Intervention de Arnaud Montebourg

Séance en hémicycle du 6 mai 2014 à 15h00
Infrastructures de recharge de véhicules électriques — Présentation

Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique :

Monsieur le président, madame la rapporteure Frédérique Massat, mesdames et messieurs les députés, la France, pays pionnier de l’industrie automobile, demeure aujourd’hui à la pointe de ce secteur, qui a, d’ailleurs, toujours fasciné nos concitoyens. Les noms de Renault, Michelin, Peugeot Citroën, et beaucoup d’autres depuis une vingtaine d’années, font vibrer la fibre patriotique de nos concitoyens, malgré la crise qui a frappé l’industrie automobile et dont elle est en train de se sortir. Toujours à la pointe, notre pays voit une chance unique se présenter à lui : celle de devenir un leader européen et mondial du véhicule électrique, ce véhicule qui devrait redessiner durablement, de manière écologique et populaire, le paysage automobile.

C’est cette mutation que la proposition de loi de Mme Frédérique Massat et ses collègues vise à accompagner et accélérer, pour ne pas dire anticiper. C’est d’ailleurs la traduction de l’un des trente-quatre plans de la Nouvelle France industrielle que nous avions présentés, avec le Président de la République, au mois de septembre 2013. Je ne peux que me féliciter que cette concrétisation soit le fruit d’une initiative parlementaire : c’est la preuve que nous, industries, syndicats, élus des territoires de la nation, Gouvernement, techniciens, experts, travaillons de manière collective. Nous sommes capables d’unir nos forces autour d’enjeux à la fois législatifs, réglementaires, financiers et économiques, industriels et technologiques. La stratégie retenue pour l’élaboration de ces plans industriels repose sur l’alliance entre le public et le privé, alliance qui permet finalement aux industriels de définir les orientations, qui nous permet aussi de les construire avec eux. C’est exactement ce que nous avons décidé de faire dans le cadre de cette proposition de loi, avec votre aide et votre soutien.

Nous construisons donc la France de la mobilité électrique. Le marché du véhicule électrique existe déjà. Levier indispensable à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et des pollutions atmosphériques locales, l’électromobilité peut être mise au service de notre souveraineté énergétique, elle le sera.

Le véhicule électrique connaît aujourd’hui un démarrage assez remarquable. Entre 2012 et 2013, les ventes de véhicules électriques ont crû de 50 %. Le véhicule électrique change d’ailleurs la vie de ceux de nos concitoyens qui l’ont expérimenté ; j’en fais partie, comme, je crois, certains parlementaires.

C’est un véhicule propre, écologique, sans émission polluante et sans aucune nuisance sonore. D’ailleurs, l’accoutumance au silence n’est pas la moindre des surprises des usagers de tels véhicules. C’est surtout un véhicule économique à l’usage. Au-delà de l’achat du véhicule, avec la location de la batterie, on peut faire un plein à deux euros, chez soi, pendant qu’on dort, ou pendant les week-ends où l’on n’utilise pas le véhicule.

Notre pays, c’est assez remarquable, est le premier marché d’Europe pour les véhicules électriques et hybrides de nouvelle génération. En la matière, nos constructeurs ont pris une avance décisive et reconnue, et ils produisent les véhicules sur le territoire national. La Zoé de Renault est produite à Flins et les moteurs sont assemblés dans les usines du constructeur sises à Cléon.

Au plan mondial, le marché cible est considérable et les ventes sont déjà en forte progression partout dans le monde, à un rythme beaucoup plus rapide que les ventes des véhicules hybrides qui s’étaient finalement imposés. Il est intéressant de noter l’optimisme des constructeurs, particulièrement Renault et Nissan, qui ont chacun un modèle de véhicule électrique. Ils observent que la courbe d’ascension des ventes des véhicules électriques est beaucoup plus forte que celle des véhicules hybrides à l’époque – il y a une quinzaine d’années – où ils se sont imposés. De même, une étude du ministère de l’énergie des États-Unis révèle que la croissance des ventes des nouveaux modèles électriques dans leurs deux premières années de commercialisation est deux fois plus forte que celle des modèles hybrides à leur lancement, et ces derniers ont conquis en dix ans une part de marché de 3 %.

Nos anticipations rejoignent celles des dirigeants de Renault, qui imaginent une part de marché de long terme d’environ 10 %. Ce n’est pas négligeable pour le leader naturel que nous sommes en train d’imposer dans le monde.

Le gouvernement américain s’est fixé un objectif de 1,2 million de véhicules électriques en 2015. En Europe, la croissance des véhicules électriques connaît également une progression très forte : l’Agence européenne pour l’environnement indique que les ventes ont été multipliées par vingt entre 2010 et 2012. D’après une étude réalisée par le cabinet Navigant Research, les ventes mondiales de véhicules dotés d’une technologie électrique – hybrides, hybrides rechargeables et électriques – représenteront plus de 35 millions d’unités dans le monde en 2022.

II faut noter que le véhicule électrique n’est pas réservé au milieu urbain et aux grandes agglomérations. Les statistiques disponibles sur les douze premiers mois de vente de la Renault Zoé montrent, à cet égard, l’importance des villes de moins de 50 000 habitants, où les transports en commun ne sont pas toujours suffisamment développés et où les trajets entre le domicile et le travail ne sont pas desservis. Et je me félicite qu’une élue rurale, par ailleurs présidente de l’Association nationale des élus de montagne, soit à l’origine de cette proposition.

L’État a commencé, dès le mois de juillet 2012, à jouer son rôle en faveur du véhicule électrique. Citons le bonus écologique consolidé, pour la deuxième année, à 6 300 euros pour les véhicules électriques, qui rend l’acquisition d’un tel véhicule compétitive par rapport à celle d’un véhicule à moteur thermique ; citons les commandes de véhicules de l’État, qui ont été réorientées, avec au moins 25 % de véhicules électriques et hybrides, l’État passant ainsi de moins de 100 véhicules électriques et hybrides en 2012 à plus de 1 270 en 2013 ; citons le soutien à l’innovation au travers du programme des investissements d’avenir, dit « grand emprunt », qui bénéficie à un certain nombre d’entreprises équipementières. Sur certaines briques technologiques, elles sont soutenues par la puissance publique. Je veux remercier ici Louis Gallois, qui a été à l’origine de ces décisions, avec notre expertise et le soutien de la direction de l’industrie.

Non seulement le véhicule électrique constitue une innovation technologique mais c’est un métier nouveau que les constructeurs apprennent. Le moteur électrique est une technologie dont ils font l’acquisition. C’est aussi un changement de société, ce qui explique son attractivité. La nouveauté de ce type de véhicule suscite aussi des demandes chez des clients potentiels qui veulent pouvoir faire le plein à domicile, ou sur leur lieu de travail. La question du rechargement est donc cruciale.

Nous possédons déjà le plus ancien et le plus dense réseau d’Europe, avec plus de 8 000 points de charge opérationnels ou programmés.

Disons un mot des réseaux Autolib, des réseaux d’autopartage développés dans la métropole et quarante-deux communes de l’agglomération parisienne, des réseaux qui sont en cours d’implantation dans les métropoles de Lyon et de Bordeaux. Les réseaux de stations de recharge peuvent accueillir des véhicules électriques n’appartenant pas au réseau d’autopartage. Vous pouvez être propriétaire d’un véhicule électrique et recharger votre véhicule grâce à un abonnement spécifique, ouvert aux tiers. Il n’est donc pas nécessaire d’implanter en double les stations de recharge dans les métropoles déjà équipées grâce à l’inventivité et l’audace des édiles locaux. Ils ont su agir à Paris, Lyon et Bordeaux.

Notre objectif est ambitieux. Il s’agit de doubler, avant la fin de l’année 2014, ce nombre de 8 000 points de charge et de parvenir à une couverture satisfaisante sur l’ensemble du territoire national. Tel est précisément l’objectif de votre proposition de loi, madame la rapporteure. Cela permettra bien sûr à tous nos concitoyens un libre accès à l’électromobilité. Rappelons-le, 85 % des Français parcourent moins de soixante-cinq kilomètres par jour. Il n’est donc pas nécessaire de placer une borne de recharge devant chaque platane de nos routes départementales pour disposer d’un maillage qui réponde aux besoins sur la totalité du territoire, quelle que soit la localisation des propriétaires et usagers de véhicules électriques.

La couverture actuelle doit beaucoup aux efforts conjugués des collectivités locales, qui ont été pionnières, de l’État, qui a financé leurs initiatives avec le grand emprunt, puisque 50 millions d’euros y avaient été dédiés ab initio. Dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt de l’ADEME, l’État a couvert jusqu’à 50 % des coûts d’installation des bornes.

Sur ce montant de 50 millions d’euros, seuls 8 millions d’euros ont été engagés. À ma demande, le Gouvernement a élargi, en 2013, les conditions d’accès à ce soutien de l’État à tous les départements, à toutes les régions, ainsi qu’aux villes et groupements de villes de plus de 200 000 habitants. Les associations d’élus, notamment l’Association des maires de France, ont demandé que l’on abaisse ce plancher pour que d’autres communes, moins peuplées, puissent elles aussi envisager l’installation des bornes de recharge ; ce sera fait, me dit-on, dans les prochaines semaines.

Cette politique d’adaptation aux réalités du terrain se poursuit dans le cadre du plan industriel piloté par le préfet Francis Vuibert que j’ai chargé de coordonner et de rassembler l’ensemble des acteurs – constructeurs, collectivités locales et, maintenant, Parlement – pour que l’alliance des uns et des autres puisse produire les bonnes décisions publiques dans la perspective de la finalisation de ce maillage.

Pour l’instant, le maillage du pays n’est pas homogène : c’est bien là le problème. Il faut donc multiplier les zones équipées par des bornes de recharge normale ou de recharge accélérée : tel est l’objet de plusieurs dispositions de la loi du 24 mars 2014 dite ALUR. Celle-ci permet par exemple de créer des places équipées de bornes de rechargement dans certains endroits – notamment les parkings de supermarchés. Il faut aussi relier entre elles l’ensemble des initiatives locales qui sont dispersées sur le territoire : vous l’avez très bien expliqué, madame la rapporteure. C’est l’objectif territorial de cette proposition de loi que le Gouvernement soutient, et qui permettra l’intervention d’un État coordonnateur avec les collectivités territoriales.

Il s’agit donc, premièrement, de faciliter l’émergence d’un maillage national pour compléter le maillage territorial de proximité ; deuxièmement, de contribuer à la visibilité du réseau de recharge par l’équipement des voies les plus fréquentées par des bornes de recharge rapide ou de recharge accélérée ; troisièmement, d’anticiper l’extension future de l’usage du véhicule électrique pour les trajets interurbains.

Vous savez qu’un GIE – un groupement d’intérêt économique – rassemble l’ensemble des partenaires. Les constructeurs, ERDF, et tous ceux qui sont attachés au développement de ce réseau se sont ainsi unis pour mettre en place un service de géolocalisation des bornes de recharge, afin que les automobilistes puissent savoir à tout moment, en regardant leur tableau de bord, où se trouve la prochaine borne, et si celle-ci est une borne de recharge normale ou de recharge accélérée.

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