Le sujet est d'importance. À New York, d'où je reviens, j'ai constaté l'excellent accueil fait à la nouvelle campagne publicitaire d'Air France, dont les codes visuels insistent délibérément sur le caractère éminemment français de la Compagnie : on y a trouvé normal qu'Air France proclame la France. De même le groupe hôtelier Accor fait-il la promotion de la belle marque Sofitel sous l'intitulé « Life is Magnifique », signalant par ces mots la garantie d'un art de vivre à la française dans le respect de la culture des pays où les hôtels sont installés. Dans les deux cas, les valeurs positives associées à la France sont affirmées, et bien reçues.
Lorsque j'ai pris connaissance du projet d'organisation d'une exposition universelle en France en 2025, j'ai immédiatement pensé qu'il fallait le mener à bien : il est nécessaire de faire feu de tout bois pour redonner confiance à nos concitoyens. Je puis témoigner que la communication a permis à de nombreuses entreprises de commencer à se redresser avant même que la réalité économique n'embraye : quand la direction vers laquelle on tend est dite, on se met à travailler pour changer le monde. Lorsqu'Air France se fixe pour objectif de « Faire du ciel le plus bel endroit de la terre », cela donne une autre vision du métier et cela entraîne le personnel de bord. La France a besoin d'être entraînée, et la confiance en son avenir est un enjeu majeur.
Nous avons, nous aussi, constaté la « déprime » qui afflige notre pays, alors que la crise économique y a été beaucoup plus atténuée que dans la plupart des autres pays, qui n'ont pas les amortisseurs sociaux dont nous nous sommes dotés – ce que l'on oublie de dire. Le niveau d'inquiétude de la population ne laisse pas d'étonner. La moitié des Français voient dans la mondialisation une très grande menace et non une opportunité ; 60 % jugent que notre pays est mal placé pour résister à la mondialisation ; 70 % pensent que nous sommes dans une phase de dépression collective et 68 % considèrent que notre société va dans une mauvaise direction. Voilà qui fait de notre population l'une des plus pessimistes au monde, et voilà qui nous dépeint toujours comme les plus tristes, les plus frileux, les plus inquiets, alors que nous vivons dans un pays merveilleux. Nos visiteurs ne s'expliquent pas cet état d'esprit.
Les Français n'étant pas nés avec le gène du pessimisme, il convient d'analyser ce phénomène. Quels en sont les responsables ? Les medias, certainement, qui se plaisent à raconter des histoires tristes. Il y a aussi que nous n'osons pas être positifs comme peuvent l'être les Américains : contrairement à eux, nous doutons toujours de l'intérêt de notre modèle. Et puis, en amont, il y a un système éducatif qui peine à donner confiance aux jeunes qu'il forme, si bien qu'ils sortent de l'école très tristes ; seraient-ils moins cultivés mais gais que nous nous porterions mieux, car on connaît d'autres populations peut-être moins cultivées mais en meilleure forme !
Cependant, ces Français tristes ne se satisfont pas de l'être et aspirent à autre chose : 60 % d'entre eux pensent que la France doit changer, 56 % aspirent à un nouveau départ collectif et 90 % se disent favorables à la création d'une « marque France ». On note à ce dernier sujet une évolution marquée : beaucoup de ceux qui, en 2009, étaient effrayés par cette notion sont devenus en quelque sorte plus « commerçants ».
Si, à ces Français malades d'une « déprime » qu'il faut soigner assez vite et qui aspirent au changement, on dit : « Croyons en nous, définissons une nouvelle positivité autour d'une fierté française comme il existe une fierté américaine assumée », on peut espérer ranimer la foi. Je participe aux forums « Osons la France », et j'observe qu'on est applaudi quand on tient ce discours positif ; nous devons tous nous y astreindre. Le projet d'exposition universelle répond à une envie et elle aura un grand succès auprès du public interne.
Par ailleurs, on exagère le rejet que le monde fait de la France. Certains de nos messages au monde ont pu, cela est vrai, être mal perçus. J'ai ainsi le souvenir d'une banque américaine ayant jugé insupportables certaines appréciations particulièrement vindicatives portées sur les gens qui construisent la fortune en France ; cela a créé une nervosité. Pour autant, une étude que nous avons réalisée récemment révèle un lien très intéressant avec la France. Dans un monde où la puissance n'est plus seulement anglo-saxonne mais aussi chinoise et brésilienne, la perception de la France à l'étranger diffère selon les pays. Nous avons des enthousiastes – la Chine, l'Inde, le Mexique. Un cran en-dessous, on trouve des opinions très positives – celles du Brésil et de la Turquie. Ensuite s'expriment quelques réticences et du scepticisme en Allemagne, au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Australie, ce qui ne signifie pas de la négativité. Le monde souhaite que les cultures s'équilibrent, pense que la France peut participer de cet équilibre, et cela intéresse. C'est une très bonne chose pour attirer des étudiants étrangers ; ainsi les étudiants chinois sont-ils très attirés par les MBA de HEC – à condition, naturellement, que l'on ne leur dise pas qu'ils ne peuvent venir, ou qu'ils doivent ensuite quitter le territoire français au plus vite.
L'étude met en lumière deux autres éléments enthousiasmants. Le premier est que plus jeunes sont les personnes interrogées, plus élevé est le taux d'opinions favorables : les jeunes du monde entier ont une opinion de la France plus positive encore que les gens plus âgés, peut-être parce qu'elle représente une culture alternative qui les intéresse. Par ailleurs, ceux que nous définissons dans le corpus échantillonné comme les « influenceurs » ont une opinion de la France meilleure que celle de la population « centrale », ce qui signifie que cette tendance s'amplifiera.
Sur quels éléments cette opinion favorable est-elle fondée ? À 71 %, les personnes interrogées considèrent que « le sens de la beauté » appartient à la France. C'est fondamental : je rappelle que le succès d'Apple n'est pas tant dû à ce qu'il a investi dans la recherche qu'au fait d'avoir fabriqué de beaux objets au design très soigné.
Est ensuite évoquée la qualité, notion plus importante encore. Pour nous qui avons fait parfois des choix industriels maladroits en ne privilégiant pas le critère de l'extrême qualité que nous pouvions construire, cela est encourageant.
Et puis on nous parle de culture, une culture au croisement de la tradition et de la modernité, qui attire énormément le monde. Nous avons là une force extraordinaire. À un moment où beaucoup pensent, en Europe et dans le monde, que la société est engagée dans une mauvaise voie et que la spiritualité fait défaut, c'est un argument formidable. D'ailleurs, ce que nous créons, nous, publicitaires, qui essayons de mettre les produits en avant, ce sont des objets culturels – sinon, nous n'obtiendrions pas de résultats. Je vous donnerai pour exemple le banal petit yoghourt créé par Danone, dont la marque a fait un produit culturel car il symbolise toute la santé du monde. Dans ce yaourt, il y a une idée très importante. L'idée doit certes respecter la réalité, mais elle doit aussi la tirer en avant.
Cette notion est transposable sur le plan politique, cela a été dit : que produit-on, sur le plan culturel, lorsqu'on défend une vision du monde au point de continuer à envoyer des gens se battre pour cela ? La France a ce que n'ont ni l'Espagne ni l'Italie : la capacité à représenter un point de vue sur le monde – et, à l'étranger, les gens en parlent. Il y a là un gisement considérable de richesses à exploiter si l'on voulait bien appuyer au bon endroit et travailler.
Enfin, nous avons du mal à mettre en exergue nos capacités d'innovation. Là encore, nous devons faire feu de tout bois, puisque nous avons des mathématiciens et des ingénieurs d'exception et un enseignement qui conduit à l'innovation. Nous devons mettre ces caractéristiques en avant car, dans l'innovation, aussi il y a de la brillance. Voyez le succès que rencontrent les lieux de culture qui ont accepté d'ouvrir des salons de thé : ce mélange des genres, tout français, plaît.
Tous les indicateurs dont nous disposons vous donnent raison d'envisager l'éventualité d'une exposition universelle dans notre pays ; cela ferait un bien fou aux Français, car cela construirait la confiance. C'est essentiel, car je n'ai jamais vu que l'on avance sans confiance. Nous devons donc insister sur nos forces, celles de nos entreprises, de nos inventeurs, de nos designers, de nos décorateurs, employés partout dans le monde.
Comment faire pour être fiers de nous-mêmes et, en même temps, puisque l'on nous taxe parfois d'arrogance, changer ? Arrogants, bien d'autres le sont, mais ils savent aussi se montrer accueillants. En termes de communication, les deux mots clefs me paraissent être la fierté, sans aucun doute, et l'ouverture, à tout prix. Une exposition universelle organisée en France pourrait réapprendre que nous avancerons si nous sommes fiers de nous-mêmes et intéressés par les autres et par ce que leurs réalisations ont d'admirable.