Pour l'économiste que je suis, l'intervention de l'État se justifie très fortement dans le choix du mix énergétique et du dispositif qui remplacera, le jour venu, les centrales nucléaires existantes, car le marché n'est pas capable de choisir un bon niveau de diversité technologique, et les questions de sécurité et d'indépendance énergétiques qui se posent touchent à un bien public.
Pour ce qui est, en revanche, du calendrier de fermeture des réacteurs existants, l'intervention de l'État ne se justifie pas, sinon au regard de sa responsabilité en cas d'accident. C'est à l'État, et non à l'autorité de sûreté ou à l'exploitant, que revient la décision de relever l'objectif de sûreté, par exemple lorsque de nouvelles connaissances apparaissent ou lorsque la perception du risque par la population se fait plus vive. Si le politique décide qu'il faut être plus ambitieux en matière de sûreté, il doit transmettre cet ordre à l'autorité de sûreté, sans la court-circuiter, en demandant d'accélérer la fermeture. Si l'État pousse l'ambition jusqu'au point où l'accident doit être impossible, il faut fermer les centrales nucléaires.
Un objectif de sûreté plus ambitieux suppose aussi un coût plus élevé. On retrouve là la question du coût du grand carénage. De fait, pour l'exploitant, deux raisons peuvent entraîner une augmentation du coût de sûreté : soit l'objectif est devenu plus ambitieux, soit on constate, pour un même objectif, une dérive des coûts.
Pour déclarer qu'il est toujours plus profitable pour l'économie du pays de maintenir les centrales nucléaires existantes dès lors que l'autorité de sûreté en est d'accord, je me suis fondé sur le coût du grand carénage avancé par EDF, soit 55 milliards d'euros. À un tel niveau, cela vaut la peine économiquement de continuer d'exploiter les centrales existantes si l'autorité de sûreté donne son aval.
La Cour des comptes s'est interrogée sur les coûts de la prolongation des centrales, mais je ne crois pas que ses conclusions soient déjà établies. Ma base de calcul reste donc le chiffre de 1 milliard d'euros par réacteur.