Monsieur le président, mes chers collègues, avec la libération des peuples européens, le 6 juin 1944 n’a pas seulement marqué l’honneur retrouvé des nations asservies par le régime nazi, au premier rang desquelles figure la France ; il a fait naître un processus de réconciliation et de paix unique au monde, celui qui fonde l’Europe moderne.
Ce que nous devons à nos alliés, au-delà de notre liberté – individuelle et collective –, de notre propre vie et de la renaissance de la France, c’est bien, en effet, la fin de la confrontation des peuples européens, lesquels, pendant des siècles, se sont combattus jusqu’à l’épuisement.
Cette paix durable a été obtenue et consolidée au prix de millions de vies humaines, celles des jeunes américains d’Oklahoma ou de Virginie, mais aussi de tous nos libérateurs, les forces alliées de l’extérieur, mais aussi les combattants et résistants français, dont le commando Kieffer, que je veux saluer ici, à mon tour, en la personne de l’un de ses plus éminents représentants, notre cher Léon Gautier.
N’oublions pas non plus les sacrifices et les souffrances des populations civiles. C’est ce dont, chaque année, la population normande et les élus viennent témoigner, avec une ferveur et une émotion intactes, à travers l’hommage constant qu’ils rendent à tous ceux qui, au prix de leur vie, ont sauvé la nôtre.
Notre région se souvient ; la France se souvient. Les cérémonies officielles du 6 juin prochain, des plus solennelles aux plus humbles, marqueront avec la même intensité la reconnaissance de cette « bataille suprême », pour reprendre l’expression du général de Gaulle.
Je soutiens naturellement, en tant qu’élue n’ayant jamais manqué ces célébrations, mais aussi, à cet instant, en tant que représentante du groupe UMP, cette proposition de résolution. Je me réjouis de voir notre Parlement associé à cette commémoration qui marquera une étape fondamentale pour tous ceux qui ont vécu cette part de l’histoire de l’humanité.
Je veux voir tout d’abord dans cette proposition de résolution l’hommage à toutes les nations alliées. Nous honorerons tout particulièrement le 6 juin prochain, à Ouistreham, la reine Élizabeth d’Angleterre, dont le destin a croisé l’histoire du monde. Ce sera aussi un hommage à l’Amérique, avec laquelle, depuis La Fayette et – pour rester normande – Alexis de Tocqueville, nous entretenons une relation privilégiée, fondée sur la démocratie et l’amitié.
Le 6 juin 1944 n’existerait plus dans nos esprits sans l’Europe, sans l’intelligence collective qui a permis de créer les conditions d’une paix durable, proche – du moins l’espérons-nous – de l’idée de « paix perpétuelle » chère à Emmanuel Kant.
Au moment où tant de conflits dévastent le monde, le modèle européen de réconciliation et de paix devrait davantage inspirer les processus de reconstruction politique.
À quelques jours des élections européennes, soyons plus que jamais des dépositaires actifs et convaincus de cette partie de notre histoire commune. Comment, en effet, ne pas rappeler l’essence même de la construction de l’Europe, laquelle a démontré l’élévation d’esprit d’une génération, celle de Jean Monnet et de Konrad Adenauer, qui ont ensemble fondé la relation franco-allemande moderne, entretenue ensuite avec intelligence par tous les Européens et par tous les gouvernements qui se sont succédé ?
Quel signal donnerions-nous aujourd’hui si nous choisissions le repli, quand le monde est ouvert ; la peur, quand nous célébrons tant de sacrifices et de courage ; un retour en arrière, quand tout, dans le monde, s’accélère et qu’on ne nous attend pas ?
Soyons fiers de ce que nous avons à apporter au monde à travers cet exemple magnifique qui confine à l’héroïsme. Cessons de ne voir l’Europe qu’à travers ses insuffisances, son impuissance et ses difficultés. Regardons plutôt le monde tel qu’il est ; il oblige aujourd’hui à une nouvelle solidarité, pour laquelle nous pouvons nous inspirer de cet exemple historique. C’est en effet d’une Europe plus puissante, plus apte à s’exprimer d’une seule voix, en clair d’un véritable leadership européen retrouvé que nous avons besoin.
Je voudrais également dire un mot de la sécurité collective. Le partenariat transatlantique, la relation entre la France et l’Amérique, mais aussi entre l’Europe et l’Amérique, sont plus importants que jamais. Si les États-Unis restent, à nos côtés, des alliés sûrs, nous connaissons tous le tropisme asiatique de la stratégie militaire américaine. Cette situation nous oblige aujourd’hui à avoir les idées claires sur notre responsabilité en matière de défense et d’intervention militaire. C’est la position constante de notre groupe et, je pense, de la majorité des élus sur les différents bancs de cette assemblée.
Soyons dignes, mes chers collègues, de cette liberté reçue en héritage. Ne pensons pas qu’elle soit une valeur du passé, au moment où la crise ukrainienne, le Proche-Orient ou le Sahel nous rappellent avec force la violence des guerres et des conflits à nos portes.
Que vaudrait l’indignation sans l’action ? Être digne du 6 juin, ce n’est pas seulement en être fier ; c’est maintenir un niveau de défense collective suffisant et répondre, avec une défense européenne crédible, aux menaces qui existent aujourd’hui dans le monde. C’est aussi créer un nouveau partenariat avec les États-Unis. Nous le faisons dans le domaine économique ; nous devons le faire aussi en matière de défense, au sein de l’OTAN et à travers toutes les solidarités que nous développons aujourd’hui.
Le 6 juin fut la première illustration d’un monde globalisé, où se sont affrontées des idéologies. Le monde contemporain appelle toujours une mobilisation vigilante et renforcée autour de nos valeurs. Je partage l’idée selon laquelle nous devons promouvoir une Europe de la paix et de la tolérance. Nous devons également promouvoir le devoir de mémoire à travers le classement des plages du débarquement au patrimoine mondial de l’UNESCO, que nous attendons depuis quelque temps déjà. Mais, au-delà, il faut se battre contre toutes les formes d’extrémisme, quelles qu’elles soient.
En conclusion, ce devoir de mémoire doit se traduire avant tout par l’éducation aux droits de l’homme, au respect de la personne humaine et aux valeurs démocratiques. Cela est d’autant plus vrai à l’heure où des jeunes, fussent-ils quelques centaines à peine, pensent trouver ailleurs – malheureusement, en enfer – l’idéal qu’ils recherchent. Dès lors, notre responsabilité n’est-elle pas de redonner, à tous les niveaux et dans tous les domaines, des raisons de croire dans la France et dans la République ? C’est aussi l’un des enseignements de cette proposition de résolution que nous soutenons.