À travers lui, à travers le symbole qu’il représente, j’exprime la reconnaissance et la gratitude du peuple français envers les pays alliés, leurs soldats et leurs vétérans pour le chemin de liberté qu’ils ont tracé ce 6 juin 1944 à partir de la Normandie.
Mes chers collègues, depuis soixante-dix ans, nous commémorons et rendons hommage aux pays alliés, qui ont rassemblé leurs forces pour mettre un terme à la barbarie nazie.
Depuis soixante-dix ans, nous commémorons et rendons hommage aux soldats qui, par milliers, ont donné leur vie pour que nous vivions libres.
Depuis soixante-dix ans, nous commémorons et rendons hommage aux vétérans qui, chaque année, reviennent en Normandie, honorer et se recueillir auprès de ceux qui sont tombés sur cette terre qui n’était pas la leur.
Leur témoignage est précieux. La transmission aux générations futures est une ardente obligation. Comme le disait Elie Wiesel, prix Nobel de la paix, « les peuples qui ne connaissent pas leur histoire s’exposent à la revivre. » Cette citation nous oblige. À nous de faire vivre notre mémoire collective ; les historiens doivent en être les sentinelles exigeantes et les peuples, les gardiens.
Mais la préservation et la transmission de cet héritage immatériel qu’est le témoignage des vétérans doivent s’accompagner d’une conservation des lieux qui ont fait l’histoire. Chaque année, des millions de personnes viennent, de tous les continents, sur les plages d’Utah, Omaha, Gold, Sword et Juno, les cinq plages du D-Day. Ces lieux, symboles de liberté et de paix, nous nous devons de les préserver.
Les efforts de la France, de la région Basse-Normandie et des collectivités locales pour garantir l’intégrité de ces sites en demandant leur classement au patrimoine mondial de l’UNESCO doivent être salués. Je souhaite que la représentation nationale tout entière reconnaisse et appuie ces efforts pour atteindre cet objectif partagé.
Au-delà d’un symbole de liberté, ces sites doivent être aussi symboles de réconciliation et de paix. Cette réconciliation a été marquée, en janvier 1963, par Charles de Gaulle, qui a signé avec Adenauer le Traité de l’Élysée.
Elle a été marquée ensuite, en septembre 1984, par François Mitterrand, lorsque, dans un geste ô combien symbolique de la réconciliation franco-allemande, il a saisi la main du Chancelier Kohl devant l’ossuaire de Douaumont.
Plus récemment, le 6 juin 2004, c’est Jacques Chirac qui a accueilli à Caen, à l’occasion des cérémonies du soixantième anniversaire, le Chancelier allemand avec cette formule : « Les Français vous reçoivent en ami et en frère ».
Ces gestes, ces symboles n’auraient pu exister si nous n’avions pas choisi, depuis des décennies, de construire l’Europe, et cela malgré les difficultés. Mais nous aurions tort de croire que la paix est acquise, même sur le continent européen. Pendant des années, les conflits armés dans l’ex-Yougoslavie nous l’ont douloureusement rappelé. Ce qui se passe actuellement en Ukraine montre également combien la paix reste fragile.
Aujourd’hui, le contexte économique et social en Europe sert parfois de prétexte à certains pour exacerber un nationalisme porteur de haine. Ne soyons pas naïfs. Le spectre des épisodes qui nous ont plongés dans les années les plus noires de notre histoire est toujours présent ; il est toujours possible de les revivre. Comme disait Brecht, « il est toujours fécond, le ventre d’où est sortie la bête immonde ». À nous d’être vigilants. Battons-nous, mes chers collègues, pour une Europe solidaire, une Europe généreuse, une Europe qui ne laisse pas place à l’intolérance ; battons-nous pour nos enfants, en souvenir de ces jeunes soldats qui se sont battus pour nous et qui sont morts pour notre liberté.