ne songerait à se passer, étaient prélevés sur les moins favorisés socialement. Une telle démarche a blessé, et même révolté.
Voici l'extrait d'une lettre adressée à tous les députés de Franche-Comté par des professeurs de classe préparatoire de Besançon, une formation de proximité : « En procédant ainsi, le ministre donne l'impression de vouloir dresser les professeurs les uns contre les autres, de désigner à la vindicte populaire de pseudo-nantis. Des chiffres absurdes ont été lancés dans le débat public : les décharges des professeurs de classe préparatoire correspondent à une charge de travail bien réelle. Il n'y a là nul privilège de caste. On attend notamment d'un professeur de classe préparatoire qu'il puisse fournir efficacement une grande quantité de travail. Les programmes se renouvellent, et ce tous les ans dans certaines matières. Les copies sont longues, denses. Nous avons le souci de faire réussir nos élèves et ils réussissent. »
Sur la question de l'élitisme social, je cite le témoignage de l'un de ces professeurs : « À titre personnel, je suis le vivant exemple du rôle d'ascenseur intellectuel et social que jouent les prépas. Le niveau d'études de mes parents ne me prédestinait pas à intégrer Louis le Grand et à réussir l'agrégation de lettres du premier coup. C'est la rencontre avec des professeurs véritablement exceptionnels, dont Xavier Darcos, tant dans leur expertise que dans leur investissement à nos côtés, qui m'a permis de grandir et d'acquérir une culture qui me porte aujourd'hui encore. Actuellement, j'enseigne à mon tour en classe prépa, et tente de rendre à mes étudiants, souvent d'origine modeste – 40 % de boursiers chez nous – ce que j'ai reçu de l'école républicaine. Je gagne 3 000 euros par mois, auxquels s'ajoutent 200 euros pour les colles. En toute sincérité, je travaille comme une brute : soirées, week-ends et vacances comprises. Je ne me plains pas car mon métier me passionne, mais ce projet insultant et démagogique se traduirait pour moi par une charge de travail encore plus grande et qui, pour tout dire, deviendrait insoutenable. Je songe d'ailleurs sérieusement à repartir en lycée. »
L'injustice était telle qu'elle a eu raison de cette réforme. Ces témoignages, comme tous ceux qu'on a lus dans la presse, révèlent une réalité bien différente de la caricature à laquelle certains, non sans démagogie, se sont livrés. Quiconque a approché le travail d'un prof de prépa a constaté les bienfaits de la « pédagogie du proche », selon les termes de l'ouvrage de Mme Daverne. Il sait la richesse de la relation maître-élève en classe préparatoire, cette exceptionnelle relation de confiance, cette émulation qui conduit au dépassement, cette liberté d'être un bon élève – quand tant de jeunes sont qualifiés d'« intello » en lycée et moqués pour leurs performances scolaires ! –, cette formation à l'excellence dont profite utilement toute la société. Tout cela doit être encouragé et développé.
Du reste, les effectifs progressent régulièrement et sensiblement.
Il est singulier que, dans l'obsession égalitariste qui a cours partout, ce soit dans les colonnes du journal L'Humanité que l'on trouve une défense intelligente et pondérée des classes prépas avec un titre qui invite à aller vers le haut : « Et si l'université apprenait des classes préparatoires ? ».
Tout cela est précieux et il faut le protéger. On a parfois dans notre pays le fâcheux réflexe de soupçonner dans ce qui marche bien quelque turpitude cachée. Il faut sans doute rendre plus accessibles les classes prépas sans en affaiblir l'exigence, peut-être en les faisant mieux connaître car l'accès à l'information sur ces filières reste très inégal, et en faisant mieux connaître la spécificité de ces formations, dont nous avons tout lieu d'être fiers.
En conclusion, le groupe UMP vous demande quels sont les enseignements que vous avez tirés des événements de la fin 2013 ? Comment faire pour éviter qu'ils se reproduisent ?