Intervention de Luc Carvounas

Réunion du 16 avril 2014 à 16h00
Mission d'information sur la candidature de la france à l'exposition universelle de 2025

Luc Carvounas, sénateur :

Je voudrais aborder cette audition sous trois angles. Le premier est économique : il concerne le lien entre le projet d'exposition universelle et le développement de l'industrie du tourisme de notre pays. Le deuxième est territorial, et j'évoquerai tout l'intérêt pour nos collectivités de s'investir pleinement dans ce projet. Le troisième est celui des infrastructures, et me permettra d'esquisser les contours d'une réalisation concrète de ce projet.

En France, l'industrie du tourisme est un atout majeur de l'économie. Elle représente 2 millions d'emplois directs et indirects, 9 % de notre PIB, et 12 milliards d'euros d'excédents de notre balance commerciale, dans un contexte où notre pays cherche à doper son commerce extérieur. Formidable levier de croissance et de création d'emplois, ce secteur économique est encore trop souvent sous-exploité, voire mésestimé, comme j'ai eu l'occasion de le dire à de nombreuses reprises, notamment dans un rapport sénatorial remis à la commission de contrôle de l'application des lois et publié le 8 octobre 2013.

Forts de notre premier rang mondial en termes d'accueil de visiteurs, nous sommes relégués à la troisième place au classement des recettes touristiques. Nous devons donc tout faire pour replacer cette industrie au coeur de notre stratégie économique. Un récent classement des villes les plus attractives, réalisé par le site Internet TripAdvisor, doit nous alerter : il place Paris à la septième place. C'est dire tout l'enjeu qui se dresse devant nous pour contrer cette mauvaise dynamique. Se reposer sur nos lauriers signerait le déclin inévitable de notre suprématie en la matière, à l'heure où la concurrence internationale se fait de plus en plus féroce.

Pour relever ce défi, le projet concret d'accueillir une exposition universelle dans le Grand Paris en 2025 est une formidable opportunité. Accueillir le monde, quelle plus belle idée ? Quel projet plus structurant pour une métropole mondiale en devenir ?

On peut se féliciter de la volonté du Gouvernement de renforcer la diplomatie économique en ce sens, comme le rappelait le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale. Nous devons aller au-devant du monde pour renforcer notre commerce extérieur, notre tourisme, notre technologie. C'est le but de notre diplomatie économique. C'est pourquoi j'ai récemment invité le ministre des affaires étrangères à mobiliser tout notre réseau diplomatique autour du projet de candidature de la France à l'accueil de l'exposition universelle de 2025.

Ce projet rend tangible ce concept de diplomatie économique : rayonnement de la France à l'international, bénéfice pour notre commerce extérieur et l'industrie du tourisme, formidable levier pour la création et l'innovation. J'ai une conviction forte : l'exposition universelle du Grand Paris 2025 peut devenir la carte de visite de la France pour cette première partie du XXIe siècle.

Quel intérêt économique avons-nous à faire venir davantage de touristes dans notre pays grâce à un projet tel que celui-ci ?

Pour bien le comprendre, arrêtons-nous un instant sur l'essor du tourisme chinois. On peut y mesurer les impacts économiques pour notre industrie du tourisme de demain. En 2012, la France a accueilli 1,4 million de touristes chinois. Selon une récente étude du Boston Consulting Group, les dépenses des voyageurs chinois passeront de 260 milliards de dollars actuellement à 1 800 milliards de dollars en 2030. Lorsque l'on sait que les touristes chinois, dont Paris reste la destination favorite, rapportent 500 millions d'euros de recettes annuelles à la France, on devine tout l'intérêt à tirer les bénéfices de notre capacité à capter ce boom touristique émergent. Le cabinet de l'ancienne ministre du commerce extérieur rappelait à titre d'exemple que la réduction des délais de délivrance des visas pourrait rapporter 500 millions d'euros de recettes supplémentaires à la France en trois ans.

C'est pourquoi j'ai aussi tenu à défendre le projet ExpoFrance 2025 au sein des Assises du tourisme, où j'ai la charge de copiloter un groupe sur l'adaptation de cette industrie aux mutations du secteur. Je regrette que Bernard Lappasset, en charge du groupe relatif au tourisme événementiel et aux grands événements internationaux, n'ait pas donné suite à notre demande de présentation du dossier – demande que nous avons d'ailleurs formulée conjointement, monsieur le président.

Nous avons un double devoir pour mener à bien cette démarche : convaincre les plus hautes autorités de l'État, mais aussi convaincre nos concitoyens et susciter chez eux de l'enthousiasme. Pour parler des retombées et des bénéfices de l'organisation d'une exposition universelle, souvenons-nous de faits simples, marquants et symboliques : la création du Grand Palais, l'apparition du métro parisien ou encore l'édification de la Tour Eiffel.

L'exposition universelle de 2025 doit porter des promesses similaires de progrès pour la population. C'est pour moi la clé de l'enthousiasme populaire. Souvenons-nous qu'en 1 900, plus de 48 millions de visiteurs se pressaient déjà à Paris, devenu pour quelques mois le carrefour du monde. Plus récemment, en 2010, Shanghai a accueilli plus de 70 millions de visiteurs. La prochaine exposition, en 2015, aura lieu à Milan. Nous participons, avec le président Fromantin, au comité consultatif du Pavillon France de l'ExpoMilan 2015 pour nous imprégner concrètement de la préparation d'une exposition ; nous nous rendrons aussi sur place entre le 1er mai et le 31 octobre 2015.

Cinq chiffres concrets pour nous y projeter : 70 000 emplois devraient être créés sur la période 2010-2015 ; 30 millions de touristes y sont attendus ; 7 000 manifestations seront organisées parallèlement. Le chiffre d'affaires du milieu des entreprises milanaises augmentera de 44 milliards d'euros, soit une hausse de 10 %. Enfin, 11 000 kilomètres carrés d'espaces verts seront créés et le réseau fluvial des navigli sera réhabilité. On le constate donc clairement : organiser une exposition universelle est une formidable opportunité pour une collectivité territoriale.

C'est d'ailleurs tout le sens de la démarche entreprise par ExpoFrance 2025, une démarche qui part du bas, de nos territoires. À l'heure de la promotion du made in France, nous voulons faire converger les territoires et leurs projets pour que le Grand Paris en soit le réceptacle. ExpoFrance 2025 s'adresse donc à toutes les collectivités territoriales et doit retenir toute leur attention. Chacune dispose d'avantages comparatifs et d'atouts patrimoniaux et culturels à valoriser. J'oserai même dire, pour paraphraser une formule chère à mes amis écologistes, qu'il faut impérativement allier le local au global pour assurer la réussite de ce projet.

À l'heure du délitement social, de la désaffection envers la chose publique, de l'abstention massive et du déclinisme ambiant, nous proposons de nous fédérer autour d'un projet national, populaire et rassembleur. Cette candidature doit être une coproduction. Nous proposons donc un projet collaboratif aux territoires et à nos concitoyens. J'ai l'audace de penser que nous avons visé juste.

Tout d'abord, cette candidature a déjà fédéré de nombreuses grandes entreprises publiques et privées, fleuron de notre économie française. Elle a agrégé des grandes écoles et leurs étudiants. Nos trois porte-parole représentent dans leur domaine l'excellence française, et de plus en plus d'acteurs se joignent à nous, en témoigne l'installation de votre mission d'information.

Concernant les territoires, nous avons aussi visé juste. Je ne peux que me féliciter que cette candidature soit soutenue par l'Association des maires de France. Lors de son dernier congrès en novembre dernier, nous avons recueilli le soutien de plus de 1 000 élus, dont 550 maires. L'Assemblée des départements de France soutient également le projet. Et nous présenterons dès le mois de mai la candidature aux régions.

Cette candidature va susciter, j'en suis sûr, un enthousiasme grandissant auprès des collectivités et des élus. La cohésion sociale, voilà son essence même. La cohésion sociale, notre pays en a diablement besoin en ce moment !

Pour terminer mon intervention, j'aborderai rapidement la question des infrastructures. Il est faux, me semble-t-il, de prétendre que ce projet aurait un coût déraisonnable pour nos finances publiques. Plusieurs raisons l'expliquent.

La première est que la plupart des infrastructures dont nous aurons besoin sont déjà construites, que ce soit pour l'accueil des pavillons ou des visiteurs.

La deuxième raison concerne les infrastructures dont nous profiterons, mais qui sont d'ores et déjà prévues par le pouvoir exécutif. Je pense évidemment aux infrastructures de transport, notamment au Grand Paris Express. J'en profite ici pour saluer le travail de MM. Bachelay et Albarello, membre de cette mission. Comme eux, je suis favorable à la réalisation de lignes de liaison directe entre nos aéroports et le centre de Paris ; c'est d'ailleurs une requête récurrente des professionnels de l'industrie du tourisme. Sans créer de surcoût déraisonnable pour nos finances publiques, notre projet de candidature peut être une opportunité, un accélérateur pour la réalisation de ces chantiers.

On peut aussi penser au chantier de la couverture numérique du territoire ; c'est là la troisième raison. Notre ambition est de créer une véritable exposition universelle digitale. L'utilisation des nouvelles technologies aura le double avantage de libérer la création et l'innovation et de réduire nos coûts de fonctionnement.

Nous devons aussi apporter une attention toute particulière à l'environnement. Cette exposition peut justement offrir des opportunités de développement extraordinaire. Faisons du Grand Paris la première « smart » métropole mondiale. Développons les transports alternatifs. Soyons en pointe sur l'économie circulaire ou encore la croissance verte. L'environnement du Grand Paris, c'est aussi un symbole exceptionnel : la Seine. En tant que maire d'Alfortville, commune aux confluents de la Marne et de la Seine, je mesure chaque jour la puissance d'invocation de notre fleuve. Notre exposition devrait se vivre au fil de l'eau, autour du poumon aquatique, véritable carrefour des énergies.

Je souhaite vivement que notre projet aille à son terme. J'y consacrerai toute mon énergie. Je terminerai en disant que, pour ne pas avoir peur du monde de demain, il faut nous y projeter et participer à sa construction. C'est l'invitation concrète de l'expo 2025 !

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