En préambule, je souhaiterais remercier les administrateurs et les administratrices de l’Assemblée nationale, les services du cabinet de la ministre ainsi que mes chers collègues pour le travail que nous avons réalisé ces derniers jours.
La procédure pénale qui nous occupe aujourd’hui avec ce projet de loi est au coeur des grands débats de société qui intéressent nos citoyens. La procédure pénale est en renouvellement, sous l’influence grandissante de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et du Conseil constitutionnel, nous en aurons une illustration dans le débat qui va suivre. Elle est en mutation, sous l’influence de l’évolution des droits fondamentaux et de la superposition de normes mondiales, européennes et nationales, et aucun État, ainsi que l’écrit Mireille Delmas-Marty dans son ouvrage Le Relatif et l’Universel, ne peut s’en affranchir. Nous accompagnons ce changement avec l’impérieuse nécessité de tout État de droit de garantir les droits des victimes comme ceux des mis en cause. La procédure pénale est une procédure d’équilibre qui s’efforce de satisfaire les intérêts de la société, de la victime et de la personne poursuivie, dont l’honneur et la liberté sont en cause.
C’est dans cet état d’esprit que nous avons ensemble travaillé à ce projet de loi. La transposition des directives à laquelle nous oeuvrons n’est pas l’adoption forcée de mesures qui nous seraient imposées par l’Europe, mais bien le choix partagé des États membres de l’Union européenne, en novembre 2009, de se doter « d’une feuille de route visant à renforcer les droits procéduraux des suspects ou personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales ». Au-delà de l’application de droits fondamentaux, les différentes mesures ainsi prises devront faciliter la reconnaissance mutuelle des décisions de justice, reconnaissance indispensable du fait de l’ouverture des frontières et du nombre croissant de personnes impliquées dans un autre État membre que celui de leur résidence.
Le projet de loi adopté par le Sénat en première lecture et modifié par la commission des lois mardi 29 avril dernier vise à transposer deux directives : celle du 22 mai 2012 qui renforce le droit à l’information des personnes suspectées ou poursuivies et qui doit être transposée en droit interne au plus tard le 2 juin 2014, et une partie de celle du 22 octobre 2013, pour ses dispositions relatives au droit d’accès à un avocat des personnes suspectées dans le cadre de l’audition libre. Ainsi le présent projet de loi devrait permettre à la France non seulement de respecter le délai de transposition de la première directive, mais également d’anticiper très largement la transposition de la seconde, qui devra l’être entièrement le 27 novembre 2016 au plus tard.
Quarante-six amendements ont été adoptés au cours de l’examen de ce projet de loi par la commission des lois, ce qui démontre que, contrairement aux idées reçues, notre Parlement n’est pas relégué au rôle de « moine copiste ». Il sera de nouveau conduit à modifier le code de procédure pénale au rythme des transpositions de la directive relative à la protection des victimes et des trois propositions de directives du 27 novembre 2013 encore en discussion.
Or, l’ensemble des personnes auditionnées, universitaires, avocats, magistrats, représentants de la police, de la gendarmerie et des douanes et associations de défense des droits de l’homme, critiquent cette méthode de révision à petits pas de notre procédure pénale, au rythme des condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme ou des transpositions de directives. Vous l’avez d’ailleurs souligné, madame la garde des sceaux. Ils réclament tous une réforme d’ensemble de la procédure pénale qui permette d’assurer un rééquilibrage entre les magistrats du parquet et ceux du siège d’une part, l’efficacité de l’enquête et le respect du contradictoire et des libertés fondamentales d’autre part.
Je partage ce point de vue.