Intervention de Philippe Gosselin

Séance en hémicycle du 6 mai 2014 à 15h00
Débarquement en normandie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gosselin :

Le soixante-dixième anniversaire du D Day mérite l’unité de la nation.

Élu d’une circonscription qui comporte Utah Beach, Sainte-Mère-L’Église, Carentan, Montebourg, Saint-Lô, ville chevalier de la Légion d’honneur, et tant d’autres communes de La Manche qui ont souffert, ce qui leur a valu la Croix de guerre, je mesure la gratitude que nous devons aux Alliés. Je salue d’ailleurs tout particulièrement les représentants des pays amis présents cet après-midi dans les tribunes. Oui, messieurs, soyez remerciés pour ce qui a été fait !

La représentation nationale a bien raison d’exprimer sa gratitude et sa reconnaissance car la guerre n’est jamais désincarnée, elle est faite avec la chair des hommes et des femmes, des militaires mais par conséquent aussi, hélas, des civils ; elle n’est pas seulement stratégie de précision militaire, stratégie élaborée par les États-majors et validée par le pouvoir politique : elle est également l’incarnation d’hommes et de femmes. Ce 6 juin, ils venaient comme vous, monsieur Gautier, d’Europe, je pense à la Pologne, au Royaume-Uni et à d’autres États encore, de territoires que l’on appelait toujours ceux des empires coloniaux, et ils venaient aussi des États-Unis, du Canada, avaient vingt ans, parfois moins ; avec eux, avec vous, a soufflé le vent de la liberté. Je ne peux m’empêcher d’y penser souvent, avec un sentiment si particulier qui m’étreint à chaque cérémonie, à chaque fois que retentissent les hymnes, à chaque regard croisé de vétérans, à chaque poignée de mains échangées, à chaque rencontre avec eux… avec vous.

Le 6 juin 1944 demeure à jamais l’une des dates les plus emblématiques et les plus éclatantes de la Seconde guerre mondiale. C’est des plages normandes que l’opération militaire la plus phénoménale de tous les temps, de par les forces en présence et les moyens engagés, a débuté. La bataille de Normandie, qui deviendra, selon la formule du général de Gaulle, « la bataille de France », a été ce temps fort extraordinaire qui a marqué le début de la fin de la dictature nazie et des atrocités du IIIe Reich. Dans son sillage, les Résistants se sont levés, les réseaux activés, les Français réveillés. Oui, le 6 juin 1944, les Français du commando Kieffer étaient bien au rendez-vous, cher Léon Gautier. C’est aussi de Saint-Martin-de-Varreville, sur les côtes normandes, que s’écrira le début de l’épopée de la 2e DB, qui marchera vers Paris, vers Strasbourg et vers Berlin.

Mais n’occultons pas certaines difficultés d’alors, les sentiments où se mêlaient parfois pleurs et joie dans les jours qui vont suivre le D Day, tant les bombardements ont été intensifs : Saint-Lô, capitale des ruines, Caen, Aunay-sur-Odon, Falaise, autant de noms de villes martyres. Les victimes civiles se comptent par milliers ; je pense à une de mes arrière-grands-mères, première victime civile de Sainte-Mère-L’Église. Des cités, des mairies, des écoles sont détruites, des milliers d’habitations et de fermes rasées. Mais il y a aussi toutes ces mains tendues pour applaudir les libérateurs, les premiers chewing-gums, les premières notes de jazz, ces sourires, ces embrassades et le drapeau français, celui des couleurs de la République revenue, qui flottait à nouveau fièrement. Tous les témoins se souviennent de ces heures parfois sombres et pourtant si rayonnantes.

Le D Day sur les plages normandes, avec ses milliers de soldats tués, ses blessés, ne doit pas non plus faire oublier les efforts et les sacrifices consentis par les Alliés les jours et les semaines suivantes. Le débarquement n’était qu’une première étape. Tous les vétérans le disent : si l’arrivée sur le sable normand fut épouvantable, le verdoyant bocage normand ne le fut pas moins lors de ce que l’on a appelé « la guerre des haies » ou « la bataille des haies », véritable guerre de position qui n’est pas sans rappeler par certains aspects celle de Verdun.

C’est tout cela que nous voulons aujourd’hui mettre en avant pour en retenir les leçons de courage, de sacrifice, d’abnégation, et c’est pourquoi nous vivrons avec autant d’intensité, dans un mois, les cérémonies du 6 juin.

Ils avaient vingt ans. Vous aviez vingt ans. Ils ne connaissaient, le plus souvent, rien de nos côtes, parfois même de notre pays. Ils ont donné, et vous aussi, leur jeunesse, le meilleur d’eux-mêmes, allant souvent jusqu’au sacrifice suprême. Leur sang est à jamais mêlé à notre terre normande, au sens physique du terme car c’est ce sang versé qui l’a enrichie, et de cette terre qu’ont germé la liberté et la démocratie retrouvées ! Il importe de poursuivre les récoltes, de semer régulièrement, mais cette fois de façon symbolique. Tel est l’objet de cette proposition de résolution. Voilà pourquoi je la soutiens et pourquoi je suis heureux de confirmer que le groupe UMP, auquel j’appartiens, la soutient lui aussi. C’est en effet un hommage unanime de la nation.

Pour conclure, je tiens à dire aussi que c’est l’occasion de rappeler que le flambeau de la mémoire se transmet par les jeunes. J’aime ce symbole que représentent des lycéens, des collégiens, qui vont au-devant des vétérans, des anciens, recueillir leur témoignage. C’est un relais entre les générations, au premier sens du terme. Soulignons au passage la singularité des relations entre la Normandie et les États-Unis : même au plus fort des différends entre nos deux pays liés à la guerre en Irak, notre région et ses habitants ne furent jamais des contempteurs de notre allié d’outre-Atlantique. Cette exemplarité des sentiments comme des lieux, de la grande histoire comme des petites histoires nées du débarquement qui s’y sont écrites, mérite d’être matérialisée par cette résolution mais aussi par l’inscription des plages du débarquement au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Cette résolution sera en effet l’occasion de redire que cette paix et cette liberté si durement acquises sont un bien commun de l’humanité, un bien qui ne connaît pas les frontières, mais un bien pourtant si fragile… Soyons donc des veilleurs, chacun à notre place, et réjouissons-nous, au moment de l’examen de cette proposition de résolution, de voir que les ennemis d’hier sont désormais unis, que la France et l’Allemagne sont des amis et que les corps mêlés dans la terre normande sont pour toujours le terreau de la paix et de la liberté. C’est un beau symbole que ce texte examiné à la veille des élections européennes du 25 mai 2014 : oui, que vive cette Europe réconciliée, réunie, gage de paix et de confiance retrouvées, une Europe définitivement tournée vers l’avenir, et que vive à jamais le sacrifice de ceux qui nous ont libérés ! (Applaudissements sur tous les bancs.)

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