La démonstration de sûreté recouvre différents aspects. Le premier a trait à la capacité d'avoir, dans le temps, une maîtrise raisonnable, à la fois robuste et simple, du confinement des déchets dans l'ouvrage de stockage envisagé. Cet aspect est assez peu dépendant du détail de l'ingénierie du concept. En 2005, au vu des démonstrations de sûreté présentées par l'ANDRA, l'ASN a considéré que le stockage était une solution sûre. À l'époque, un groupe permanent d'experts s'était, du reste, penché de manière approfondie sur les documents de l'ANDRA.
Autre type de sûreté, la sûreté opérationnelle. Elle porte sur les risques d'incendie ou de chute des gros colis dans les installations et, pour le coup, les solutions dépendent du détail de la conception de l'ouvrage. L'avant-projet sommaire étant en cours de réalisation, il est pour le moment très difficile de connaître les détails des études : une fois qu'elles auront été instruites par le support technique de l'ASN, celle-ci pourra se prononcer sur les choix retenus en vue de maîtriser le risque incendie, le risque de chute ou tout autre aspect opérationnel. C'est, à mes yeux, parce qu'il ne dispose pas encore d'un dossier complet que l'IRSN a affirmé ne pas pouvoir se prononcer.
L'ANDRA devra, en vertu des dispositions législatives, remettre en 2015 une demande d'autorisation de création : la question de la démonstration de sûreté devra alors avoir été traitée. J'ignore si l'échéance pourra être tenue.
Les choix opérés peuvent avoir une influence sur le niveau de sûreté de l'ouvrage. Maintenir longtemps une alvéole ouverte est contraire à la sûreté à long terme de la phase d'exploitation. Refermer cette alvéole est plus sûr, sans pour autant compromettre la récupérabilité des déchets, qui sera simplement rendue plus difficile. La vérité en matière de réversibilité ne peut pas entièrement venir du Parlement : à un moment donné, les acteurs industriels et réglementaires devront prendre leurs responsabilités et faire les choix techniques nécessaires à l'application des principes définis par le législateur, s'agissant notamment du compromis entre réversibilité et sûreté.
S'agissant du coût de Cigéo, l'ANDRA a rappelé que les 35 milliards correspondaient à un stade antérieur des études ; le chiffre de 15 milliards a été avancé plus tard, en 2005. L'Autorité de sûreté a été impliquée dans ces évaluations, avalisées par le ministre de l'énergie d'alors. C'est donc bien ce dernier chiffrage, dont l'ordre de grandeur avait été considéré comme raisonnable au vu des conditions économiques de l'époque, qui nous sert de référence pour calculer la hauteur des provisions, étant entendu que des marges avaient été prévues, permettant de tenir compte des résultats des études d'ingénierie détaillées qui n'avaient pas encore été entièrement réalisées.
Or nous nous apercevons aujourd'hui que les coûts peuvent varier du tout au tout en fonction des techniques choisies. C'est ainsi que la technique du tunnelier a été privilégiée parce que c'est celle qui est la plus productive en matière de creusement tout en assurant le maximum de sécurité en phase de chantier. Lorsque l'ANDRA en était arrivée au chiffre de 35 milliards, la technique de creusement retenue était celle de la machine à attaque ponctuelle, plus lente et beaucoup plus onéreuse, tout simplement parce que c'était la seule qui avait été testée dans son laboratoire. Il faut évidemment tenir compte de la faisabilité des choix techniques en fonction des différents critères retenus en termes de sûreté, de respect de la roche et de confinement. Ces questions sont encore en cours d'instruction.