Intervention de Joël Giraud

Réunion du 30 avril 2014 à 11h30
Mission d'information sur l'écotaxe poids lourds

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud :

Il faut dire avant tout que le système était vicié dès l'origine, par le fait que la détermination du réseau routier retenu comme base de taxation ne reposait sur aucune logique d'itinéraire, mais sur un simple classement administratif, et exonérait les autoroutes au motif qu'elles sont sous concession et que l'Union européenne s'opposerait à ce que l'écotaxe leur soit étendue. Pourtant, tous les pays d'Europe qui ont adopté un dispositif comparable y ont assujetti l'ensemble de leur réseau autoroutier, fût-il à gabarit réduit et soumis à un régime assimilable à la concession, comme en Autriche avec le système dit de l'usufruit, et cela sans que l'Union y trouve à objecter.

D'autre part, ces pays soumettent à une taxation maximale le trafic international, de manière à rétablir l'équité pour les poids lourds nationaux quand ceux-ci sont soumis à une taxe auquel les poids lourds étrangers échappent – en Autriche et en Suisse, il s'agit d'une taxe à l'essieu. Enfin, ils ont instauré un malus écologique, sous forme d'une taxe différenciée suivant le niveau de pollution du camion. Le système autrichien, d'ailleurs mis en place par Autostrade per l'Italia, est le plus élaboré en ce qu'il cumule logique d'itinéraire, taxation de la pollution et taxe à l'essieu.

J'ai apporté une carte du réseau taxable du massif alpin pour vous montrer les aberrations du système adopté en France. Alors qu'il n'y a aucune taxation à la frontière suisse ou italienne, deux routes seulement sont taxées sans qu'on sache pourquoi : l'une de 25 km desservant la Tarentaise et l'autre, reliant Grenoble et Gap, sur laquelle il ne passe pratiquement pas de poids lourds si ce n'est quelques camions de pommes remontant sur Grenoble. En revanche, alors que les trafics est-ouest s'intensifient entre la péninsule ibérique et l'Italie – et, de là, vers l'Europe centrale et orientale –, un poids lourd pourrait ainsi aller de Barcelone à Turin sans rien payer grâce à l'écotaxe à la française !

Dans la population de cette région envahie par les poids lourds, tout dispositif visant à pénaliser leur trafic bénéficie évidemment d'une acceptabilité très forte. Soit on aménage le dispositif en mettant en place un système similaire à celui que Autostrade per l'Italia a élaboré pour l'Autriche, ce qui éviterait tout paiement de dédit à Ecomouv' – mais impliquerait de passer avec les sociétés concessionnaires d'autoroutes des conventions leur permettant de percevoir l'écotaxe pour le compte de l'État, ce qui n'est pas du tout incompatible avec le droit européen –, soit on met en place à l'entrée du territoire français une vignette prenant en compte le niveau de pollution et le nombre d'essieux, auquel cas l'État devrait dédommager Ecomouv'.

En tout état de cause, l'écotaxe poids lourds devrait, comme la LKW Maut allemande, concerner tout le réseau autoroutier et routier principal, y compris les départementales relevant de la nomenclature européenne, et privilégier la taxation des poids lourds à itinéraire international – à la différence donc du système actuel, qui revient à taxer les transports locaux à courte distance mais non les transports internationaux. Je précise que la logique d'itinéraire que je défends est évidemment incompatible avec toute régionalisation de la taxe.

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