Intervention de Anne-Yvonne Le Dain

Séance en hémicycle du 29 avril 2014 à 21h30
Activités privées de protection des navires — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Yvonne Le Dain, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par une brève citation d’Edward Elliott et Terry Rossio : « Un bateau, c’est ça vous savez, ce n’est pas une quille, une coque, un pont, un moteur ou des voiles, ils en ont tous ; un vrai navire, c’est une liberté. » En effet, c’est une liberté, celle de commercer et transporter. Aujourd’hui, 90 % des produits transitent dans le monde par voie maritime. Il en va donc de la liberté de travailler sans être attaqué et subir aucune violence physique ni mise en péril des personnes, des biens, des cargaisons et des navires, ni payer ensuite des assureurs en raison des dégâts sur les personnes et les biens et des pertes, des naufrages et des drames humains, économiques et nationaux. Les îles de la Sonde, le golfe de Guinée plus récemment et l’espace Aden-Arabie-Somalie sont des espaces stratégiques de plus en plus soumis à la piraterie.

Celle-ci constitue une menace ancienne dans l’histoire maritime de notre pays. Aujourd’hui, 40 % des bateaux des armateurs français naviguent sous pavillon étranger faute d’être autorisés à recourir à une protection armée à bord, ce que proposent en droit la plupart des pays européens et en fait des pays comme la Grande-Bretagne, Israël et les États-Unis d’Amérique, contrairement à la France. Certes, dans certains cas importants, la marine française se donne la possibilité, sous l’autorité de M. le Premier ministre, de soutenir et accompagner nos navires lorsqu’ils transportent des marchandises avec des plats-bords normaux et responsables. Cependant, même si nous assurons une telle protection par voie et décision de M. le Premier ministre, dès lors que le commerce maritime s’identifie de fait au commerce mondial, il convient que la France autorise des entreprises françaises et européennes à faire monter à bord des équipes armées.

Pour la commission des lois que je représente ici, la question de l’armement est essentielle, tout comme celle de l’ordre de tirer et de l’emploi de la force. Notre droit comporte deux principes fondamentaux, la légitime défense et l’autorité du capitaine à bord. Le choix très sage opéré par le Gouvernement en la matière attribue la responsabilité d’ouvrir le feu et de porter le fer à la personne qui se sent attaquée et menacée. Pour autant, le texte propose un encadrement juridique très strict. La responsabilité de l’individu est assortie d’un cadrage important de la nature, de l’autorité, de l’origine et du compte rendu de l’usage de la force. Quant aux armes, elles devront être acquises sur le territoire de l’Union européenne, ce qui n’est pas anodin. Il s’agit évidemment d’éviter tout trafic. Elles ne pourront donc pas être revendues hors du territoire de l’Union européenne.

En matière d’emploi de la force, le texte s’inscrit dans le cadre de l’article L. 122-5 à L. 122-7 du code pénal qui fixe le concept de légitime défense, en particulier de sa nécessité. Le capitaine a autorité en droit sur toute personne et peut employer tout moyen de coercition, mais nous introduisons là un concept nouveau selon lequel le danger ressenti par la personne autorise à ouvrir le feu. Il s’agit d’un changement considérable qui n’a rien d’anodin. À l’heure actuelle, 70 % des demandes formulées auprès de M. le Premier ministre, donc de l’Amirauté sont acceptées par la Marine nationale. Ce n’est pas suffisant, ce n’est pas 100 % et mes collègues ont indiqué le nombre de graves incidents et de drames humains qui ont lieu chaque année dans le monde, près de 300, ce qui est considérable. Cela concerne 12 500 marins sous pavillon français.

Dans cet esprit, nous pensons à eux, à nos marchandises, à nos armateurs, à notre économie et à la défense du drapeau français. J’ai rappelé que 40 % de nos bateaux ne naviguent pas sous pavillon français afin de faire usage de personnes armées. Il s’agit donc non seulement d’oeuvrer à la création d’emplois mais également de ramener des bateaux sous pavillon français, disons-le clairement. Tel est, en bref, l’enjeu de la loi. Il n’est pas anodin, il est même extrêmement important et c’est un travail aussi beau que nécessaire qui a été accompli, monsieur le ministre.

La commission des lois s’est réunie le 26 avril dernier et a déposé des amendements, dont un de coordination. Vous nous avez rassurés au sujet des règles applicables aux armes et à l’usage de la force en nous précisant que les conditions d’acquisition, de détention, de transport et de mise à disposition des armes seront établies par décret en Conseil d’État. Vous nous avez précisé également l’impossibilité d’en fournir par voie clandestine.

L’usage de la force est déterminé et l’autorité du capitaine trouve une limite cohérente avec le principe de légitime défense. La notion de décision éminemment personnelle de la personne amenée à tirer constitue un élément de droit aussi nouveau qu’essentiel. Le sujet de la carte professionnelle a également été abordé et nous avons été rassurés. Il ne s’agira pas d’une carte à proprement parler mais plutôt d’une dématérialisation de numéros identifiant des personnes ayant témoigné clairement de leur compétence et de leur capacité validée par l’administration française. Cela est essentiel, car la notion de carte professionnelle nous paraît tout à fait pertinente. Qu’elle soit dématérialisée n’empêche pas qu’elle comporte les insignes tricolores si par hasard elle prenait la forme d’un document quelconque.

Enfin, comme l’a souligné M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense, il serait illogique que certains fonctionnaires de police ou de gendarmerie ne puissent faire état de leur fonction alors que ceux des douanes ou de l’administration pénitentiaire le peuvent. Nous en discuterons ce soir.

Il s’agit en tout cas d’un texte important qui contribuera à l’économie de notre pays, à la reconnaissance de la valeur de notre personnel de sécurité, de nos armées et plus généralement de la formation qu’ils ont reçue avant de passer dans le civil, ce que font beaucoup d’entre eux. Je les salue et les remercie de leur professionnalisme.

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