Intervention de Patrice Martin-Lalande

Réunion du 30 avril 2014 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Martin-Lalande, rapporteur :

Chaque année, 14.000 jeunes Français et 2.600 jeunes Canadiens traversent l'Atlantique pour acquérir, par un stage, une formation, un travail temporaire ou un « travail d'été » une précieuse expérience et une ouverture sur le monde. Ils le font dans le cadre juridique d'un accord franco-canadien d'octobre 2003 qui régit ce genre d'échanges et qui, indéniablement, constitue un succès : depuis son entrée en vigueur, près de 80.000 Français et 22.000 Canadiens en ont bénéficié. Toutefois, en dépit de – mais, aussi, sans doute, grâce à – ces excellents résultats, il est apparu nécessaire d'y apporter des modifications, notamment pour simplifier les procédures et allonger les durées de séjour autorisées. Tel est l'objet de l'accord franco-canadien du 14 mars 2013 dont il nous est demandé, aujourd'hui, d'autoriser l'approbation et qui a été signé par Mme Valérie Fourneyron, alors ministre des sports et de la jeunesse, et par le ministre canadien en charge du patrimoine.

Pour ce faire, et avant de présenter le dispositif et de souligner l'intérêt de cet accord, il me semble intéressant de rappeler brièvement le contexte dans lequel il doit être replacé : celui des accords dit « vacances travail ». En effet, la France a conclu avec huit autres États ou gouvernements (le Japon, la Nouvelle-Zélande, l'Australie, la Corée du Sud, Hong-Kong, le Brésil, l'Argentine et le Canada), des accords dits « vacances travail », basés sur le même modèle : ils permettent à des jeunes de 18 à 30 ans (35 dans le cas du Canada), sur une base réciproque, de découvrir d'autres cultures par le voyage mais aussi le travail. Dans ce type d'échange, le séjour est limité à un an, le nombre de bénéficiaires étant variable d'un pays à l'autre. Ces programmes rencontrent un succès grandissant auprès des jeunes Français, a fortiori en ces temps économiques moroses où partir à l'étranger présente bien des attraits et peut être une option stratégique particulièrement intelligente dans l'élaboration de son parcours professionnel. Les accords « vacances travail » n'ont ainsi pas vocation à organiser une filière d'émigration mais plutôt à permettre d'acquérir une expérience précieuse mais aussi à s'« oxygéner » auprès d'une culture et d'un environnement linguistique nouveaux.

L'accord conclu il y a dix ans avec le Canada, comme je l'ai dit en introduction de mon propos, est très prisé par nos jeunes compatriotes. Toutefois, il est rapidement apparu qu'il pouvait être considérablement amélioré par le biais d'une simplification et d'une uniformisation des procédures mais aussi en augmentant sensiblement certaines durées de séjours au-delà d'un an. Une renégociation de l'accord en ce sens aété engagée dès 2009 et a permis la signature du texte dont nous sommes saisis.

La principale innovation de l'accord de 2013, par rapport à celui de 2003, réside assurément dans son article 5 qui fixe les modalités de séjour sur le territoire de l'autre État. D'une manière générale, la durée des séjours effectués dans le nouveau cadre est fixée à 24 mois, soit 12 mois de plus que le régime établi il y a 10 ans mais aussi que ceux fixés par les accords que la France a signé avec 7 autres pays. Cet allongement d'une année est, indéniablement, une bonne nouvelle pour les jeunes concernés. En effet, de nombreuses entreprises peuvent être amenées à se poser des questions au moment de recruter un jeune dont elles savent que le visa ne court que sur une seule année. Doubler cette durée conduira à diminuer les réticences de l'employeur quant à la rentabilité de son « investissement » dans un jeune Français ou un jeune Canadien. De surcroît, l'accord prévoit plusieurs possibilités de porter la durée du séjour dans l'autre Etat à 36 mois. Par exemple, des jeunes Français partant au Canada pour 2 ans dans la catégorie « vacances travail » ou « jeune professionnel » pourront prétendre à un séjour supplémentaire de 12 mois dans la catégorie « stage ». La même possibilité sera offerte aux jeunes Canadiens. L'accord stipule, de surcroît, que les séjours pourront « être continus ou discontinus et s'effectuer dans n'importe quel ordre ». Cela permettra de répondre aux souhaits du plus grand nombre. Concrètement, les Français comme les Canadiens auront un crédit de 36 mois qu'ils pourront utiliser pour des séjours continus ou discontinus et commencer par un stage ou un séjour de travail. Un Canadien comme un Français pourra ainsi commencer par un stage en entreprise dans le cadre de ses études puis poursuivre par un séjour jeune professionnel ou vacances travail. Un Canadien comme un Français pourra également décider de prendre une ou deux années sabbatiques et demander à faire un séjour vacances-travail pour deux ans dans l'autre pays. Il pourra ensuite reprendre ses études et demander à bénéficier d'un stage. Le nouvel accord apporte donc plus de souplesse.

Parmi les autres dispositions notables, l'article 6 a trait à la délivrance des titres de séjour. S'agissant des jeunes Français dont la demande de séjour au Canada a été acceptée, ils se feront remettre une « lettre d'introduction sur le territoire canadien », et, dès leur arrivée dans ce pays, un permis de travail. Les jeunes Canadiens, eux, recevront un titre de séjour d'une durée maximale de douze mois, renouvelable si nécessaire et sans difficulté. Surtout, principal attrait aux yeux du Canada : ce titre de séjour permettra à ses ressortissants de travailler immédiatement, sans passer par une demande d'autorisation de travail (une procédure qui peut décourager bien des employeurs). Dans les deux cas, la situation du marché de l'emploi ne sera pas opposable aux jeunes concernés.

L'accord prévoit également, en son article 7, l'égalité de traitement avec les ressortissants du pays d'accueil pour tout ce qui concerne l'application des lois régissant les relations et conditions de travail, la protection sociale, la santé, l'hygiène et la sécurité au travail. Cet article est utile car il permet de sécuriser, sur le plan juridique, l'égalité de traitement pour nos jeunes compatriotes qui partent au Canada, le code du travail français excluant déjà toute discrimination en raison de la nationalité en matière de relations et conditions de travail.

Voici, madame la Présidente, mes chers collègues, les principales dispositions de l'accord dont nous sommes saisis. Bien entendu, vous trouverez mes observations sur les autres articles dans mon rapport écrit.

Avant de conclure, il me semble utile d'insister rapidement sur un point : du côté français, le quota de 14.000 places dévolu par chaque Etat aux ressortissants de l'autre Etat est systématiquement atteint alors que du côté canadien, le nombre de jeunes venant en France s'élève en moyenne à 2.600. Cette année, 50.000 jeunes Français ont postulé ! Bon nombre de demandes ne sont pas satisfaites. J'ai interrogé le gouvernement à ce sujet ainsi que l'ambassade du Canada, à l'occasion d'une réunion de travail de l'Association interparlementaire franco-canadienne. Il apparaît, en fait, que ce chiffre de 14.000 est un compromis issu des négociations menées annuellement par les deux Parties. Il a été doublé depuis 2004 face à la demande croissante des jeunes Français mais il correspond aussi, aujourd'hui, à la capacité d'accueil maximum pouvant être consentie par les autorités canadiennes. Ces dernières ne semblent pas disposées, pour le moment, à augmenter les effectifs, d'autant plus que l'allongement des temps de séjours prévu par l'accord de 2013 va mécaniquement avoir pour effet d'augmenter le nombre global de jeunes Français pouvant se rendre au Canada. Il n'en reste pas moins qu'il faut rester attentif et surveiller la question de l'évolution des quotas.

Je vous invite à adopter le projet de loi qui nous est soumis, en émettant le voeu que l'accord qu'il porte puisse un jour servir de modèle dans les relations que nous entretenons avec les Etats de la Francophonie. Certes, aujourd'hui, nous en sommes loin, en particulier parce qu'entrent en jeu des considérations spécifiques fort compréhensibles telle que la maîtrise des flux migratoires. Mais les accords « vacances travail » pourraient représenter un immense atout pour le monde francophone.

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