Intervention de Pascale Boistard

Réunion du 30 avril 2014 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascale Boistard, rapporteure :

Le programme Galileo vise à doter l'Europe d'un dispositif indépendant de géopositionnement par satellite, qui sera complémentaire du GPS, qui a été déployé par les États-Unis, et des systèmes comparables que les autres grandes puissances déploient ou vont déployer.

Galileo est l'un de ces trop rares grands programmes qui peuvent incarner, pour ses citoyens, une Europe concrète et tournée vers l'avenir. C'est en effet le premier grand projet européen civil d'infrastructure. Il est prévu qu'en une vingtaine d'années, de son lancement en 1999 à 2020, il mobilise environ 13 milliards d'euros d'argent public, essentiellement en provenance du budget communautaire.

Galileo, c'est aussi un investissement dans les technologies qui portent aujourd'hui la croissance, puisqu'actuellement le marché des équipements GPS quintuple tous les dix ans.

C'est enfin, pour l'Europe, un choix d'indépendance technologique, mais aussi politique, car les systèmes de géopositionnement n'ont pas que des usages civils et commerciaux, ils sont essentiels pour tout ce qui a trait à la sécurité et à la défense. À cet égard, Galileo sera de fait le premier outil européen au service de la Politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne, ainsi que des politiques régaliennes de ses États membres. C'est pourquoi, à côté de l'usage « grand public » gratuit du signal Galileo, comparable au GPS, et des applications commerciales, le système comprendra un service crypté destiné aux seules autorités gouvernementales, dont la gestion sera placée sous le contrôle du Service européen d'action extérieure.

Galileo fonctionnera à l'aide d'une trentaine de satellites et d'un réseau de stations au sol réparties dans les territoires de l'Union européenne, y compris l'Outre-mer français, très utile pour avoir une couverture mondiale. Quatre satellites ont été lancés en 2011-2012 pour tester le dispositif. Le lancement des autres satellites va prochainement débuter. L'objectif est une exploitation opérationnelle à l'horizon 2017.

A ceux qui mettent en cause l'utilité de Galileo, en invoquant l'existence du GPS américain, on peut répondre techniquement que la redondance des systèmes, qui seront complémentaires, sera un gage de sécurité et de précision du service. On peut surtout faire observer, sur un plan politique, que les principales puissances anciennes ou émergentes, à savoir, outre les États-Unis et l'Europe, la Chine, la Russie, le Japon et l'Inde, ont mis en place, déploient ou envisagent des dispositifs de géopositionnement par satellite.

Comme pour tout programme européen majeur, les implantations des organismes liés à Galileo ont été réparties entre différents États membres. Ainsi l'autorité de supervision qui gérera le système opérationnel sera à Prague ; les centres de contrôle seront l'un en Italie, l'autre en Allemagne ; le centre de services sera à Madrid ; enfin, le Royaume-Uni et la France ont proposé ensemble, en 2009, d'accueillir sur leur sol les deux implantations du centre chargé de la sécurité du système. Plus précisément, le centre de sécurité principal doit être installé à Saint-Germain-en-Laye, dans l'emprise militaire du Camp des Loges, tandis qu'un centre de secours sera implanté outre-Manche, à Swanwick, cette redondance, avec un centre principal et un de secours, étant nécessaire pour ce genre d'infrastructure.

La mission de ce centre de sécurité est très importante, puisqu'elle comprendra notamment la gestion des accès au service crypté réservé aux usages régaliens. Ce n'est sans doute pas un hasard si ce sont les deux principales puissances militaires de l'Union qui se sont portées candidates pour l'accueillir sur leur territoire.

L'accord que nous examinons aujourd'hui est relatif à cette implantation française du centre de sécurité Galileo. Il a été signé le 12 juin 2013 après une négociation avec la Commission européenne qui a été un peu complexifiée par des problèmes strictement juridiques. La Commission voulait signer avec la France un simple arrangement administratif et y associer l'autorité de supervision du futur Galileo. Pour des raisons tenant à notre ordre juridique, le gouvernement français a souhaité signer un accord international en bonne et due forme, ce qui nous vaut aujourd'hui d'avoir à l'examiner, tout en acceptant que l'autorité de supervision de Galileo en soit cosignataire bien qu'elle n'ait pas la personnalité de droit international.

Sur le fond, les stipulations de l'accord que nous examinons sont très classiques. Il s'agit de celles que l'on trouve dans tous les « accords de siège » relatifs à des implantations internationales. Ces stipulations sont de deux natures.

Il y a d'abord la définition des engagements matériels et techniques des parties, qui sont d'ailleurs précisés dans un cahier des charges annexé à l'accord. L'économie générale en est que la France fournit et finance l'infrastructure immobilière, tandis que les équipements opérationnels et naturellement le fonctionnement courant seront du ressort de l'Union et plus particulièrement de l'autorité de supervision de Galileo.

D'après l'étude d'impact et les informations fournies par le ministère des affaires étrangères, la construction du centre, à la charge de la France, a mobilisé un peu plus de 4 millions d'euros de crédits publics et le coût d'entretien du bâtiment, propriété de l'État, est évalué à 30 000 euros par an sur trente ans. Cette construction a été achevée dans le respect du calendrier et le bâtiment a été réceptionné et mis à la disposition de l'autorité de supervision de Galileo à l'été 2013. C'est actuellement la phase de déploiement et de validation des équipements techniques, en vue d'une mise en service opérationnelle en 2016.

Le budget communautaire couvrira l'exploitation du centre et versera notamment au ministère de la défense une somme forfaitaire de 40 000 euros par an en contrepartie des prestations de proximité assurées par le Camp des Loges au profit du centre, telles que l'accès à ses mess, ses terrains de sport, la fourniture d'eau et d'électricité, etc. Par ailleurs, le fonctionnement du centre, qui emploiera une trentaine de personnes, devrait engendrer 2 millions d'euros par an de contrats divers, payés sur fonds européens, qui pourraient notamment profiter à nos entreprises.

Après ces engagements matériels, on trouve dans l'accord la définition des « privilèges et immunités », selon la formule classique, dont le centre et ses personnels bénéficieront, particulièrement en matière fiscale. Ces privilèges comprennent notamment l'exonération du centre et de ses personnels, pour leurs salaires versés par le centre, de tous impôts et charges nationaux, ainsi que, pour ces personnels venant d'autres pays, la possibilité de conserver leur résidence fiscale dans leur pays d'origine.

Sur ces points, qui peuvent toujours susciter des interrogations, je tiens à souligner deux choses. D'une part, ces « privilèges et immunités » sont strictement repris du Protocole dit n° 7 sur les privilèges et immunités de l'Union européenne, qui est un texte annexé aux traités européens, et l'on est donc dans la stricte application du droit commun européen à une implantation européenne. D'autre part, il faut rappeler que si les salaires des fonctionnaires européens, dont les futurs agents du centre de sécurité Galileo, échappent aux impôts et charges nationaux, ils sont soumis à l'impôt progressif européen au profit du budget de l'Union. Et, contrairement à ce que beaucoup croient, cet impôt est assez comparable aux nôtres, puisqu'il comprend un barème progressif allant jusqu'à 45 %, auquel s'ajoute, de 2014 à 2023, un « prélèvement de solidarité » de 6 %.

Je vous invite donc à approuver cet accord qui permettra à notre pays d'accueillir sur son sol l'une des infrastructures clés de Galileo, donc de jouer un rôle majeur dans la mise en oeuvre d'un des projets les plus concrets, innovants et fédérateurs de l'Europe.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion