Même si elles peuvent parfois sembler redondantes, vos questions sont révélatrices des difficultés auxquelles nous nous heurtons. En effet, si un constat s'impose, c'est bien qu'il y a un problème : dans le cas contraire, l'entrée en vigueur du dispositif n'aurait jamais été repoussée, et elle serait même devenue effective sans attendre le changement de président de la République. Et je ne doute pas, monsieur Le Fur, que vous auriez alors mené les mêmes combats !
Reste qu'il faut avancer, qu'il faut bien qu'à un moment donné, quelqu'un essaie de régler le problème. Nous aurions pu nous arranger pour que ce moment arrive plus tard, mais il est possible que nous soyons alors toujours au pouvoir… (Sourires.)
Donc, comment faire ? L'objet de votre mission d'information est de contribuer à trouver une solution, et le Gouvernement a effectivement le même objectif, de même que chacun de ses membres. Mais, s'il doit bien y avoir au bout du compte une position gouvernementale unique, chaque ministre peut avoir des préoccupations qui lui sont propres, en fonction de son domaine de compétence. En ce qui me concerne, en tant que ministre des finances et des comptes publics, il est de ma responsabilité de rappeler qu'on aura beau prendre les choses dans tous les sens, il n'y aura pas d'argent supplémentaire disponible dans les caisses : on ne pourra pas trouver ailleurs les sommes manquantes – ou alors ce serait au prix d'un arbitrage. Il faut donc trouver une solution qui ne passe ni par un accroissement des impôts, taxes ou redevances, ni par une augmentation de la dépense publique ; une solution qui soit conciliable avec le pacte de responsabilité, dont le plan de 50 milliards d'euros d'économies n'est pas simple à mettre en oeuvre. Cela étant, on dispose, à l'intérieur de ce cadre, d'une certaine liberté.
Mme Le Callennec cherche à m'entraîner sur un terrain quelque peu glissant en m'interrogeant sur la nature plus ou moins « écologique » de la taxe. Il me semble, madame, qu'une redevance visant à provoquer un changement « comportemental » en incitant les affréteurs et les chargeurs à utiliser d'autres moyens de transport que le transport routier est, en soi, une bonne chose ; même si ce mécanisme ne peut avoir partout le résultat souhaité, faute de gares, il est prévu que le produit de la taxe serve au financement par l'AFITF d'autres modes de transport qui émettent moins de CO2 : cela me paraît plutôt vertueux. Sur le fond, il me semble donc que l'intérêt du dispositif ne peut être contesté.
Il reste que, quelles que soient ses qualités intrinsèques, un dispositif qui n'est pas accepté ou qui se révélerait inapplicable n'est pas une solution idéale. Il faut aussi qu'il soit réaliste.
Quelles sont les solutions possibles ?
La première serait de conserver le dispositif retenu tout en essayant de remédier à ses inconvénients. On pourrait ainsi accorder un traitement particulier à certains types de transport, comme le transport agricole, qui pourrait être exonéré de redevance. On pourrait aussi faire payer dans les zones périphériques une redevance moins élevée, voire aller jusqu'à une exonération totale – sous réserve que ce soit juridiquement possible.
On pourrait également envisager de se passer des portiques en changeant de technologie – mais j'ignore si c'est possible. Dans ce cas de figure, il faudrait probablement confier à des personnels la tâche de vérifier que le dispositif de localisation est bien installé à l'intérieur de la cabine. J'ai le pressentiment que cela coûterait plus cher.