Intervention de Gilbert Le Bris

Séance en hémicycle du 29 avril 2014 à 21h30
Activités privées de protection des navires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilbert Le Bris :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pensons-nous possible d’assurer la surveillance et la protection de notre pays, de notre hexagone, avec ses 550 000 kilomètres carrés, grâce à une quinzaine de voitures de police ? Non, bien sûr ! Même si comparaison n’est pas toujours raison, c’est à peu près la mission qui incombe à la force Atalante et aux quelques navires militaires de la communauté internationale dans l’Océan indien, océan dangereux.

Pourtant le travail effectué par nos bâtiments de guerre et avions de reconnaissance est remarquable. Il a permis de quasiment éradiquer le drame de la piraterie dans ce secteur de notre planète. La vérité oblige à dire que les gardes privés à bord des navires marchands et les équipes de protection embarquées, les EPE, à bord de nos bateaux de pêche ou spécialisés ont largement contribué à cette réaction nécessaire et efficace.

Les EPE de la marine nationale ont montré toutes leurs compétences depuis juillet 2009 à bord des thoniers senneurs français. Isolés en plein océan, bas sur l’eau, quasiment statiques pendant la phase de ramassage du filet, ces navires – je les connais car ils sont de Concarneau – constituaient des proies faciles pour les pirates somaliens. Or pas un n’a été victime de piratage : les commandos et fusiliers commandos à bord ont bien veillé au grain.

Bien sûr, l’idéal serait que chaque navire battant pavillon français puisse bénéficier d’une telle protection, mais l’on sait que cela n’est pas possible car la totalité de nos effectifs n’y suffiraient pas.

Le recours à la sécurité privée est donc la solution la mieux adaptée à la situation et l’on peut estimer que désormais, plus du tiers des navires de commerce l’emploient dans les secteurs dangereux. Un véritable secteur économique de la protection maritime s’est donc développé mais, en France – et c’est un euphémisme de le dire –, ce type d’activité n’a jamais été encouragé par l’État.

Dans le domaine de la piraterie, les entreprises françaises, qui n’ont pas le droit d’embarquer des équipes armées sur les bateaux, se font doubler par les Anglo-saxons. Dans leur rapport d’information de février 2012, Christian Ménard et Jean-Claude Viollet tiraient la conclusion suivante : « Les armateurs, longtemps hostiles à la présence de gardes armés pour la protection contre la piraterie maritime y sont désormais favorables. Les rapporteurs considèrent qu’il est crucial d’organiser le secteur. Cela suppose tout d’abord de légiférer afin de définir clairement un ensemble d’activités autorisées par la loi. Il pourra en découler un système d’agrément des sociétés et des employés à même de clarifier et d’assainir le marché. Cette démarche relève désormais de l’urgence alors que le monde avance sans attendre la France. » Quelle lucidité de la part de nos anciens collègues à qui je veux ici rendre hommage : ils n’ont jamais varié dans leur approche et ont été, avec d’autres, les précurseurs du texte qui nous est soumis aujourd’hui.

Ce projet de loi est indispensable, opportun et bénéfique. Pourquoi ?

D’abord, parce que la maritimisation, c’est-à-dire l’importance croissante de la mer dans les échanges et dans la vie des peuples, est une donnée contemporaine et pérenne. On l’a dit, 90 % des échanges mondiaux – en termes de tonnage et non de valeur – sont désormais effectués par voie de mer ; 30 000 navires transitent annuellement par les lignes de communication maritime reliant l’Asie et l’Europe. C’est dire que les activités de piraterie, très anciennes, ne sont pas près de connaître un terme. Bien sûr, nous n’en sommes plus au temps de la tête de mort et des os croisés sur fond noir du pavillon des pirates des Caraïbes, mais comme le montrait Jack Lang dans le rapport qu’il a rédigé pour l’ONU, on assiste à un triple phénomène en la matière : l’amplification, l’intensification de la violence et la sophistication du mode opératoire.

Il a fallu réagir et cela a été bien fait par les forces militaires tant à l’échelle de l’Europe que de l’OTAN ou des pays d’Asie.

Il a fallu adapter le droit et cela a été fait internationalement : document de Montreux du 17 septembre 2008, code de conduite adopté à Genève le 9 novembre 2010, recommandation de la Commission européenne du 11 mars 2010, circulaire de l’Organisation maritime internationale du 25 mai 2012 et loi française du 5 janvier 2011 sur la lutte contre la piraterie.

Ce texte apporte aujourd’hui un complément nécessaire : agrément, labellisation officielle, utilisation du savoir-faire de nos anciens militaires. Notre pays a tout à gagner à l’adoption de ce projet de loi. Bien sûr, des précisions seront nécessaires, et j’ai en particulier mentionné à la commission de la défense le rapport à établir entre la notion juridique individuelle de légitime défense et son élargissement nécessaire à la défense de tout un équipage. Mais retenons surtout, chers collègues, que cette avancée législative est particulièrement bienvenue !

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