J'ai cité l'exemple des dialogues auxquels a participé l'IRSN. Il est ressorti du débat public que les citoyens sont demandeurs d'informations précises et d'une expertise pluraliste. Il y a, dans la société, de nombreux ingénieurs, qui ne travaillent pas dans les organismes en relation avec le nucléaire mais qui s'intéressent à ces sujets, ont des connaissances scientifiques, sont capables de comprendre et de poser des questions pertinentes, telles que celles qu'avaient formulées des collectifs de citoyens à propos de la géothermie. Avec raison, ils étaient allés consulter les dossiers, y avaient trouvé des failles et avaient demandé des réponses.
Soit on ne répond pas à ces questions et l'on risque de créer une insatisfaction qui s'exprimera de manière politique ; soit on accepte de les considérer comme des questions « adultes », qui méritent réponse, auquel cas ce dialogue doit se dérouler dans un cadre reconnu. Certes, il n'y a pas nécessairement besoin d'une loi : nous avions répondu aux interrogations suscitées par les incidents qui s'étaient produits à La Hague il y a une vingtaine d'années sans qu'aucun texte législatif soit adopté à cette fin. Néanmoins, la loi pourrait utilement donner quelques indications sur la manière de procéder. L'IRSN est prêt à participer à un tel dialogue. S'agissant du projet Cigéo, des instances existent déjà, en particulier le CLIS du laboratoire de Bure.
Entre autres points, il conviendrait de trancher une question de droit : l'IRSN est-il autorisé à diffuser des dossiers établis par l'ANDRA ? Quelles limites se fixe-t-on en la matière ? Dans le cadre du débat public sur l'EPR, EDF avait dû signer une convention avec la CLI pour pouvoir lui remettre des dossiers comportant des informations confidentielles relatives à la sécurité. Le législateur pourrait encadrer cette forme de démocratie directe, en en fixant les grands principes. Cela apporterait de la sérénité au débat sur ces sujets sensibles, et qui vont le demeurer.
J'en viens à l'opportunité de réaliser un deuxième démonstrateur industriel à l'échelle 11 pour le stockage en subsurface. Il existe actuellement deux modèles possibles pour la gestion des déchets. L'un est le stockage géologique, pour lequel nous avons besoin d'une phase pilote. Une fois celle-ci terminée, les galeries ainsi réalisées seront, sous réserve de validation, intégrées à l'installation finale. Tel n'est pas le cas du laboratoire de Bure, qui ne sera pas, lui, relié au site de stockage. L'autre modèle est l'entreposage en surface, pour lequel nous disposons déjà d'un démonstrateur, à La Hague. Le stockage en subsurface – par exemple à vingt mètres sous le sol – n'apporterait rien, sinon des ennuis. En effet, le concept même d'entreposage repose sur la surveillance par l'homme : nous ne pouvons pas nous permettre d'oublier les déchets entreposés, ne serait-ce qu'en raison de l'érosion. Telle est d'ailleurs la principale difficulté de la démonstration de sûreté pour le stockage géologique : nous ne pouvons pas faire l'impasse sur le fait que, à long terme, peut-être, les hommes ne sauront plus ce que sont les déchets, ni quelles sont les technologies qui permettent de s'en occuper correctement. Il s'agit d'une question grave : si tel devait être le cas, non seulement nous léguerions le problème aux générations futures, mais nous dresserions sciemment un obstacle devant elles.