Sur le site de La Hague, le démantèlement de la première usine de traitement des combustibles irradiés, UP2 400, n'a donné lieu qu'à une révision significative des coûts, en 2007, pour 326 millions d'euros, avant une hausse, entre 2010 et 2013, limitée à un peu plus de 120 millions d'euros. Le devis actualisé dans les comptes d'AREVA s'élève aujourd'hui à 1,4 milliard d'euros. Sur les 450 millions d'euros d'augmentation que je viens d'évoquer, 350 étaient dus aux coûts de la surveillance future des installations, nouvelle exigence posée par la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, ainsi qu'à la taxe sur les installations nucléaires de base (INB) et à la taxe additionnelle destinée au financement de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) : toutes choses qui n'ont rien à voir avec d'éventuelles difficultés techniques ! Pour ce démantèlement, nous sommes désormais passés d'un devis estimé par unité d'oeuvre lors de la mise en service à un devis pleinement opérationnel et robuste, grâce à l'élaboration de scénarios précis et à la consultation valant engagement des sous-traitants et des fournisseurs d'équipements impliqués dans le chantier – devis qui a d'ailleurs corroboré le précédent. Cela étant, nous estimons à 20 % le risque d'aléas, ce taux étant inclus dans le devis en sus des coûts bruts, de sorte que nous disposons d'une marge de sécurité satisfaisante.
Le devis de démantèlement de l'usine Georges-Besse I, exploitée par Eurodif Production, a été sensiblement révisé à la fin de 2011, puisqu'il est passé de 660 millions à près d'1 milliard d'euros, cette augmentation résultant de la modification substantielle du scénario de démantèlement à la suite de la réalisation d'études avancées. Les causes principales de cette hausse résident dans l'accroissement de la durée des opérations –l'exiguïté des installations obligeant à échelonner soigneusement celles-ci – et dans l'augmentation des dépenses de surveillance qui en résultera, mais aussi, pour 100 millions d'euros, dans l'obligation de remplacer ou d'ajouter certains équipements comme des ponts de levage et, pour 130 millions, dans un besoin de main-d'oeuvre supplémentaire. Ce devis, une fois majoré, a fait l'objet d'une analyse contradictoire par des tiers mandatés par les actionnaires minoritaires d'Eurodif, analyse qui a démontré au reste la possibilité de jouer sur certains leviers pour réduire le montant provisionné dans la proportion de quelque 5 %.
Les scénarios de démantèlement sont plus favorables pour les installations de génération plus récente – usines UP2 800 et UP3 à La Hague, usine Georges-Besse II d'enrichissement de l'uranium –, grâce aux choix technologiques opérés et à la prise en compte des exigences du démantèlement dès le stade de la conception. Il faut en outre souligner que, lorsque nous établissons les devis, nous ne prenons en compte ni les gains de productivité, ni le progrès technologique, alors même que nous fournissons, sur fonds propres ou dans le cadre d'initiatives partagées avec le CEA et EDF, d'importants efforts de recherche et de développement (R&D) qui nous permettent d'envisager une plus grande efficacité dans les opérations d'assainissement préalables à la déconstruction des installations – nous travaillons ainsi actuellement sur des procédés innovants de scan en trois dimensions permettant de connaître très précisément la configuration d'une cellule avant son démantèlement et les sources de contamination ponctuelle qui peuvent s'y trouver. À cela s'ajoute l'introduction d'un coefficient d'aléa supérieur à 10 %.
Je me retrouve dans le propos de M. Thomas Piquemal sur le taux d'actualisation ; la performance du portefeuille d'AREVA sur longue période a été très largement supérieure à ce taux, avec un rendement de quelque 9 % en moyenne. Ayant à fixer un taux d'actualisation pertinent compte tenu de l'étalement des dépenses sur une très longue durée, on doit prendre en compte le niveau des taux d'intérêt à long terme, relativement élevé si on le compare aux taux à court et moyen termes ; ainsi EDF, entreprise bénéficiant d'une excellente notation, a récemment effectué des émissions à cent ans avec un taux d'intérêt supérieur au taux d'actualisation des provisions. Si on reconstitue celui-ci sur le fondement du taux sans risque en prenant en compte le spread du surcoût lié au risque pour les entreprises jouissant d'une bonne notation, une prime de liquidité et une pondération en fonction de l'échéancier de nos passifs, on arrive à un résultat moyen pleinement cohérent avec le taux de 4,75 % que nous avons retenu, celui-ci étant très proche des 4,8 % retenus par EDF. Nous souhaitons en tout cas la plus grande stabilité possible de ce taux, sa volatilité étant un facteur perturbateur.
Concernant la proposition d'externaliser la gestion des fonds dédiés, je rejoins là également les commentaires de MM. Piquemal et Bigot : on ne peut pas désolidariser la gestion du passif de celle de l'actif ; certains passifs de nature sociale – engagements de préretraite ou de retraite, couverture de frais médicaux par les entreprises – peuvent être pris en charge par des assureurs, mais les charges de démantèlement n'entrent pas dans cette catégorie pour des raisons de responsabilité et de spécificité technique. Nous devons dès lors conserver la haute main sur ces actifs, ne serait-ce que pour pouvoir adapter nos placements à l'échéancier des dépenses, qui peut connaître des variations de plusieurs années en fonction de l'évolution des scénarios de démantèlement.
Les actifs placés en actions ont perdu de la valeur lors de la crise boursière de 2008, mais le taux de couverture, qui atteignait pour AREVA 102 % à la fin de l'année 2013, s'élevait à 107 % à la fin de 2007 avant de chuter à 92 % au coeur de la crise boursière de la fin de 2008 et du début de 2009, puis de dépasser à nouveau 100 % dès la fin de l'année 2009, et ce sans ajout de liquidités supplémentaires. À l'instar d'un assureur-vie effectuant des placements majoritairement en obligations mais également, pour une part significative, en actions, nous ne devons pas trembler devant la volatilité des marchés financiers. Lorsque l'hypothèse de taux d'actualisation reste stable, il est possible, au lieu de se précipiter pour vendre, de conduire une gestion prudente et d'obtenir un retour à meilleure fortune, une reprise de la profitabilité, liée au rendement des marchés financiers constaté sur le long terme.