Nous sommes, à l’évidence, vraiment loin du compte, loin d’être arrivés à une mobilisation nationale des collectivités locales sur l’ensemble du territoire. Et c’est la raison pour laquelle nous avons décidé d’accélérer, mais pas pour déposséder les collectivités locales, car chacun a sa part de responsabilité.
Quelle est la vision d’une agglomération, d’un département, d’une région ? Une vision qui est à la taille de sa circonscription. Quelle est la vision de l’État ? Elle est de faire en sorte que tout automobiliste engagé sur une portion du territoire trouve à moins de cinquante kilomètres, peut-être quarante, une solution pour la recharge de son véhicule électrique. La vision de l’État, c’est la France. La vision locale est, par définition, beaucoup plus locale : elle correspond à une connaissance très précise des trajets domicile-travail et des flux de transport.
Je le sais pour avoir moi-même été président du conseil général de Saône-et-Loire : en observant le trafic, y compris autoroutier, entre Chalon-sur-Saône et Mâcon, nous voyons que beaucoup de citoyens du département préfèrent utiliser l’autoroute à la route nationale. Les collectivités locales ont donc des connaissances qui font défaut à un opérateur national.
L’esprit de ce texte n’est donc pas d’opposer les uns aux autres, ou de décourager les uns pour favoriser les autres, mais de travailler ensemble. C’est d’ailleurs dans cet esprit qu’a été fixé l’objectif de concertation.
Un opérateur national, qui va se rémunérer sur l’usage, ne va pas implanter des bornes de recharge à des endroits où cette borne n’a aucune chance d’être utilisée : ce serait du gaspillage. Il est donc évident que l’opérateur national ira à la rencontre des collectivités locales afin de connaître leur vision des choses et déterminer ce qu’il est possible de faire ensemble. La collectivité y trouve son intérêt, car cela lui permettra de réaliser l’opération tout de suite sans avoir à la financer ni à monter de dossier ADEME.
Il faut en effet reconnaître que si les choses n’avancent pas, l’État porte aussi une part de responsabilité. Les financements sont lourds, bureaucratiques, il faut une expertise ADEME puis une expertise PIA. Depuis le lancement du grand emprunt, nous avons dépensé 8 millions sur l’enveloppe de 50 millions. Il y a donc un problème, et il faut que nous accélérions. C’est l’esprit de ce texte : les collectivités locales vont voir arriver un réseau national qui interrogera les maires, les édiles et les techniciens afin de savoir quel lieu d’implantation ils préconisent.
Une expérience analogue a déjà eu lieu lorsque les collectivités locales ont commencé à implanter des zones de covoiturage. Ces lieux de rendez-vous ont été improvisés par les habitants sur tout le territoire. Dans mon département, les collectivités locales ont entériné les choix locaux de la population. Elles ont été obligées de créer des parkings aux endroits où les gens se garaient sur l’herbe, devant les maisons, car c’était le point nodal où l’on pouvait laisser sa voiture et partir pour une distance plus longue en partageant l’automobile.
L’opérateur national s’enrichira donc de cette connaissance du terrain. Ce n’est pas une opération d’exclusion, de ralentissement ou de découragement. Il suffit de se faire confiance : c’est une alliance entre le niveau local et la vision nationale. Est-il d’ailleurs nécessaire de codifier les relations de confiance entre des opérateurs qui, à l’évidence, auront envie de réussir et des collectivités locales qui auront envie d’équiper leur territoire ? Quelle collectivité locale va mettre son veto à une installation ? Cela n’arrivera pas, les collectivités vont préconiser un lieu d’implantation plutôt qu’un autre. Et s’il n’est pas possible de trouver un accord, chacun prendra en charge l’une des bornes, et l’on trouvera ainsi un arrangement. La question est de savoir si l’on peut se faire confiance dans ce pays. C’est l’esprit dans lequel le Gouvernement travaille sur de tels enjeux d’équipements qui restent modestes : la dépense totale sera, je le rappelle, de 200 millions d’euros.
Les collectivités locales n’en ont pas toutes vu l’utilité pour le moment, elles ont pour le moins pris leur temps, et j’en ai d’ailleurs parlé avec l’auteur du texte du Grenelle de l’environnement, M. Borloo. Je lui ai demandé si, les collectivités locales ayant une compétence exclusive, il était possible de susciter une accélération par le haut. Sa réponse a été positive, car cela va de soi. Lorsque je m’en suis entretenu avec le président de l’Association des maires de France, il ne m’a pas répondu que nous allions déposséder les collectivités locales de leur compétence. Nous allons simplement nous y mettre, tous ensemble. Voilà l’état d’esprit dans lequel nous sommes, mesdames et messieurs les députés, et je tenais à répondre à vos inquiétudes.
Si l’on se penche sur le bilan, abstraction faite des 5 000 bornes Autolib’, seules 3 000 bornes ont été installées par les collectivités locales. Nous sommes loin du compte : il en faudrait au moins 16 000 sur tout le territoire. Nous avons donc besoin d’un investissement national avec une rétribution d’envergure nationale. J’invite donc les acteurs à coopérer.
M. Lambert m’a demandé s’il fallait articuler cela avec les documents d’urbanisme. Les collectivités locales seront libres de décider ce qu’elles veulent, elles se référeront à leur plan d’urbanisme. Ne nous bridons pas avec des documents, des règles, des normes ! Les élus connaissent leurs documents ; qu’ils en aient ou pas, c’est leur affaire. Qu’ils trouvent un accord, et tout ira encore plus vite.
M. Chassaigne m’a interrogé sur l’opérateur et sur les tarifs. Pour le moment, il y a deux candidats pour être opérateur : d’un côté, EDF et Renault-Nissan, premier constructeur mondial ; et, de l’autre, Bolloré, qui est non seulement fabriquant de véhicules électriques mais également propriétaire de nombreuses bornes installées sur le domaine public à Paris, et bientôt à Lyon et Bordeaux. Voilà des opérateurs qui ont une vision nationale de l’électro-mobilité et qui ont investi, l’un dans l’électricité, l’autre dans la construction de véhicules et le troisième dans les bornes de recharge. Je ne verrais aucun inconvénient à les placer dans le même pot et à ce qu’ils se mettent à travailler ensemble.
Là encore, c’est l’esprit de confiance qui doit régner. Il ne s’agit pas d’opposer le public au privé, mais de faire travailler ensemble le public et le privé. D’ailleurs, EDF est un opérateur public qui distribue de l’électricité sur le territoire et qui aura à coeur d’installer un maillage correct assurant l’égalité de tous à l’accès à l’électro-mobilité.
Rappelons, comme le faisait la rapporteure, que nous avons des prises électriques à domicile, au départ ou à l’arrivée. Les prises privées vont d’ailleurs se multiplier, car, plus il y aura d’automobilistes qui feront usage de véhicules électriques, plus on installera des bornes de recharge dans les lieux où ils se rendent. C’est déjà le cas dans un certain nombre de supermarchés. Il s’agit donc d’enclencher un mouvement de toute la société en faveur de l’équipement du territoire.
Quant à la question du tarif, c’est la raison pour laquelle nous avons décidé d’autoriser le projet global, car il s’agit d’un modèle économique global. Le nombre de bornes de recharge installé est un des éléments de l’équation, le nombre de propriétaires de véhicules en est un autre, et le tarif auquel est vendue l’électricité est le troisième. Le Gouvernement va surveiller cet équilibre global pour faire en sorte que le tarif soit à peu près le même sur tout le territoire – je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas le cas –, et surtout pour que tout le territoire soit à peu près maillé, surtout dans les endroits où il n’y a pas d’initiative des collectivités locales. C’est dans cet état d’esprit que le Gouvernement décidera d’autoriser ou non le projet global.
Comment sera utilisé le pouvoir que vous allez me déléguer, ainsi qu’à Mme la ministre de l’écologie, à cette occasion ? Nous allons veiller à ce que les inquiétudes exprimées par MM. Chassaigne, Leboeuf ou Tardy restent infondées. Nous allons faire en sorte que l’équilibre entre rural et urbain soit préservé.