Intervention de Erwann Binet

Réunion du 6 mai 2014 à 17h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwann Binet :

Cet amendement répond à la très grande surprise suscitée par les trois jugements rendus la semaine dernière par le tribunal de grande instance de Versailles pour refuser l'adoption, au sein de couples de femmes, d'enfants conçus par PMA à l'étranger. Ce faisant, il donne à ces jugements une importance qu'ils ne méritent pas, sinon bien sûr pour les familles concernées, légitimement bouleversées par cette décision. En effet, ces trois jugements ne parviennent pas à cacher les dizaines de jugements qui, depuis plusieurs mois et dans tous les autres tribunaux de grande instance de France, permettent ces adoptions. Ils ne font donc pas jurisprudence.

Ils ne méritent pas non plus l'importance qu'on leur donne parce qu'ils ne respectent ni le sens de la loi sur le mariage pour tous ni l'intention du législateur. Lors de nos débats, il a en effet toujours été admis que l'adoption ouverte aux couples de même sexe serait très largement investie par les couples de femmes dont les enfants ont été conçus par PMA réalisée à l'étranger, et que ce cas représenterait la très grande majorité des demandes d'adoption. Cela a donc toujours été l'intention du législateur.

Ces jugements ne méritent pas non plus cette importance parce que leurs motifs sont très critiquables. Ils se fondent en effet sur des réserves imaginaires du Conseil constitutionnel et reprennent l'argument des opposants au mariage pour tous tendant à laisser penser – ce qui est baroque – que l'ouverture de la PMA aux couples de lesbiennes ouvrirait la GPA aux mêmes couples, pour des raisons d'égalité, oubliant que notre droit établit cette même discrimination entre les couples hétérosexuels, dont certains peuvent recevoir une réponse à leur désir d'enfant au moyen de la PMA parce que leur stérilité le permet, tandis que d'autres ne le pourraient parce que la réponse à leur stérilité est la GPA qui est interdite. Il existe donc dans notre droit une inégalité qui n'est pas soulignée par les juges.

Enfin, ces jugements se fondent sur une notion de fraude qui, à en croire de nombreux juristes qui s'expriment depuis la semaine dernière, n'a pas sa place en l'espèce.

Dans l'intervention qu'il a faite ce matin, le président de la République a rappelé qu'une éventuelle réforme de la procréation médicalement assistée, qui va bien au-delà de la question de l'ouverture aux couples de lesbiennes, devait attendre l'avis du Comité national consultatif d'éthique. Cette position est celle du groupe SRC.

Quant aux décisions du tribunal de grande instance de Versailles, nous espérons que, très rapidement, les jugements d'adoption concernant les couples de même sexe suivront à nouveau les rails du droit voulu il y a un an par la représentation nationale.

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