Je suis heureux de retrouver votre commission devant laquelle j'étais venu exposer les enseignements tirés de deux débats : l'un consacré au projet de métro Arc Express porté par le Syndicat des transports d'Ile-de-France, l'autre au « réseau de transport public du Grand Paris » organisé par la Société du Grand Paris.
L'article 95 de la loi « Grenelle II », qui concernait la Commission, portait principalement trois points.
Le premier a fait passer la Commission de vingt et un à vingt-cinq membres, en l'ouvrant à deux représentants des syndicats de salariés et à deux représentants des entreprises. Les titulaires ont rejoint notre Commission il y a deux mois.
Les deux autres mesures étaient de nature procédurale, la plus importante résidant dans la consécration législative du rôle des garants, sans lesquels il n'est point de bonne concertation. Désormais, nous pouvons nommer systématiquement un garant dès lors que nous recommandons une concertation. En outre, le garant continue d'intervenir à l'issue d'un débat public puisque l'une des nouveautés du Grenelle II est de faire en sorte que la concertation se prolonge jusqu'à l'enquête publique car le public s'était souvent plaint de ne plus entendre parler de rien entre la fin du débat public et l'enquête publique.
Enfin, la loi Grenelle II définit les « options générales » en matière d'environnement, de développement durable ou d'aménagement susceptibles de faire l'objet d'un débat public à l'initiative du ministre chargé de l'environnement et du ministre concerné. Celles-ci pourront porter sur « des politiques, plans et programmes », en référence à la convention d'Aarhus, avec laquelle le dispositif d'initiative français est désormais en conformité.
Avec la loi « Grenelle II », nous avons tous les outils pour que le public participe au processus d'élaboration d'un projet, depuis les études préliminaires jusqu'à l'enquête publique.
La CNDP, je le rappelle, n'est obligatoirement saisie, ou indirectement saisie, que pour des projets d'équipement dont la liste est fixée par décret. L'importance de l'environnement est très limitée puisqu'il n'y a qu'une dizaine d'opérations devant faire l'objet d'un débat public : ce sont essentiellement des infrastructures de transport ou d'énergie. De plus, la Commission ne peut pas s'autosaisir. Selon les décisions du Conseil constitutionnel, la participation du public doit être beaucoup plus large qu'elle ne l'est dans le cadre du débat public organisé par la CNDP. Dès lors, s'agissant de la mise en oeuvre de l'article 7 de la Charte de l'environnement, notre participation est limitée.
Nous avons eu trois débats sur des options générales. L'un a porté sur la gestion des déchets radioactifs et il s'est tenu en 2005, anticipant la loi de juin 2006. Un deuxième a été consacré à la politique des transports dans la vallée du Rhône et l'arc languedocien. Le troisième traitait du développement des nanotechnologies.
Depuis 2002, année où la CNDP est devenue une autorité administrative indépendante, elle a décidé et organisé 70 débats, recommandé 39 concertations, pour 140 saisines environ. Autrement dit, une saisine sur deux entraîne un débat public, une sur quatre aboutit à recommander une concertation, une sur quatre également n'a pas de suite, soit parce que la concertation avait déjà eu lieu, soit parce que l'impact sur l'environnement – l'un des critères majeurs de notre décision – n'est pas significatif.
En ce qui concerne le site de Bure, la loi de 2006 prévoit qu'en 2015, l'Agence nationale des déchets radioactifs – ANDRA – demandera l'autorisation d'exploiter un centre de stockage géologique de déchets radioactifs à moyenne et forte activité, et à vie longue. Le débat public est donc inscrit dans la loi, dont le décret d'application précise même qu'avant le 31 décembre 2012, l'ANDRA aura soumis à son ministre de tutelle le projet de dossier du débat.
La CNDP a été saisie par l'ANDRA au début du mois d'octobre et elle rendra sa décision le 7 novembre. Sa marge de manoeuvre étant extrêmement limitée, elle décidera donc l'organisation du débat et le nom de la personne qui l'animera sera rendu public en même temps. En revanche, les modalités et le calendrier restent encore à définir. Le débat risque d'être compliqué dans la mesure où le public relancera très probablement la question de savoir si les déchets à vie longue doivent être entreposés ou stockés, même si les instances internationales sont en faveur du stockage. De même, la question du temps ressurgira car la durée de vie de tels déchets se mesure en centaines de milliers d'années, soit une période aussi longue que celle qui nous sépare de l'homme de Cro-Magnon. L'échelle de temps est radicalement changée. Comment garder une mémoire sur une aussi longue durée ? Le débat se déroulera vraisemblablement entre avril et juillet prochain, l'idée étant de le coordonner avec celui sur la transition énergétique, pour éviter, dans les deux régions concernées, à savoir la Lorraine et Champagne-Ardenne, que la mobilisation sur le thème des déchets ne conduise ensuite à éclipser le débat national.
Les quatre autres débats sur des infrastructures énergétiques actuellement en cours portent sur l'installation de parcs éoliens en mer : au large de Fécamp, de Courseulles-sur-Mer, de Saint-Brieuc et de Saint-Nazaire. Nous sommes également saisis au sujet du gazoduc entre Saint-Avit, dans la Drôme, et Etrez, dans l'Ain, qui correspond à un tronçon du projet reliant Dunkerque, où un terminal méthanier est en construction, et Fos-sur-Mer qui est déjà pourvu de tels équipements.
En ce qui la concerne, la CNDP ne doute pas de sa mission. Elle a d'ailleurs enregistré plusieurs succès, dont le débat sur le Grand Paris.