À tous ceux qui, aujourd’hui, doutent des capacités de la France, il est bon de rappeler qu’elle reste la cinquième puissance mondiale, et qu’elle innove. Oui, la France innove, notamment dans la filière dont nous parlons aujourd’hui : le véhicule électrique.
Nous avons aujourd’hui le premier parc de bornes de recharges en Europe, le troisième au niveau mondial. Nous comptons de nombreuses entreprises en position de leaders ce marché en forte progression. Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, les ventes mondiales de véhicules électriques et hybrides devraient atteindre 35 millions d’unités en 2022. Cette filière a été identifiée dans le cadre des 34 plans pour la nouvelle France industrielle et des investissements d’avenir, à côté d’autres projets comme l’accroissement de la durée de vie des batteries ou encore la réalisation d’une voiture consommant 2 litres d’essences pour 100 kilomètres.
Cette proposition de loi fait suite au plan automobile présenté en juillet 2012 pour développer la filière des véhicules électriques et hybrides. Les premières mesures de ce plan ont été le bonus écologique pour les véhicules décarbonés, mais aussi, entre autres, le soutien aux collectivités territoriales avec l’ADEME. Pourtant, malgré une forte progression, le nombre d’immatriculations de tels véhicules réalisées en 2013 reste en deçà des prévisions. L’État doit donc être à la fois réactif et stratège pour lever les freins au développement de cette filière.
Cette filière est éminemment stratégique. Elle comprend des enjeux environnementaux, industriels, économiques et sociétaux. Des enjeux environnementaux, d’abord, que nous avons singulièrement mesurés lors des mesures de circulation alternée mises en place il y a quelques semaines à Paris. La nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre rendent encore plus urgent le développement de l’éco-mobilité.
La directive européenne en cours d’élaboration sur les carburants alternatifs fait du développement de l’électromobilité un impératif supranational.
Les enjeux industriels sont également importants : nos entreprises innovent et se placent parmi les leaders dans ce secteur, ce dont nous devons être fiers.
Bien sûr, je pense tout particulièrement à Renault ou à Bolloré, mais aussi à une PME située sur mon territoire de Montpellier, très engagée dans ce domaine, qui a déposé pas moins de six brevets ces derniers dix-huit mois, réalise 70 % de son chiffre d’affaires en exportant vers les plus grandes entreprises mondiales du secteur, et crée chaque année de nouveaux emplois.
Les enjeux économiques sont tout aussi nombreux : favoriser la filière du véhicule électrique, baisser son coût de production et son prix nous permet de le rendre accessible à tous et de redistribuer du pouvoir d’achat à nos concitoyens, qui bénéficieront ainsi d’une offre d’électromobilité plus économe – on l’a dit, un plein équivaut à deux euros.
Enfin, les enjeux sociétaux sont de taille : il convient de veiller à ne pas oublier les zones faiblement dotées en transports en commun, comme ces zones périurbaines, périrurales ou rurales, et de combattre la fracture territoriale. Les études montrent que 75 % des utilisateurs de véhicules électriques résident dans ces zones où le trajet pendulaire domicile-travail est le plus coûteux, en raison du manque de transports en commun.
Sans intervention de l’État, il y a fort à parier que ces zones ne verraient pas cette nouvelle offre d’électromobilité se développer. Il est de la responsabilité de l’État de veiller à l’équilibre des territoires à travers les mécanismes de solidarité.
C’est pourquoi cette proposition de loi vise à permettre à l’État, à un opérateur national ou à un regroupement d’opérateurs de mettre en place d’un réseau de bornes sur le domaine public des collectivités territoriales, avec exonération de redevance, à condition que cette implantation se fasse sur l’ensemble du territoire national. Ainsi pourrions-nous mettre un terme aux réticences des consommateurs, qui craignent d’acheter ces véhicules en raison de leur manque d’autonomie.
Or, loin d’être complet, ce maillage se concentre aujourd’hui dans quelques grandes villes : sur les 6 000 bornes du réseau national, 4 000 se situent à Paris. L’objectif de cette proposition de loi est donc de compenser ce déséquilibre et d’éviter que n’apparaissent des zones blanches.
Le texte précise que les modalités d’implantation des infrastructures feront l’objet d’une concertation entre les opérateurs désignés et les collectivités territoriales, qui garderont ainsi toute leur autonomie sur ce sujet. Il s’agit bien pour l’État d’intervenir quand il y a carence de projet des collectivités territoriales.
Je salue, monsieur le ministre, le travail effectué avec le préfet Vuibert et l’ensemble des acteurs de la filière, qui a abouti, après de nombreuses concertations, à l’identification des freins et à la définition des perspectives de développement que nous rendons possibles aujourd’hui.
Demain, les batteries auront une autonomie de 500 à 600 kilomètres, voire plus. Il sera possible techniquement d’utiliser le véhicule électrique à la fois, dans le prolongement des smart grids, comme des stocks d’électricité, mais également comme des véhicules à carburant classique pour les longs trajets.
Les choix techniques qui vont être faits pour mailler le territoire doivent anticiper ces évolutions : je pense naturellement à la borne de recharge rapide, qui permettra demain d’utiliser le véhicule électrique pour tous les déplacements. En effet, l’accroissement de la capacité d’autonomie rendra nécessaire les charges de plus en plus rapides.
Comme le Parlement européen, qui vient d’adopter l’obligation de chargeur unique pour les smartphones, il conviendra également que ces bornes soient adaptables et accessibles à tous les véhicules. C’est le sens de la directive adoptée le 15 avril par le Parlement européen, qui, en l’état actuel, valide une approche multistandard des bornes de recharge. Le principe retenu est que les bornes devront être en mesure d’assurer la recharge, notamment rapide, de tout type de véhicule électrique, donc de s’adapter aux divers standards et prises normalisées.
Vous l’avez compris, ce texte préfigure l’avenir de nos déplacements. Il permet d’amplifier le soutien à une filière éminemment stratégique. Le groupe socialiste soutiendra en conséquence cette proposition de loi, enrichie par le travail en commission. Je salue tous ceux qui y ont contribué.