Intervention de Jacques Repussard

Réunion du 2 avril 2014 à 14h00
Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire

Jacques Repussard, directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire :

À l'IRSN, nous sommes experts en matière de risques, mais pas d'économie du nucléaire, même si nous travaillons sur certains aspects de ce domaine. Notre mandat ne consiste pas à surveiller l'équilibre des comptes des exploitants nucléaires.

Les déchets de haute activité à vie longue (HA-VL) sont actuellement, en France, le produit du retraitement des combustibles usés. L'inventaire en est connu et peut être anticipé pour les quelques années à venir. Cependant, il conviendra d'y ajouter, à terme, les combustibles usés non retraités qui apparaîtront le jour où la France cessera d'exploiter les réacteurs à eau ou à neutrons rapides : le retraitement de ces combustibles n'ayant plus d'objet, ils devront être stockés tels quels. Leur quantité ne peut pas être déterminée à l'avance, et la question de l'inventaire des déchets demeure donc ouverte. Nous devons faire de la pédagogie sur ce point, qui n'a pas toujours été bien compris.

Pour protéger la population et l'environnement de la toxicité des déchets HA-VL, trois solutions ont été envisagées et encadrées par des lois successives. La première est la transmutation : on espérait – certains espèrent peut-être encore – pouvoir réduire la toxicité des déchets et la durée de cette toxicité en les transformant au sein de réacteurs. La transmutation a fait l'objet de programmes de recherche en France, conduits par le CEA, et dans d'autres pays. La deuxième méthode consiste à entreposer les déchets en surface, dans des installations sûres surveillées par l'homme, comme nous le faisons à La Hague. La troisième option consiste à placer les déchets dans un stockage géologique, c'est-à-dire hors de portée de l'homme, pour des durées infinies ou, tout au moins, suffisamment longues pour que la radioactivité n'atteigne pas la surface.

Ces trois options ont été explorées et expertisées par l'IRSN. L'installation de La Hague a fait l'objet d'un rapport de sûreté et d'une évaluation des risques. Il en ressort que l'entreposage est une solution bon marché, sûre et pérenne à l'échelle de quelques générations, c'est-à-dire jusqu'à la fin du siècle en cours. Cependant, elle présente un inconvénient majeur du point de vue moral : nous laissons aux générations futures – celles qui viendront après nos petits-enfants – l'entière responsabilité de régler le problème des déchets. En effet, les installations d'entreposage construites en béton à la surface du sol ne dureront pas mille ans. Il conviendra donc d'extraire les déchets – opération coûteuse et probablement non dénuée de risques radiologiques, le bon état des emballages n'étant pas garanti au-delà d'une centaine d'années – et de les placer dans d'autres installations du même type, à moins que l'on n'ait trouvé d'autres solutions d'ici là. Il ne revient pas à l'IRSN de porter des jugements de nature morale ou politique, mais cette option apparaît peu courageuse et ouvre une porte sur l'inconnu : comment nos successeurs plus ou moins lointains traiteront-ils la question ? Cette solution n'est pas donc pas optimale du point de vue de la sûreté.

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