Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 6 mai 2014 à 17h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Laurence Rossignol, secrétaire d'état chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie :

Je suis heureuse d'être accueillie par votre Commission pour l'examen d'un texte qui comporte des avancées importantes. Je tiens à saluer le travail effectué par la rapporteure et à rappeler celui qu'a accompli Mme Bertinotti, ma prédécesseure, dans la continuité de laquelle je m'inscris.

Cette proposition de loi est centrée sur l'intérêt de l'enfant, ce qui est, j'en suis convaincue, la bonne porte d'entrée. Les décisions relatives à l'autorité parentale après une séparation devraient toujours être prises dans l'intérêt de l'enfant, cet intérêt que notre Constitution reconnaît comme « supérieur ». Pourtant, le droit existant organise surtout l'autorité des parents. Or l'autorité est sans doute un droit, mais d'abord et avant tout un devoir et une responsabilité des parents envers leurs enfants – responsabilité éducative et financière, mais aussi responsabilité de maintenir le lien avec les enfants après la séparation du couple conjugal et responsabilité de se parler pour prendre les grandes décisions.

Dès ma prise de fonctions, j'ai procédé, en lien étroit avec la garde des Sceaux et tous mes collègues du Gouvernement, à un examen attentif de ce texte. J'ai rencontré et écouté les acteurs institutionnels et les associations qui représentent celles et ceux auxquels s'appliqueront ses dispositions, notamment le président de l'Union nationale des associations familiales (UNAF), puis l'ensemble des fédérations qui composent l'UNAF et la quasi-totalité des associations qui agissent dans le champ familial, de l'Association des parents gays et lesbiens à la Manif pour tous, de l'Inter-LGBT à la Fédération syndicale des familles monoparentales, du collectif Avenir pour tous à SOS mamans et à Abandon de famille. J'ai cherché avec eux à prolonger le travail que vous avez fait, madame la rapporteure, pour dégager des convergences sur ce texte.

C'est pourquoi je souhaite que nous travaillions ensemble à l'enrichissement et à la clarification de certaines dispositions. Permettez-moi d'esquisser quelques axes autour desquels nous pourrons avancer et qui sont pour vous, je le sais, des priorités.

Tout d'abord, la situation des femmes victimes de violences doit être prise en compte dans presque chaque article. Ce texte doit aider les parents sans créer de difficulté supplémentaire pour ces femmes et pour leurs enfants. J'accueille très positivement les amendements que vous avez déposés à ce sujet et souhaite que toute l'attention nécessaire leur soit portée.

Ensuite, il convient d'assurer l'équilibre du texte. Si l'on crée de nouvelles sanctions, elles doivent être symétriques et s'appliquer aux deux parents. Ainsi, l'article 5 prévoit une amende civile qui sanctionnera le parent qui fait obstacle à l'exercice conjoint de l'autorité parentale ou celui qui ne respecte pas les décisions concernant le temps d'accueil. On pourra ainsi sanctionner les non-représentations d'enfant, mais aussi les comportements consistant à ne pas exercer ce qu'on appelle aujourd'hui le droit de visite et d'hébergement. Je me réfère à ce que Mme Chapdelaine appelle « les enfants à la fenêtre », ces enfants qui attendent en vain, week-end après week-end, que leur père – car c'est souvent du père qu'il s'agit – vienne les chercher. Venir chercher son enfant un week-end sur deux, comme cela est prévu dans la majorité des organisations familiales après une séparation, n'est ni une faculté, ni une option, ni un droit : c'est un devoir. Nous aurons l'occasion d'y revenir plus en détail au cours de l'examen du texte.

Je suis très favorable au principe de la double résidence et du double domicile. C'est un acte fort que de poser qu'un enfant est chez lui chez chacun de ses parents. Mais ce principe n'est pas sans soulever quelques questions. D'abord, comme l'a indiqué la rapporteure, il faut rappeler qu'il ne s'agit en aucun cas d'imposer la résidence alternée paritaire par défaut. C'est une évidence pour nous, qui travaillons sur ces mesures depuis un certain temps, mais c'est un sujet d'inquiétude pour plusieurs associations que j'ai rencontrée. On peut nourrir des doutes sur la bonne compréhension du dispositif par tous les acteurs concernés. Nous ne devons donc pas hésiter à apporter les clarifications nécessaires. L'intention du législateur devra être très claire tout au long de la discussion du texte.

L'article 4 rend nécessaire l'accord exprès de l'autre parent pour le changement d'établissement scolaire ou de domicile de l'enfant, dans la mesure où ce changement a un impact sur les modalités d'accueil par l'autre parent. Il faut rappeler qu'il revient toujours au juge, en cas de désaccord, d'arbitrer et de statuer dans l'intérêt de l'enfant. J'ajoute que le changement de domicile visé n'est pas seulement celui du parent chez qui l'enfant réside le plus de temps : le changement de domicile du parent qui a le droit de visite et d'hébergement est aussi concerné. Quand un parent qui accueille l'enfant le week-end déménage loin du parent chez qui l'enfant est le plus souvent hébergé, cela a une conséquence sur sa capacité à exercer ledit droit. Nous entendons bien inclure dans le champ du texte les deux types de déménagement.

Enfin, je partage la volonté de la rapporteure de développer la médiation familiale pour apaiser les conflits et parvenir à des solutions consensuelles. Dans cet esprit, je suis favorable aux articles 17 et 18, qui autorisent le juge à enjoindre aux parents de se rendre à des séances de médiation familiale. Toutefois, le texte doit affirmer clairement que la médiation n'est pas appropriée dès lors qu'il y a eu violence à l'encontre d'un des parents – les victimes étant, dans la quasi-totalité des cas, des femmes. Nous devons aussi veiller à ce que le nombre de séances imposées par le juge soit limité, pour ne pas retarder indûment le dénouement de situations souvent difficiles pour les familles.

Je tiens ce texte pour un texte d'apaisement : apaisement des parents après une rupture conjugale, apaisement autour de l'intérêt de l'enfant, apaisement du Parlement et du pays sur un sujet commun à tous les individus, la famille.

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