Intervention de Frédéric Barbier

Réunion du 30 avril 2014 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Barbier, rapporteur :

Encore une fois, je l'ai dit, nous ne nous sommes pas du tout penchés sur la fracturation hydraulique. Nous nous sommes centrés sur l'aspect économiques, et la conclusion était assez claire : la rentabilité d'une exploitation en France est assez aléatoire. Les entreprises que nous avons rencontrées, comme Total, Exxon et d'autres, ont eu un discours très différent de celui auquel nous nous attendions. Ils nous ont dit que la rentabilité française ne serait pas la rentabilité américaine. Alors que le prix du gaz s'élève à 4 dollars le Mbtu aux États-Unis, tout concourt à penser que nous serions plutôt autour des 8-9 dollars en Europe car le cadre fiscal, juridique et environnemental n'est pas le même et l'acceptation des populations non plus. Les prix en Pologne sont d'ailleurs autour des 8-9 dollars. Beaucoup d'entreprises d'extraction ont déjà quitté le territoire. La Pologne, à mon avis, sera une illustration et il sera donc intéressant d'en faire un retour d'expérience. La situation à laquelle nous faisons face est simple : d'un côté, la fracturation hydraulique est interdite aujourd'hui et les techniques alternatives ne pourront pas être mises en oeuvre avant plusieurs années. De l'autre, les problèmes de compétitivité des entreprises françaises sont immédiats : ils frapperont notre économie d'ici un an ou deux, à partir du moment où les Américains commenceront à mettre, ne serait-ce que sur la pétrochimie, leurs investissements en route et produiront massivement un certain nombre de produits à partir de l'éthane et de l'éthylène.

La première question est donc : faut-il attaquer le débat par la fracturation hydraulique ou faut-il avant toute chose confirmer le coût auquel nous serions capables, en France, d'extraire du gaz de schiste ? Si ce coût est de 8 ou 9 dollars le Mbtu, cela en vaut-il la chandelle par rapport aux prix actuels du marché qui sont de 10 à 12 ? Cela serait certainement de nature à favoriser une meilleure négociation avec les pays qui nous fournissent. Mais dans le même temps, nous sentons bien que, pour tuer une industrie qui naîtrait en France sur le gaz de schiste, ces pays pourraient faire baisser les prix, comme ils l'ont fait en Ukraine à une certaine époque, sur quelques mois ou quelques années de façon à ce que nos productions ne soient plus rentables. Ce risque est aussi à prendre en compte.

Sur la question de l'exploitation du gaz de schiste en France, nous ne sommes pas allés plus loin. A titre personnel, je le redis ici, je suis favorable à la recherche économique afin de valider le prix auquel nous serions capables d'extraire le gaz de schiste. Si nous avons des réserves dans nos territoires, je ne serais pas opposé, à titre personnel, à ce que l'on sache effectivement ce que l'on a en termes de potentiel. Cela permettrait peut-être de tuer le débat de manière définitive si, comme on le constate en Pologne, l'eldorado du gaz de schiste n'est pas au rendez-vous.

Le deuxième levier d'action est l'augmentation du prix du carbone. Comme nous l'avons évoqué avec la direction climat de la Commission européenne, je pense que nous ne pouvons pas laisser nos énergéticiens dans la situation dans laquelle ils sont aujourd'hui. Ils ont beaucoup investi, ont été obligés de déprécier des actifs et, dans le même temps, ont émis massivement du CO2 en produisant de l'électricité à base de charbon alors que nous avons des équipements alternatifs tout à fait intéressants. Je pense qu'il faut réformer rapidement le marché du CO2. L'Europe en est d'ailleurs aussi convaincue. Il y avait des quotas, qui étaient certainement corrects à l'époque où ils ont été définis, mais depuis, avec la crise économique, le développement des énergies renouvelables et l'amélioration de l'efficacité énergétique de certains pays, le prix du carbone est tombé à 5 euros la tonne. Pour relancer nos centrales classiques au gaz, il faudrait plutôt qu'il soit à 30 euros la tonne. Réformons donc notre marché du carbone, de façon à ce qu'à terme nous revenions sur une production d'électricité à partir de gaz, qui est d'ailleurs complémentaire avec les énergies renouvelables, et non à partir de charbon, émetteur de gaz à effet de serre.

Le troisième levier, qui est aussi notre conclusion la plus importante et ce sur quoi portait notre mission, concerne les problèmes que vont rencontrer nos industries fortement consommatrices d'énergie, c'est-à-dire celles pour lesquelles la part de l'énergie dans le produit fini est importante. Celles-ci vont se trouver dans une concurrence féroce, quasi-déloyale, très rapidement à partir de 2015-2016, face aux entreprises américaines. Dans le débat qu'il y aura sur la transition énergétique, il faudra donc y penser et favoriser à chaque fois, le plus possible, l'accès de ces entreprises à une énergie compétitive en jouant sur les trois composantes du prix de l'énergie : l'accès aux réseaux, la fourniture de l'énergie et les taxes. Cela passe par une sensibilisation de l'Europe, de la part de notre pays, de façon à ce que nos industries énergo-intensives puissent avoir accès à une énergie la moins cher possible en agissant sur ces trois composantes. Nous avons un statut des énergo-intensifs en électricité, un également en gaz, il faut poursuivre dans ce sens-là.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion