Intervention de Thomas Piquemal

Réunion du 2 avril 2014 à 10h00
Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire

Thomas Piquemal, directeur exécutif groupe chargé des finances d'EDF :

Les provisions nucléaires et les actifs de couverture d'EDF sont très encadrés. Je n'ai pas besoin d'insister longuement ici sur l'encadrement législatif et réglementaire – loi du 28 juin 2006 et loi du 7 décembre 2010 sur la nouvelle organisation du marché de l'électricité, dite NOME, notamment.

Ils sont également encadrés par les structures de gouvernance d'EDF : le conseil d'administration fixe la politique de constitution et de gestion des actifs dédiés et valide la gestion des actifs et des passifs du groupe ; le comité d'audit revoit les provisions et éclaire les travaux du conseil d'administration ; le comité de suivi des engagements nucléaires (CSEN) suit l'évolution des provisions, donne un avis sur l'adossement actifspassifs et supervise la gestion financière. Ces deux comités sont présidés par des administrateurs indépendants. Enfin, le comité d'expertise financière des engagements nucléaires rassemble des experts qui donnent un avis sur la gestion et la stratégie de placement des actifs dédiés.

Interviennent enfin différentes autorités de contrôle : office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) bien sûr, commission des finances à laquelle les comptes sont présentés chaque année, CNEF, Cour des comptes, direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), direction générale du Trésor, Autorité de sûreté nucléaire (ASN), commissaires aux comptes d'EDF et Autorité des marchés financiers (AMF).

À la fin de l'année 2013, le coût brut des charges futures d'EDF est de 67,873 milliards d'euros. Le calcul des provisions repose sur les dernières estimations connues, à partir de contrats, de devis, d'études internes et externes. Nous établissons un échéancier de paiement de ces charges, qui sont inflatées, avec un taux d'inflation de 1,9 % – très supérieur, vous le voyez, aux derniers taux communiqués. Nous actualisons enfin les charges pour les ramener en valeur actuelle et les inscrire dans le bilan du groupe ; le taux d'actualisation, qui est de 4,8 %, repose sur des analyses de spread de sociétés comparables aux nôtres et des taux de marché. À la fin de l'année 2013, le montant total de nos provisions s'élève dont à 32,658 milliards.

Nous avons constitué, conformément à la loi, un portefeuille d'actifs dédiés. Les provisions qui doivent être couvertes sont de 21 milliards d'euros, c'est-à-dire environ les deux tiers des montants provisionnés : certaines charges futures – le combustible, notamment – seront couvertes par le cycle d'exploitation et n'ont donc pas besoin de l'être par des actifs dédiés. Les provisions pour la déconstruction des centrales nucléaires s'élèvent à 13 milliards d'euros, celles pour la gestion à long terme des déchets radioactifs à 7,5 milliards et celles pour les « derniers coeurs », c'est-à-dire le traitement du dernier combustible lors de la mise à l'arrêt des centrales, à 0,5 milliard d'euros. Le montant de notre portefeuille d'actifs dédiés est supérieur au montant des provisions, puisqu'il s'élève à 21,7 milliards d'euros : le taux de couverture des passifs est de 103 %.

Le portefeuille d'actifs dédiés d'EDF est constitué de titres d'investissement dans des fonds obligataires ou dans des fonds en actions. Depuis quatre ans, nous avons adopté une stratégie de diversification : c'est un principe de bonne gestion. Nous nous attachons aussi à choisir le meilleur rapport possible entre risque et rendement. Auparavant, le portefeuille d'actifs dédiés d'EDF était investi pour moitié en actions et pour moitié en obligations : lorsque EDF souhaitait ajouter des fonds dans son portefeuille d'actifs dédiés, l'entreprise émettait de la dette sur les marchés internationaux auprès d'investisseurs obligataires et réinvestissait ensuite 50 % de cette dette levée dans des fonds obligataires, notamment ceux qui avaient souscrit la dette EDF. C'était un peu circulaire, et certainement pas optimal. Nous avons donc aujourd'hui diversifié nos investissements, et créé notamment un compartiment « infrastructures » au sein du portefeuille d'actifs dédiés, dans lequel se trouvent 50 % des titres de RTE (Réseau de transport d'électricité) et 20 % de TIGF (Transport et Infrastructures Gaz France), le réseau que Total a vendu l'année dernière. EDF dispose ainsi d'un rendement régulier, à faible risque, et augmente donc la valeur de son portefeuille à très long terme.

Enfin, depuis l'accord trouvé avec l'État au début de l'année 2013, nous avons affecté la créance du déficit de contribution au service public de l'électricité (CSPE), d'environ 4,9 milliards d'euros. Elle sera soldée d'ici au 31 décembre 2018. Le rendement est de 170 points de base environ. Il n'y a là aucun risque.

En 2013, la performance totale du portefeuille des actifs dédiés était de 9,4 % ; pour le portefeuille financier seul, c'est-à-dire hors créance de CSPE et trésorerie, elle était de 11,6 %. La performance de RTE était de 11,1 %. Sur les dix dernières années, le rendement moyen annualisé du portefeuille est de 5,8 %, ce qui est supérieur au taux d'actualisation. La performance sur les actifs dédiés est donc essentielle pour faire face aux coûts futurs du nucléaire.

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