Intervention de Jean-Paul Chanteguet

Réunion du 30 avril 2014 à 11h30
Mission d'information sur l'écotaxe poids lourds

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Chanteguet, président et rapporteur :

Nous recevons ce matin Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie – pour une audition dont c'est peu dire, madame la ministre, qu'elle était très attendue !

Depuis sa création par la Conférence des présidents, notre mission d'information poursuit un objectif de clarification. Notre préoccupation est d'établir un état des lieux, en cherchant à lever certaines incompréhensions et en réfutant ce que l'on doit bien appeler quelques éléments de désinformation.

Pour ma part, j'ai considéré qu'il revenait à la représentation nationale de refonder la légitimité de l'écotaxe, à laquelle il serait plus judicieux de rendre son appellation initiale d'« éco-redevance poids lourds ».

Autre rappel d'importance, le principe de cette redevance d'usage a été approuvé à une très large majorité – pour ne pas dire à la quasi-unanimité – du Parlement dans le cadre de la loi de programmation, dite Grenelle 1, du 3 août 2009. Les dispositions alors adoptées prévoyaient, d'une part, que ce prélèvement interviendrait à compter de 2011 et, d'autre part, qu'il serait neutre pour les transporteurs car « répercuté sur les bénéficiaires de la circulation des marchandises », c'est-à-dire sur les affréteurs et sur les chargeurs.

La même loi « Grenelle 1 » organisait la répartition et l'affectation du produit de cette « écotaxe » ou « éco-redevance », le principe étant d'abonder majoritairement le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, et de doter les départements d'une autre partie de ce produit. L'AFITF et les départements sont en effet confrontés à un problème majeur : financer l'entretien, la modernisation et le développement des réseaux de transport, nécessaires à la compétitivité de notre économie dans son ensemble, par une recette programmable, donc pérenne.

Interrogé ici même par notre mission, votre collègue Bernard Cazeneuve, alors ministre en charge du budget, avait souligné que la trajectoire de financement de la politique des transports était construite selon un schéma prévoyant une entrée en vigueur de l'écotaxe au 1er janvier 2014. Il ne nous avait pas caché qu'à défaut, l'impasse budgétaire serait difficilement surmontable, compromettant le financement des volets « Mobilité » des contrats de projets entre l'État et les régions, qui mobilisent en moyenne 950 millions d'euros par an.

Dans sa réflexion, la mission n'a pu faire abstraction du double cadre qui s'imposait naturellement à elle : d'une part, les directives européennes dites « Eurovignette » et « Interopérabilité » ; d'autre part, le contrat de partenariat public-privé qui a abouti à la désignation d'un prestataire commissionné de l'État pour la liquidation et la collecte de l'éco-redevance. Ce partenariat a été conclu en janvier 2011, au terme d'un appel à projets comportant de longues phases de discussion avec les candidats, période dite de « dialogue compétitif ».

Le choix s'est porté sur le consortium Ecomouv', qui a été chargé de bâtir un système sur la base des prescriptions de l'État. Je rappelle qu'Ecomouv' n'est pas une société étrangère même si son principal actionnaire est Autostrade per l'Italia. En effet, de grands groupes français participent à son capital. Ils ont construit le système dans ce cadre et ils exercent, en outre, des responsabilités importantes en termes de sous-traitance. Il s'agit de Thales, de la SNCF, de Steria et de SFR.

Aujourd'hui, l'État se trouve lourdement engagé, tant vis-à-vis de l'Union européenne que du partenaire et des acteurs choisis et impliqués dans le système par ses soins, sans oublier les personnels qu'ils ont recrutés. Est-il possible de tout « remettre à plat » dans ces conditions ?

Nous nous interrogeons sur les voies et moyens qui permettraient d'effacer purement et simplement un choix aussi lourd de conséquences. Au-delà de la question de la crédibilité de la parole et de la signature des pouvoirs publics, disposons-nous aujourd'hui des moyens financiers de dédommager le prestataire et de vouer à l'inutilité des centaines de millions d'euros d'investissements, puis de relancer la machine pour bâtir à neuf un cadre et des modalités totalement différents ? Cela reporterait d'une année, voire de plusieurs, toute perspective de ressources pourtant indispensables au financement de nos infrastructures. Je ne vous cache pas nos inquiétudes à ce sujet, madame la ministre.

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