Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, très attendu par les armateurs, le projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires que nous examinons aujourd’hui a été retardé. Néanmoins, nous saluons son examen ce soir.
À l’issue de nos travaux en commission, ce texte a été très largement amélioré, notamment grâce aux amendements présentés par le rapporteur de la commission saisie au fond, Arnaud Leroy, qui ont répondu à la plupart de nos interrogations et ont levé les ambiguïtés contenues dans le projet de loi initial du Gouvernement. Il fait désormais l’objet d’un important consensus puisqu’il a été adopté en commission des lois et en commission de la défense nationale – je salue le travail de ces deux commissions saisies pour avis – ainsi qu’à l’unanimité de la commission du développement durable, saisie au fond.
Les membres du groupe UMP se sont, de surcroît, montrés largement favorables à une adoption et à une mise en oeuvre rapide de ce texte. Je crois que nous avons très largement contribué à l’amélioration, aux discussions et aux travaux en commission.
En effet, 90 à 95 % du transport mondial des marchandises est actuellement assuré par le fret maritime. Dans notre pays, la marine marchande emploie environ 12 500 navigants français, 3 000 navigants étrangers et 8 500 personnes sédentaires.
De plus, notre pavillon français hissé à l’arrière d’un navire et flottant aux vents participe indéniablement à l’image et à la représentativité de la France dans le monde.
Alors que l’on pensait la piraterie réduite voire même cantonnée à des films à grand succès, cette forme de banditisme pratiquée sur la mer est réapparue à la fin du XXe et au début du XXIe siècle sous une forme nouvelle, plus moderne et malheureusement plus violente. Le nombre d’attaques de navires n’a cessé, depuis ces dernières d’années, d’augmenter dans certaines parties du globe, en particulier dans le golfe d’Aden, au large des côtes somaliennes et dans l’océan Indien. Selon le Bureau maritime international, plus de deux cents attaques ont été recensées depuis le début de l’année 2013, toutes zones géographiques confondues.
Au-delà de la recrudescence d’actes de piraterie observée depuis quelques années, le modus operandi de ces nouveaux forbans a nettement évolué. Ils utilisent fréquemment des bateaux mères, ciblent davantage les navires croisant très au large des côtes mais aussi certains navires exposés en raison de leurs caractéristiques nautiques tels que les portes containers et les thoniers, et retiennent souvent en otage l’équipage jusqu’au versement d’une rançon.
La multiplication de ces actes de piraterie fait peser un danger constant et réel sur les femmes et les hommes à bord de ces navires. En effet, certaines prises d’otages ont malheureusement tourné au drame, entraînant parfois la mort d’un ou plusieurs membres de l’équipage. Elles ont également marqué fortement l’opinion publique, les entreprises et les armateurs, ainsi que les familles, bien évidemment.
Depuis plusieurs années, des progrès ont été accomplis dans la lutte contre la piraterie, grâce principalement à l’engagement des pays d’Asie du Sud-Est, des États-Unis, de la Russie, du Japon et de la France. Les gouvernements qui se sont succédé à la tête de notre pays se sont également joints à cette démarche – je viens de le préciser – en participant activement à l’opération européenne Atalante. Cette mobilisation et cette coopération internationales ont ainsi permis d’améliorer efficacement la situation dans certaines parties du globe, même si des difficultés subsistent en raison de la taille des zones maritimes à contrôler et de la sensibilité de certaines d’entre elles – je pense aux mers d’Afrique, et plus particulièrement au golfe de Guinée.
Pour que nous soyons efficaces, il est aujourd’hui nécessaire d’autoriser le recours à des forces de sécurité privées. Notre pays ne dispose, en effet, ni des moyens de placer des équipes d’agents du GIGN ou de l’armée sur l’ensemble des navires traversant ces zones, ni de la possibilité d’organiser des convois. Comme le souligne l’exposé des motifs du projet de loi, l’État ne peut répondre favorablement qu’à 70 % des demandes reçues chaque année. C’est déjà une sacrée performance !
Face à ce constat et à l’impossibilité pour notre pays de répondre positivement aux demandes formulées par les armateurs, nous sommes tous d’accord sur le même principe : il nous faut recourir à des entreprises privées de sécurité, plus réactives, afin de garantir la sécurité du transport maritime. Cette solution, très attendue par les professionnels du secteur de la marine marchande, permettrait aussi de préserver l’attractivité et la compétitivité du pavillon français ; elle limiterait corrélativement les risques de dépavillonnement.
Néanmoins, le projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires, tel qu’il a été présenté en conseil des ministres le 3 janvier dernier, a soulevé de nombreuses interrogations sur les bancs du groupe UMP.
Nos principaux doutes ont porté sur la définition des zones à l’intérieur desquelles les activités de protection pourraient s’exercer. Il était tout simplement inadapté de fixer par décret les zones de piraterie en raison des menaces encourues. Ces zones sont particulièrement fluctuantes, et il est donc inapproprié de vouloir les cartographier une bonne fois pour toutes dans un texte qu’il serait ensuite difficile de modifier rapidement. Nous le savons tous, les actes de piraterie sont rarement commis dans des zones précises, et une classification par décret ne permettrait donc pas d’intégrer les nouvelles zones à menaces émergentes.
De plus, il ne nous paraissait pas judicieux d’encadrer de façon trop restrictive l’activité des agents de protection, ainsi que les armes dont ils pouvaient disposer. L’installation d’une caméra à bord du navire, disposition qui avait également été proposée dans un amendement en commission des lois, ne nous semblait pas adaptée non plus. Ces différentes restrictions auraient nécessairement désavantagé les entreprises françaises face aux entreprises étrangères, car d’autres pays ont déjà pris des initiatives en matière de protection de leur marine marchande.
Avec mes collègues du groupe UMP, nous avons constamment formulé ces nombreuses observations lors de nos travaux dans les commissions des lois, de la défense nationale et du développement durable. Elles ont été entendues et prises en compte par Mme et MM. les rapporteurs, dont je salue ici le travail et l’implication. Les soixante-treize amendements déposés et portés par le rapporteur en commission du développement durable ont indéniablement amélioré le projet de loi et apporté des avancées sur de nombreux points ambigus du texte initial.
À l’article 9, l’interdiction de faire état, dans les documents contractuels ou publicitaires d’une entreprise privée de protection des navires, de la qualité d’ancien fonctionnaire de police ou d’ancien militaire de l’un des dirigeants ou agents de l’entreprise a été supprimée. Les députés du groupe UMP ont fortement soutenu cet amendement, qui répond en partie à notre préoccupation : nous redoutions en effet que le projet de loi initial pénalise les entreprises françaises et qu’il crée sans le vouloir les conditions d’une concurrence déloyale.
Autre avancée majeure du projet de loi, que nous saluons : la nouvelle rédaction de l’article 18. Après avoir affiché son souhait de limiter le recours aux décrets d’application, qui était – il faut bien le reconnaître – récurrent dans le projet de loi du Gouvernement, le rapporteur a proposé l’instauration d’un comité réunissant des représentants des armateurs, de la marine nationale, du ministère chargé des transports et de celui des affaires étrangères. Ce comité se réunirait à la demande de l’un de ses membres, dans le but d’évaluer l’opportunité d’une redéfinition des zones dans lesquelles le recours à une société privée de protection des navires est autorisé. Il conviendrait d’ailleurs d’encadrer cette disposition, en prévoyant un délai maximal pour la réunion de ce comité – j’avais déjà fait cette remarque en commission. Nous sommes convaincus que cette mesure permettra une certaine réactivité que ne pouvait pas assurer un décret, dont la rédaction peut prendre plusieurs mois, monsieur le secrétaire d’État.
Comme je l’ai souligné en commission du développement durable, il est nécessaire de parfaire cette mesure. Compte tenu du caractère d’urgence que peut revêtir l’évolution d’une zone de piraterie, il convient de fixer un délai, de deux ou trois mois, pour que le comité se réunisse une fois la saisine demandée par l’un de ses membres. Il ne faudrait pas que la disposition permettant de remédier à la longueur d’élaboration d’un décret aboutisse à un délai encore plus long que celui caractérisant la procédure qu’elle vise à contourner ! Nous sommes-nous bien compris, monsieur le secrétaire d’État ?