Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du 6 mai 2014 à 15h00
Questions au gouvernement — Responsabilité sociale et environnementale des multinationales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Monsieur le Premier ministre, l’essence même de notre droit, inspiré des Lumières, vise à protéger les individus contre les dérives totalitaires. Aujourd’hui, nous sommes face à une nouvelle donne : c’est la puissance publique qui est elle-même fragilisée par celle, financière, de quelques sociétés juridiquement irresponsables, du fait de la fragmentation de leurs activités transnationales et du jeu obscur de filiales et de sous-traitants. Dacca, avec ses 1 138 victimes, est devenue le symbole des dizaines de drames qui composent, au Sud, la chronique des « invisibles ».

Monsieur le Premier ministre, la bonne volonté en matière de responsabilité sociale et environnementale ne suffit pas. Un an après, seul un tiers du fonds d’indemnisation du Rana Plaza est mobilisé, deux entreprises françaises manquent à l’appel, et déjà l’Éthiopie fait figure de nouvel eldorado du low cost pour la filière textile. Le devoir de vigilance vis-à-vis des multinationales est la juste contrepartie de leur nouvelle puissance. Tel est le sens de la proposition de loi à laquelle j’ai travaillé avec mes collègues Philippe Noguès et Danielle Auroi, et qui a été déposée aujourd’hui par quatre groupes parlementaires. Elle est soutenue par les grandes ONG et les quatre plus grands syndicats français.

Comme dans le combat contre les paradis fiscaux, nous nous voyons opposer le même argument paresseux qu’utilisaient les partisans de l’esclavage au XIXe siècle : la défense d’une compétitivité sans foi ni loi. La question, aujourd’hui, n’est pas de savoir si nous sommes pour ou contre l’entreprise et la mondialisation, mais de décider si nous voulons, ou non, que ces dynamiques prennent appui sur le principe de loyauté. Pour être elle-même, la France ne doit pas seulement être une bonne élève en Europe, mais aussi une pionnière dans le droit, au bénéfice de l’économie réelle et des droits humains. La vie d’une jeune travailleuse au Bangladesh n’a pas de prix.

Monsieur le Premier ministre, voulez-vous, à nos côtés, prendre une initiative dans ce sens ? Une semaine après le pacte, ce serait un bel acte de responsabilité.

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