Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame, messieurs les rapporteurs, chers collègues, depuis la loi du 22 mars 2007 établissant la responsabilité du ministère de la défense dans la protection du trafic maritime, l’évolution de la menace que représente la piraterie et la modification des réponses apportées au niveau international nous ont conduits à évoluer, nous aussi, sur la question des activités privées de protection des navires.
Alors que le recours à des entreprises privées de protection des navires est possible dans la plupart des grands États maritimes de l’Union européenne, les enjeux de sécurité et la concurrence internationale ont, effectivement, rendu indispensable cette adaptation de notre régime juridique.
Cette évolution, annoncée à l’occasion du comité interministériel de la mer qui s’est tenu en décembre dernier est une condition, un levier indispensable à la compétitivité du pavillon français, qui représente environ 600 navires pour notre marine marchande.
Si les récents chiffres indiquent une baisse des attaques de piraterie par rapport à 2011, l’ampleur et les conséquences de ce phénomène ne doivent pas être sous estimées.
Cette évolution est dictée par la nécessité de renforcer la sécurité des hommes, des biens et des navires, indispensable dans les zones les plus exposées à la piraterie, mais également par l’impact économique considérable de ce phénomène sur l’ensemble de la planète.
Le Bureau maritime international estime le coût des marchandises volées en 2012, uniquement dans le golfe de Guinée, dans une fourchette certes large, entre 34 et 100 millions de dollars. Mais au-delà des conséquences directes des actes de pirateries, les retentissements économiques sont multiples.
Doivent ainsi être pris en compte les surcoûts qui découlent du déroutement des navires ; les dépenses de carburant dues à l’accélération dans certaines zones à risque ; les surprimes d’assurance ou encore les marchés qui échappent aux compagnies françaises en raison de l’aléa relatif au fait de se voir attribuer ou non une équipe de protection embarquée.
Alors que 90 % du transport de marchandises se fait par voie maritime, il est
effectivement devenu impératif d’adapter notre législation à ces contraintes et de permettre à la France de développer une offre dans le marché de la protection des navires, à l’instar d’autres puissances maritimes européennes comme les Pays-Bas, l’Italie et la Grande-Bretagne.
La réticence originelle de la France vis-à-vis de ces activités privées de protection a imposé le temps de la réflexion nécessaire à ce virage culturel, et fait de nous l’un des derniers pays européens à légiférer. Un virage culturel indispensable au regard de la nécessité de s’aligner sur les autres puissances maritimes européennes qui autorisent le recours à ces activités.
Car si l’organisation des équipes de protection embarquées a été jugée exemplaire dans le rapport des députés Viollet et Ménard sur les sociétés militaires privées, publié en février 2012, seuls 70 % de la trentaine de demandes de protection reçues chaque année reçoivent une réponse positive. Je précise à ce propos que les fins de non-recevoir s’expliquent principalement par les contraintes diplomatiques qui ne permettent pas de couvrir certaines zones, et non par le manque d’équipes disponibles.
Alors que nous nous apprêtons à entériner cette évolution législative, je constate que les nombreux travaux qui ont précédé ce texte, ont participé à cette évolution culturelle et à l’ébauche d’une solution adaptée et équilibrée, une solution qui permet d’offrir l’alternative indispensable aux armateurs de navires battant pavillon français en matière de sécurité ; une solution qui permet aux entreprises françaises de se positionner sur ce marché. Positionnement qui devrait aboutir à la création de plus de 300 emplois et surtout, une solution qui garantit le cadre juridique indispensable au contrôle effectif de ce dispositif.
Car si la crainte du développement d’une activité de mercenaire se rapproche du fantasme, la définition précise et la limitation des activités de protection sont les préalables indispensables à toute évolution sur le fait d’autoriser ce recours à de véritables entreprises de services de sécurité et de défense.
Les travaux de la commission ont d’ailleurs été féconds sur ces points et les différentes propositions de l’excellent rapporteur Arnaud Leroy ont permis ainsi de parvenir à un meilleur équilibre entre l’encadrement effectif des activités de protection privée et la nécessité de soutenir l’offre française en la matière.
Ils ont également permis d’encadrer la responsabilité juridique des officiers de la marine marchande, de garantir aux pirates le droit fondamental à un procès équitable, ou encore d’améliorer le fonctionnement administratif du Conseil national des activités privées de sécurité.
Par ailleurs, nous devons saluer la limitation du recours aux décrets qui découle également des travaux en commission et qui devrait permettre une entrée en vigueur rapide de ce texte. Car si le temps de la préparation et de l’évolution culturelle était, certes, indispensable, nous avons la responsabilité de donner rapidement les moyens à la grande puissance maritime que nous sommes, de se défendre en mer comme sur les marchés.